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Par un arrêt du 28 août 2025, la Cour d’appel d’Amiens, formation de protection sociale, se prononce sur l’opposabilité à l’employeur d’une prise en charge au tableau n°57 A. Le litige porte sur la désignation médicale d’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs et sur la valeur probatoire d’une IRM évoquée au colloque médico-administratif.
Une salariée, employée de restauration, a déclaré une tendinopathie de l’épaule droite sur certificat médical initial daté du 3 avril 2022. Après enquête, la caisse a décidé, le 23 janvier 2023, de reconnaître la maladie au titre du tableau n°57 A des maladies professionnelles.
Saisie d’un recours, la commission de recours amiable a été suivie d’une instance devant le pôle social du tribunal judiciaire de Lille. Par jugement du 5 mars 2024, la juridiction a déclaré l’action recevable, rejeté l’inopposabilité, décliné compétence sur l’inscription au compte spécial, et condamné l’employeur aux dépens. Un appel a été interjeté le 4 avril 2024.
Devant la cour, l’employeur soutient que la condition de désignation n’est pas remplie, faute de preuve extrinsèque du caractère chronique, non rompu et non calcifiant, objectivé par imagerie. La caisse réplique que le service médical a confirmé, sur la base d’une IRM de juillet 2022, la correspondance au tableau n°57 A, l’IRM relevant d’un élément diagnostic non requis au dossier administratif, et sollicite la confirmation.
La question posée est de savoir si l’office du juge, saisi d’une contestation de la désignation au tableau n°57 A, s’exerce à partir de l’ensemble des éléments produits, notamment le colloque médico-administratif mentionnant une IRM non versée au dossier, et si l’absence d’indication de la date de réalisation de l’examen affecte l’opposabilité.
La cour rappelle d’abord que « Il résulte de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ». Elle précise ensuite que « Il appartient au juge, saisi d’un litige sur la désignation de la maladie, de rechercher si l’affection déclarée correspond à l’une des pathologies décrites par un tableau de maladies professionnelles, compte tenu des éléments de fait et de preuve produits par les parties et non de la seule analyse littérale du certificat médical initial ». Constatant que le colloque médico-administratif retient que « les conditions médicales réglementaires étaient bien remplies », et que l’IRM constitue « un élément diagnostic qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse », la cour écarte tout grief formel. Elle ajoute enfin que « Le fait que le colloque médico-administratif mentionne la date de réception de l’IRM par le médecin conseil, et non celle de sa réalisation, est sans incidence et n’a pas pour conséquence l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’employeur ». Le jugement est confirmé.
I. Le contrôle de la désignation au tableau n°57 A par le juge du contentieux social
A. La présomption légale et l’exigence de correspondance pathologique
La cour rappelle la structure de la présomption de l’article L. 461-1 autour d’une double exigence, désignation et conditions. La solution s’astreint à vérifier l’adéquation de l’affection déclarée à la pathologie décrite, sans exiger une reprise littérale au certificat initial. En retenant que « Il appartient au juge […] de rechercher si l’affection déclarée correspond à l’une des pathologies décrites […] et non de la seule analyse littérale du certificat médical initial », l’arrêt récuse un formalisme de pure restitution textuelle.
Cette approche réaffirme l’examen in concreto des critères médicaux du tableau n°57 A, qui vise la tendinopathie chronique non rompue et non calcifiante, objectivée par imagerie. Elle commande une appréciation substantielle de la chronicité, de l’intégrité tendineuse et de l’absence de calcifications, au regard des éléments probatoires disponibles. L’office du juge se déploie ainsi au-delà du libellé initial, pour embrasser la matérialité clinique telle que documentée.
La référence au code syndrome du tableau complète la méthode. La cour relève que « le code syndrome renseigné est celui correspondant au tableau n°57 A, soit le code 057AAM96C », ce qui atteste la qualification médicale opérée par le service compétent. Cette donnée, insérée au colloque, contribue à sécuriser la correspondance diagnostique et à guider le contrôle juridictionnel.
B. La force probatoire du colloque médico-administratif dans la vérification des critères
L’arrêt attribue au colloque médico-administratif une valeur opératoire décisive pour attester la réunion des conditions médicales. Il est mentionné que « les conditions médicales réglementaires étaient bien remplies », et que « le médecin-conseil était d’accord avec le diagnostic figurant sur le certificat médical initial ». Le juge en déduit que le service médical a procédé à la vérification requise, notamment par imagerie, au regard des critères cumulatifs du tableau.
Cette centralité du colloque répond à un double impératif, traçabilité de l’instruction médicale et respect du secret. Le document constitue la synthèse communicable qui assure l’information utile des intéressés, sans divulguer le détail des pièces protégées. Il permet d’asseoir la correspondance pathologique sans fragiliser la confidentialité des examens et comptes rendus.
La méthode retenue concilie ainsi efficacité probatoire et respect des cadres de l’instruction. L’employeur accède à la qualification médicale et aux conclusions du service, ce qui suffit à déclencher le débat contradictoire sur le fond des critères, plutôt qu’à imposer un contrôle formaliste du seul certificat initial.
II. Les éléments médicaux non versés au dossier administratif et l’opposabilité de la prise en charge
A. L’IRM comme élément diagnostic protégé et suffisant pour la désignation
La cour adopte une solution ferme sur le statut de l’imagerie. Elle retient que l’IRM, « tout comme son compte-rendu », est « un élément diagnostic qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse ». Le raisonnement distingue le dossier administratif communicable du substrat médical, dont la divulgation n’est ni requise ni utile à l’exercice du contrôle juridictionnel.
Ce choix protège la confidentialité sanitaire, tout en préservant l’opposabilité dès lors que le colloque en atteste l’usage et la teneur diagnostique. La désignation au tableau n°57 A s’apprécie à partir de la conclusion médicale synthétisée, et non de la production intégrale des pièces cliniques. Le standard probatoire bascule de la formalité documentaire vers la réalité médicale constatée.
La cour valorise ainsi la matérialité de l’objectivation par imagerie, plutôt que la présence matérielle de l’examen au dossier. L’employeur conserve la faculté de contester la correspondance pathologique par éléments contraires, notamment médicaux, sans pouvoir exiger la communication exhaustive du support clinique protégé.
B. Les effets pratiques sur l’opposabilité et la sécurité juridique du contentieux
L’arrêt précise la portée des irrégularités alléguées quant aux mentions du colloque. Il juge que « Le fait que le colloque médico-administratif mentionne la date de réception de l’IRM […] et non celle de sa réalisation, est sans incidence et n’a pas pour conséquence l’inopposabilité ». La solution privilégie la substance de la vérification médicale sur les détails formels de calendrier, dès lors que la chronologie demeure cohérente avec la déclaration et l’instruction.
Cette position limite les contentieux d’inopposabilité fondés sur des lacunes de forme ou de libellé. Elle recentre le débat sur la correspondance effective aux critères du tableau n°57 A, telle qu’établie par l’imagerie et actée par le service médical. La sécurité juridique s’en trouve renforcée, car l’opposabilité ne dépend pas d’exigences documentaires excédant le cadre légal.
Il en résulte une charge processuelle clarifiée pour les parties. À l’employeur de produire, s’il le souhaite, des éléments médicaux contestant la chronicité, l’intégrité tendineuse ou l’absence de calcifications. À la caisse de garantir, par un colloque motivé et précis, l’objectivation conforme sans nécessairement verser les pièces cliniques protégées. L’équilibre du contradictoire se situe alors dans l’échange des qualifications et des preuves, plutôt que dans la production intégrale du dossier médical.