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Par un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 28 août 2025, la juridiction sociale tranche un litige relatif à la reconnaissance d’un accident du travail. L’assurée, aide à domicile, affirme s’être blessée en repositionnant un bénéficiaire avant l’usage d’un lève‑malade. Un certificat médical initial, établi trois semaines plus tard, mentionne des cervicalgies et lombalgies traumatiques. La caisse a refusé la prise en charge. Le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens a reconnu le caractère professionnel du fait. La cour infirme cette décision, retenant l’insuffisance des éléments probatoires produits au soutien de la matérialité de l’accident allégué.
La question posée tient à la preuve de l’événement accidentel au temps et au lieu du travail, conditionnant le bénéfice de la présomption d’imputabilité. Le cœur du litige réside dans les incohérences factuelles et la consultation différée, susceptibles d’affaiblir les présomptions de faits graves, précises et concordantes. La cour retient que la lésion n’est pas reliée avec certitude à un événement daté et circonstancié survenu pendant le travail. La solution consacre un contrôle probatoire exigeant. L’étude du raisonnement s’impose d’abord, avant d’en apprécier la valeur et la portée.
I. Le sens de la décision
A. La définition légale et la présomption d’imputabilité
La cour rappelle la définition légale, en citant d’abord l’article de référence. Elle affirme ainsi: « Aux termes de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs. » Elle ajoute utilement: « Constitue ainsi un accident du travail un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ou d’ordre psychologique, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. »
La présomption d’imputabilité est également posée en des termes clairs. La cour énonce que « La victime bénéficie d’une présomption d’imputabilité au travail pour tout accident survenu aux temps et lieu de travail. » Cependant, elle souligne que la charge de la preuve de l’accident, préalable à l’application de cette présomption, incombe à l’assurée « Dans ses rapports avec la caisse, il appartient à l’assurée de rapporter la preuve de cette présomption simple ou celle du lien entre la lésion et le travail. » La démonstration peut être directe ou indirecte: « La preuve de la matérialité de l’accident peut être directement rapportée par la preuve de la survenance de la lésion sur le lieu de travail mais, à défaut, peut l’être indirectement par voie de présomptions. » Le cadre normatif mobilisé est classique et ordonné, sans ambiguïté sur l’exigence d’un fait daté, circonscrit et lésionnel.
B. L’application des critères aux éléments du dossier
La cour procède à un examen serré des indices produits. Elle admet la clarté de la date portée au certificat initial, en précisant: « Contrairement à ce que soutient l’appelante, il n’existe aucun doute sur la date mentionnée, alors qu’elle est parfaitement lisible. » Toutefois, elle confronte cette indication à une série d’incohérences relatives au déroulé et aux horaires, notamment l’heure déclarée du fait et la chronologie des appels à l’astreinte. Elle note également que la déclaration ne fait pas état, lors du premier signalement, d’une blessure effectivement subie.
La consultation tardive pèse lourdement dans l’analyse, la cour rappelant que « Pour autant, la consultation intervient 3 semaines après les faits, période pendant laquelle l’assurée a continué à travailler. » La mention ultérieure d’un « accident de la vie courante » lors d’une nouvelle consultation d’urgence fragilise encore le lien causal, comme l’indique la formule suivante: « En effet, au titre des circonstances, il est indiqué un accident de la vie courante. » La précision horaire figurant sur la déclaration nourrit en outre le doute: « Egalement, il y a lieu de relever que la déclaration d’accident précise que le fait accidentel est survenu à 11 h 44. » Au regard de l’ensemble, la cour considère que les éléments produits, pour certains contradictoires, ne suffisent pas à établir l’événement dommageable au moment et au lieu du travail.
II. Valeur et portée
A. Une solution cohérente avec le droit positif et l’exigence probatoire
La décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle exigeant un événement daté et objectivé, au besoin par présomptions concordantes. Le rappel de l’article L. 411‑1, la mise en évidence d’une chronologie imprécise, et le poids accordé à la consultation tardive forment une construction rigoureuse. L’accent mis sur la temporalité des soins et sur la mention d’un accident de la vie courante préserve la logique de la présomption, laquelle suppose d’abord la preuve d’un fait caractérisé.
La cour ne méconnaît ni la possibilité de présomptions, ni la difficulté intrinsèque de certaines situations de soins à domicile. Elle exige cependant des présomptions robustes, sinon la preuve directe d’un événement à date certaine. Une telle exigence assure la sécurité juridique du régime et limite les prises en charge fondées sur des déclarations tardives, peu corrélées avec un fait de travail suffisamment circonscrit.
B. Portée pratique et vigilance probatoire en contexte de soins à domicile
La portée de l’arrêt est pratique. Elle invite les salariés intervenant au domicile à sécuriser immédiatement la preuve: signalement circonstancié de la blessure, consignation de l’heure exacte, recherche d’un témoin neutre et production rapide d’un examen médical. La décision montre que des attestations familiales tardives, une chronologie fluctuante, et une consultation différée sapent la crédibilité des présomptions, même en présence de douleurs plausibles.
L’arrêt paraît davantage d’espèce que de principe, mais il rappelle des standards probatoires éprouvés. Le cadre légal est constant, la méthode d’analyse demeure transposable. La vigilance documentaire constitue la clef d’accès à la présomption d’imputabilité. À défaut d’indices concordants précoces, la qualification d’accident du travail s’expose à un refus, malgré la cohérence apparente du récit initial.