Cour d’appel de Amiens, le 3 juillet 2025, n°23/00616

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
La Cour d’appel d’Amiens, chambre économique, 3 juillet 2025, statue sur un contentieux de sous-traitance relatif à des factures impayées et à des demandes reconventionnelles fondées sur des désordres allégués. Un premier recours, introduit en 2019, a connu une inactivité prolongée, puis une seconde assignation a été délivrée en 2022, avant qu’une jonction n’aboutisse, en 2022, à la péremption de la première instance et à la nullité de la seconde. L’appel a été formé en 2023; des écritures d’incident ont borné l’objet du litige devant la juridiction du second degré.

Au fond, l’appelante sollicitait le paiement de factures et d’indemnités contractuelles, ainsi que des dommages-intérêts. L’intimée contestait l’effet dévolutif de la déclaration d’appel, invoquait la nullité de l’assignation de 2022, opposait l’irrecevabilité et, subsidiairement, formulait des demandes indemnitaires pour malfaçons et atteinte à l’image. La cour identifie d’abord une question procédurale décisive, tenant à l’étendue de la dévolution et aux effets de la péremption. Elle tranche ensuite les prétentions pécuniaires, en articulant la charge de la preuve, la réalité des travaux et la modération de la clause pénale.

La cour affirme que la mention d’un objet indivisible dans la déclaration d’appel opère la dévolution pour le tout et que la péremption éteint l’instance, non l’action, rendant valide une nouvelle assignation. Elle rappelle que « la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible », puis décide: « Il convient de constater que la dévolution s’est bien opérée pour le tout. » Sur la péremption, elle énonce que « la péremption n’éteint pas l’action, elle emporte seulement extinction de l’instance » et en déduit la recevabilité de l’action reprise. Sur le fond, elle accueille partiellement la demande en paiement au vu des pièces contractuelles et comptables, refuse des “suppléments” non commandés, réduit la pénalité contractuelle en ces termes: « Il convient de considérer que dans le rapport de sous-traitance la pénalité prévue est manifestement excessive et il convient de la réduire à 5%. » Les prétentions indemnitaires reconventionnelles sont écartées faute de preuve suffisante, sauf une facture de fourniture établie.

I. L’économie de la décision: une articulation rigoureuse des règles de procédure

A. L’effet dévolutif circonscrit par les mentions de l’acte d’appel
La cour applique les articles 562 et 901 du code de procédure civile pour déterminer l’étendue du litige porté devant elle. Elle rappelle que l’appel « ne défère à la cour que les chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ». Elle cite encore que « la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ». La déclaration d’appel comportant la référence explicite à l’indivisibilité, la solution s’impose, sans excès ni artifice. L’exigence de précision de l’acte d’appel demeure, mais la mention de l’indivisibilité suffit, dans ce cadre procédural précis, à emporter la dévolution totale.

Au-delà de la seule orthodoxie textuelle, la cour veille à une cohérence procédurale. La formulation « Il convient de constater que la dévolution s’est bien opérée pour le tout » parachève l’analyse en reliant le motif de droit à l’élément matériel présent dans l’acte d’appel. La démarche réaffirme une ligne jurisprudentielle constante sur la fonction distributive des mentions requises, qui ne tolèrent ni silence inopportun, ni approximations dans la critique des chefs du dispositif.

B. La péremption: extinction de l’instance, non de l’action
La décision retient la péremption sur le premier recours à la date d’acquisition, après deux ans d’inertie, conformément à l’article 386. Elle ordonne cependant une lecture stricte de l’article 389, dont la portée est rappelée en des termes clairs: « la péremption n’éteint pas l’action, elle emporte seulement extinction de l’instance ». La distinction, élémentaire mais décisive, évite une confusion entre droit substantiel d’agir et voie procédurale périmée.

La conséquence est logiquement tirée. La cour admet la reprise de l’action par une nouvelle assignation, dépourvue de nullité, dès lors que la péremption n’interdit pas la réitération, sous réserve de la prescription. La motivation, sobre, insiste sur la validité formelle et la recevabilité, sans surcharger l’argument de considérations superfétatoires. Elle garantit, ce faisant, une circulation ordonnée du droit d’accès au juge, en respectant l’autorité des règles extinctives de l’instance.

II. La valeur et la portée: contrôle probatoire, modération des clauses, et enseignements pratiques

A. La preuve des prestations et la modération de la pénalité
La cour réaffirme la règle de l’article 1353: au demandeur la preuve de l’obligation, au débiteur la preuve de l’extinction. Elle retient plusieurs factures appuyées par des contrats de sous-traitance et par des écritures au grand livre du donneur d’ordre, indices convergents d’exécution et de créance. Elle écarte, avec constance, des “travaux supplémentaires” non commandés par écrit, faute d’acceptation préalable, évitant la tentation d’une preuve par présomptions faibles ou par la seule existence de doléances postérieures.

La sanction contractuelle retient une attention particulière. La clause pénale de 15 % est jugée manifestement excessive au regard de l’article 1231-5, et donc réduite. La motivation est directe: « Il convient de considérer que dans le rapport de sous-traitance la pénalité prévue est manifestement excessive et il convient de la réduire à 5%. » L’ajustement, mesuré, réaffirme la fonction de la clause pénale comme évaluation anticipée raisonnable du préjudice, et non comme moyen de pression disproportionné. L’intérêt légal n’est pas majoré, la cour distinguant utilement frais et intérêts.

B. La portée pratique: discipline procédurale et sécurité des échanges
La solution diffuse plusieurs enseignements opérationnels. Sur le terrain procédural, la précision de la déclaration d’appel conserve un rôle cardinal. La mention de l’indivisibilité offre une voie sûre pour une dévolution totale, à condition d’être explicite et pertinente. La péremption appelle une vigilance continue sur les diligences, mais n’empêche pas la reprise de l’instance par une nouvelle assignation, sous réserve des délais de prescription utiles.

Sur le terrain contractuel, la décision valorise les preuves concordantes: contrats signés, situations, factures, et comptabilisation chez le donneur d’ordre. Elle refuse, sans équivoque, les prétentions appuyées sur des travaux non commandés par écrit. Elle écarte les demandes indemnitaires reconventionnelles mal étayées, en rappelant l’exigence d’un lien causal démontré et de justificatifs crédibles du coût. L’équilibre général s’en trouve renforcé, entre sécurité juridique des flux de paiement et contrôle de la rigueur probatoire, sans déroger aux outils de modération judiciaire des clauses pénales excessives.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture