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L’acquiescement, consacré par les articles 408 et 410 du Code de procédure civile, constitue un mode d’extinction de l’instance particulier en ce qu’il implique une reconnaissance du bien-fondé des prétentions adverses. La Cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt rendu le 4 juillet 2025, a eu l’occasion de préciser les conséquences de cet acte unilatéral sur le sort des frais du procès.
En l’espèce, une société avait contesté devant la cour d’appel la décision d’une caisse de mutualité sociale agricole supprimant un code de tarification applicable à l’une de ses sections d’établissement. Par acte de commissaire de justice du 27 mai 2024, elle avait fait assigner l’organisme de protection sociale aux fins de contester cette suppression. L’affaire, initialement appelée à l’audience du 6 décembre 2024, avait fait l’objet d’un renvoi au 2 mai 2025.
À cette dernière audience, la caisse a informé la cour qu’elle faisait finalement droit à la demande de la société. Cette dernière a confirmé l’acquiescement de son adversaire et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La caisse s’en est remise à la sagesse de la cour s’agissant des frais irrépétibles.
La question posée à la cour était de déterminer les conséquences à tirer de l’acquiescement de la caisse, tant sur l’extinction de l’instance que sur la charge des dépens et des frais irrépétibles.
La Cour d’appel d’Amiens constate l’acquiescement de la caisse aux demandes de la société. Elle condamne l’organisme, considéré comme partie perdante, aux dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Cette décision illustre la mécanique processuelle de l’acquiescement (I) tout en posant la question des conséquences indemnitaires attachées à cette reconnaissance tardive du bien-fondé des prétentions adverses (II).
I. La consécration de l’acquiescement comme mode d’extinction de l’instance
La cour rappelle le régime juridique de l’acquiescement avant d’en tirer les conséquences sur l’extinction du litige.
A. Le fondement textuel du mécanisme
La cour fonde son raisonnement sur les articles 384, 408 et 410 du Code de procédure civile. Elle rappelle que « l’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement d’action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d’une partie ». Elle précise ensuite que « l’acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action ».
Ce rappel pédagogique situe l’acquiescement parmi les modes anormaux d’extinction de l’instance. Contrairement au jugement qui tranche le litige au fond, l’acquiescement met fin au procès par un acte unilatéral de volonté émanant du défendeur. Il se distingue du désistement, qui émane du demandeur, et de la transaction, qui suppose un accord bilatéral comportant des concessions réciproques.
L’acquiescement emporte un double effet : il éteint l’instance en cours et il prive la partie qui acquiesce de la possibilité de contester ultérieurement les prétentions adverses. La reconnaissance du bien-fondé des demandes produit les effets d’un jugement définitif et lie les parties pour l’avenir.
B. La constatation judiciaire de l’acte unilatéral
La cour se borne à constater l’acquiescement intervenu. Elle note qu’« à l’audience, la [caisse] a indiqué à la cour qu’elle avait acquiescé aux demandes de la société ». Ce constat suffit à éteindre le litige sans qu’il soit nécessaire d’examiner le fond de la contestation relative à la tarification.
Le rôle de la juridiction se limite ici à prendre acte d’une situation de droit résultant de la volonté de l’une des parties. Elle ne statue pas sur le mérite des prétentions mais constate simplement que le défendeur a renoncé à les contester. Cette fonction de constatation est caractéristique des modes amiables ou unilatéraux d’extinction du litige.
La décision ne précise pas la forme qu’a revêtue cet acquiescement. En l’espèce, il résulte des déclarations faites à l’audience par le représentant de la caisse. L’acquiescement peut être exprès ou tacite, mais doit dans tous les cas manifester une volonté certaine et non équivoque de renoncer à contester les prétentions adverses.
II. Les incidences de l’acquiescement sur les frais du procès
L’acquiescement n’épuise pas les questions liées aux conséquences financières de l’instance. La cour statue sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
A. L’attribution des dépens à la partie acquiesçante
La cour condamne la caisse aux dépens de l’instance en la qualifiant de « partie perdante ». Cette qualification appelle réflexion. L’acquiescement ne constitue pas à proprement parler une décision défavorable rendue après examen du fond. La caisse n’a pas été déboutée de ses prétentions mais a choisi de reconnaître le bien-fondé des demandes adverses.
La solution retenue par la cour est conforme à la logique de l’article 696 du Code de procédure civile, qui met les dépens à la charge de la partie perdante. Celui qui acquiesce reconnaît par là même qu’il avait tort de résister à la demande. Il est donc logique qu’il supporte les frais engendrés par une procédure devenue inutile du fait de sa résistance initiale injustifiée.
Cette solution se justifie par un argument d’équité. Le demandeur qui a dû engager des frais pour faire valoir ses droits ne saurait les conserver à sa charge lorsque le défendeur finit par reconnaître le bien-fondé de sa demande. L’acquiescement tardif ne doit pas profiter à celui qui a contraint son adversaire à saisir la justice.
B. L’allocation partielle des frais irrépétibles
La société demandait 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La cour lui alloue 500 euros, estimant qu’« il serait inéquitable de laisser à la société la charge de ses frais irrépétibles ».
Cette réduction de moitié n’est pas motivée de manière détaillée. Elle traduit l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond en matière de frais irrépétibles. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette modération. La caisse a finalement fait droit à la demande, évitant ainsi un débat au fond. L’acquiescement, même tardif, témoigne d’une reconnaissance qui peut justifier une certaine clémence.
La cour relève que la caisse s’en était remise à sa sagesse s’agissant de cette demande. Cette attitude n’équivaut pas à un acquiescement sur le quantum sollicité mais manifeste une absence d’opposition ferme. Le juge dispose d’une marge d’appréciation pour fixer le montant qui lui paraît équitable au regard des circonstances de l’espèce.
La solution retenue concilie deux impératifs. Elle évite de laisser au demandeur la charge de frais qu’il n’aurait pas exposés si le défendeur avait d’emblée reconnu le bien-fondé de sa prétention. Elle tient compte du comportement du défendeur qui, en acquiesçant, a mis fin à l’instance sans contraindre la cour à statuer au fond.