Cour d’appel de Amiens, le 4 septembre 2025, n°23/01101

Cour d’appel d’Amiens, 4 septembre 2025. À la suite d’un contrôle administratif de facturation, une infirmière libérale a été destinataire de deux notifications d’indu, relatives au régime général et au régime minier, ainsi que d’une pénalité financière. Saisie après des décisions de la commission de recours amiable, la juridiction de première instance a très largement réduit les indus, annulé la pénalité et confirmé un avertissement. En cause d’appel, l’organisme du régime général a limité son recours à plusieurs dossiers patients et à la sanction. L’arrêt déclare irrecevable l’appel portant sur le volet minier, valide l’indu du régime général à hauteur de 28 250,70 euros, confirme l’avertissement et rétablit la pénalité de 5 000 euros, avec intérêts. La décision tranche d’abord la recevabilité de l’appel exercé par un mandataire en l’absence d’indivisibilité, puis précise le régime probatoire et normatif des indus en matière de prescriptions, cotations et majorations, avant d’examiner les conditions de la sanction pécuniaire.

I — Le cadre procédural et normatif retenu

A — L’acte d’appel et l’indivisibilité exclue
La juridiction retient que la déclaration d’appel n’indiquait pas l’exercice du recours au nom du régime minier. Elle exige une mention explicite du mandat dans l’acte, à défaut de solidarité ou d’indivisibilité. Elle énonce, de manière nette, que « Faute de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties au sens de l’article 552 précité, les dispositions de ce texte ne sont pas applicables ». Elle rappelle encore que « La cour rappelle que l’indivisibilité du litige se caractérise par l’impossibilité d’exécution simultanée de décisions concernant les parties au litige, lesquelles viendraient à être rendues séparément, et donc par le risque de contrariété de décisions. » En l’absence d’un tel risque et d’une déclaration d’appel non équivoque, l’appel sur le régime minier est déclaré irrecevable. Le raisonnement articule ainsi les articles 323, 324, 552 et 933 du code de procédure civile, en insistant sur la portée strictement personnelle de l’appel, sauf hypothèses limitativement encadrées, ce qui consacre une conception rigoureuse de l’acte d’appel en matière sociale.

B — La prescription infirmière, la preuve de l’indu et les cotations
Sur le fond, l’arrêt fonde l’analyse des indus sur les textes professionnels et conventionnels. Il rappelle l’article R. 4312-42 du code de la santé publique et en déduit que « Il résulte de ce texte que l’infirmier ne peut s’affranchir des termes de la prescription médicale ni se retrancher derrière les erreurs ou omissions du médecin prescripteur. » La nomenclature impose une prescription préalable, qualitative et quantitative, jointe à la facturation. L’arrêt précise un principe probatoire net: seules les ordonnances initialement jointes peuvent fonder le paiement, l’envoi opportuniste ultérieur étant inopérant. La formule est sans ambiguïté: « La facturation d’un acte sur la base d’une facturation falsifiée ne peut être régularisée, même par la production d’une autre prescription établie postérieurement. »
S’agissant des majorations de nuit, la juridiction cite la règle selon laquelle « Pour les actes infirmiers répétés, ces majorations ne peuvent être perçues qu’autant que la prescription du médecin indique la nécessité impérieuse d’une exécution de nuit ou rigoureusement quotidienne. » L’enquête factuelle étaye l’analyse, notamment lorsque l’assurée décrit un passage du soir de « trente minutes pas plus », insuffisant pour justifier des cotations multipliées ou des majorations nocturnes répétées. Cette construction, appliquée aux dossiers contrôlés, conduit à valider les chefs d’indu liés aux prescriptions illisibles ou périmées, aux actes non prescrits, aux MCI injustifiées et aux cotations AIS surfaites, pour aboutir à la somme globale fixée.

II — Valeur et portée de la solution

A — Une orthodoxie textuelle assumée et proportionnée
La solution présente une cohérence solide, en ce qu’elle conjugue la lettre des textes et une exigence probatoire stricte. L’arrêt refuse les régularisations a posteriori et rappelle la responsabilité propre du professionnel lors de la facturation. Le motif de principe, pleinement justifié par la logique du tiers payant, le dit nettement: « Un tel paiement a pour corollaire la nécessaire confiance devant régner entre l’organisme de sécurité sociale et le professionnel de santé, les contrôles n’étant assurés qu’a postériori. » Cette exigence soutient la confirmation de l’avertissement pour les fautes et le rétablissement de la pénalité pour les fraudes caractérisées, dans les limites légales. La proportionnalité est explicitement soulignée: « La pénalité prononcée est dès lors proportionnée à la fois à l’ampleur et à la gravité des manquements commis, et au préjudice causé à l’assurance maladie. » Le corpus CSS mobilisé (L. 114‑17‑1 et R. 147‑11) fonde les critères, tandis que le quantum retenu demeure médian et motivé par la répétition des irrégularités et la nature des falsifications. L’avertissement, d’ailleurs, est maintenu sans hésitation: « L’avertissement prononcé par la caisse est confirmé. »

B — Incidences pratiques pour le contentieux social et l’exercice infirmier
La portée procédurale est immédiate: l’acte d’appel doit désigner clairement, dans son dispositif, l’étendue de la représentation exercée et l’identité juridique pour le compte de laquelle le recours est formé. Toute ambiguïté écarte l’effet conservatoire de l’article 552, en l’absence d’indivisibilité démontrée. Cette exigence renforce la sécurité des actes de procédure et limite les requalifications postérieures.
Sur le fond, l’arrêt verrouille la chaîne de prise en charge: prescription préalable conforme, production concomitante, cotation stricte et justification des majorations. La formule sur l’irrégu­larité des prescriptions falsifiées interdit les régularisations opportunes et décourage l’usage de duplicata incertains. Le rappel des conditions de la MCI et des actes de nuit encadre la pratique quotidienne et prévient les glissements de cotation. Quant à la sanction pécuniaire, son assise textuelle et sa motivation renforcent la lutte contre les indus répétitifs, sans excéder les plafonds réglementaires. L’ensemble offre une grille claire aux contrôles à venir et un signal de rigueur aux professionnels: la conformité documentaire prime, l’argument postérieur ne supplée ni la preuve initiale ni la prescription régulière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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