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Par un arrêt du 4 septembre 2025, la Cour d’appel d’Amiens (2e protection sociale) statue sur l’opposabilité à l’employeur d’une décision de prise en charge d’une maladie au titre de la législation professionnelle. Une salariée, hôtesse de caisse, déclare en mai 2021 une pathologie du membre supérieur. La caisse, jugeant les conditions du tableau incomplètes, saisit le comité régional, lequel rend un avis favorable en décembre 2021. La décision de prise en charge est notifiée à l’employeur fin décembre 2021.
L’employeur saisit la commission de recours, sans succès, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Laon. Par jugement du 18 juillet 2023, cette juridiction déclare la décision opposable. En appel, l’employeur soutient, au visa des articles R. 461-9 et R. 461-10 du code de la sécurité sociale, une violation du contradictoire: transmission anticipée au comité avant l’expiration du délai utile et réduction de la phase de trente jours de complétude. La caisse réplique que seule la méconnaissance de la phase finale de dix jours emporte inopposabilité.
La question posée est double. D’une part, le point de départ et la portée des délais contradictoires en cas de saisine du comité régional doivent être précisés. D’autre part, l’étendue de la sanction d’inopposabilité en cas d’irrégularité doit être déterminée. La cour confirme le jugement: le délai de quarante jours court à compter de la saisine; seule la méconnaissance de la phase de dix jours emporte inopposabilité; la réduction de la phase de trente jours ne l’entraîne pas.
I. Le régime contradictoire en cas de saisine du comité
A. Point de départ et architecture du délai de quarante jours
La cour rappelle l’économie des articles R. 461-9 et R. 461-10 du code de la sécurité sociale et distingue clairement les deux séquences. Elle énonce que «Comme l’ont exactement remarqué les premiers juges, le délai de quarante jours commence à courir à compter de la date à laquelle le comité régional est saisi par la caisse». Cette formule fixe un ancrage temporel objectif, indépendant de la réception matérielle de l’entier dossier par le comité.
L’architecture procédurale est détaillée par la juridiction en des termes pédagogiques. Elle souligne que «Ce dernier délai se décompose, en effet, en deux phases successives. La première, d’une durée de trente jours, permet […] de verser au dossier toute pièce utile, et de formuler des observations […]. La seconde, d’une durée de dix jours, permet aux parties d’accéder au dossier complet […] et de formuler des observations». La distinction articule la logique d’instruction et celle de clôture contradictoire.
Cette clarification emporte une conséquence pratique importante. La date figurant dans l’avis du comité, lorsqu’elle renvoie à la saisine, ne préjuge pas de la date de réception du dossier complet. Le rythme de la procédure contradictoire s’apprécie donc au regard de la notification des échéances et de la disponibilité effective du dossier durant les deux phases.
B. Portée de la saisine et rejet du grief de transmission anticipée
L’employeur invoquait une transmission avant l’expiration de la phase d’enrichissement, au motif qu’une date identique figurait comme réception d’un dossier complet. La cour écarte cet argument, retenant que l’indication correspond à la saisine et non à la réception intégrale. Elle conclut, sans ambiguïté, que «Le tribunal a exactement débouté l’employeur de ce moyen d’inopposabilité».
La cour vérifie ensuite la réalité des délais ouverts. Elle constate que la caisse avait notifié des échéances précises, accordant vingt-huit jours pour consulter et compléter, puis dix jours pour observations sans pièces nouvelles. L’économie générale du contradictoire a donc été respectée dans sa finalité, même si la première phase n’a pas atteint trente jours francs.
Cette analyse préfigure la détermination de la sanction applicable. La mise à disposition du dossier pendant quarante jours et l’information sur les échéances demeurent des obligations substantielles. Toutefois, seule l’atteinte à la seconde phase, qui concerne le dossier complet et clôt la contradiction, est dotée d’une sanction d’inopposabilité.
II. L’étendue de la sanction d’inopposabilité et son appréciation
A. Restriction de la sanction à la méconnaissance de la phase de dix jours
La cour arrête une formule directrice qui structure la solution. Elle affirme que «Cependant, seule l’inobservation du dernier délai de dix jours avant la fin du délai de quarante jours, au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité, à l’égard de l’employeur, de la décision de prise en charge». Cette motivation centralise la portée du contrôle.
Dans le même mouvement, la juridiction borne explicitement l’office du juge de l’inopposabilité. Elle précise que «L’inobservation du délai de trente jours n’entraîne pas l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse». L’irrégularité alléguée, même avérée, ne prive donc pas la décision de ses effets à l’égard de l’employeur en l’absence d’atteinte à la phase finale.
Cette restriction s’explique par la fonction de chaque séquence. La première favorise l’enrichissement; la seconde garantit une consultation du dossier achevé, condition décisive de l’égalité des armes avant l’avis du comité. L’atteinte à cette dernière seule affecte la loyauté procédurale au point de justifier l’inopposabilité.
B. Conséquences pratiques et appréciation critique de la solution
La solution apporte de la sécurité juridique aux décisions de prise en charge instruites avec comité. Elle évite que des écarts limités dans la première phase compromettent l’opposabilité, dès lors que la consultation du dossier complet pendant dix jours a bien été assurée. L’équilibre entre efficacité administrative et droits de la défense s’en trouve clarifié.
On peut toutefois s’interroger sur l’incitation procédurale produite par une telle hiérarchie des délais. L’absence de sanction d’inopposabilité pour la réduction de la phase de trente jours conduit à déplacer la vigilance sur la seule phase finale. Une rigueur accrue dans la notification des échéances et la traçabilité des mises à disposition demeure souhaitable.
La portée de l’arrêt est nette. Elle confirme une lecture fonctionnelle des textes qui valorise la phase de clôture du contradictoire. En pratique, les contestations efficaces se concentreront sur la preuve d’une atteinte aux dix jours, la charge d’allégation détaillée de l’employeur restant déterminante pour renverser l’opposabilité.
En définitive, la Cour d’appel d’Amiens, 4 septembre 2025, consolide une articulation précise des délais contradictoires devant le comité et circonscrit la sanction d’inopposabilité à la seule méconnaissance de la phase de consultation finale. L’économie du dispositif est ainsi préservée, sans méconnaître la protection procédurale des acteurs.