Cour d’appel de Amiens, le 4 septembre 2025, n°23/04811

La Cour d’appel d’Amiens, 1ère chambre civile, 4 septembre 2025 (RG 23/04811), tranche un litige relatif à la liquidation-partage de deux successions. La décision interroge la qualification d’une abstention fautive d’un héritier et la mesure des dommages-intérêts, ainsi que la confirmation des outils procéduraux de partage.

Les successions d’un couple, comprenant des héritiers issus d’unions distinctes, ont donné lieu à des démarches notariales actives en 2019 et 2020. À compter de 2021, l’un des cohéritiers n’a pas réclamé des courriers recommandés, n’a pas honoré une convocation, et un procès-verbal de carence a été dressé. Un état de santé sérieux est invoqué, sans toutefois justifier une paralysie durable d’échanges qui avaient été nourris avant la dégradation finale.

Le tribunal judiciaire de Senlis, 4 juillet 2023, a ordonné la cessation des indivisions, désigné un notaire et un juge commissaire, puis alloué des dommages-intérêts matériels et moraux significatifs. Les héritiers appelants ont critiqué les désignations et les condamnations pécuniaires, tandis que les intimés ont sollicité la confirmation intégrale du jugement entrepris. La cour statue en dernier ressort après audience publique, rapports et délibéré, conformément aux règles du Code de procédure civile applicables.

Le litige posait principalement la question de savoir si l’abstention prolongée d’un cohéritier dans des opérations de liquidation-partage engage sa responsabilité délictuelle et dans quelle mesure le préjudice doit être indemnisé. La cour répond positivement en énonçant que « Sa faute est donc caractérisée en application de l’article 1240 du code civil ». Elle retient toutefois une causalité limitée dans le temps et ajuste les montants, tout en confortant l’architecture procédurale indispensable à l’achèvement du partage.

I. La consécration d’une faute d’abstention dans le partage successoral

A. Un faisceau d’indices probants de carence

La cour relève une participation initiale sérieuse puis une rupture nette des diligences, révélée par des relances demeurées vaines et une convocation non honorée. Elle constate expressément que « En revanche, il est établi qu’à compter de 2021, les courriers adressés par les intimés et leur avocat en lettre recommandée n’ont pas été réclamés par ses soins ». Elle ajoute que « Son inaction à compter de 2021 a ralenti les opérations de partage ». L’argument tiré d’un état de santé avéré est pris en compte sans exonérer, l’activité antérieure montrant une capacité concrète à participer utilement aux échanges.

B. Un fondement délictuel encadré par l’exigence de causalité

La responsabilité est rattachée au terrain délictuel de l’article 1240, la cour affirmant que « Sa faute est donc caractérisée en application de l’article 1240 du code civil ». La causalité est cependant appréciée avec mesure, la juridiction rappelant que « Cependant, compte tenu des désaccords qui persistaient en 2020, il n’est pas établi que le partage amiable aurait pu ête finalisé en mai 2021 ». L’atteinte réparable est ainsi ramenée à une perte de temps objectivement imputable, évitant une indemnisation assimilant indûment la carence à la perte d’un rendement financier certain.

II. La modération des réparations et la maîtrise procédurale des opérations

A. Un quantum réparatoire proportionné à la carence

L’évaluation fondée sur un rendement annuel déterminé est écartée, faute de certitude sur la finalisation du partage et sur la disponibilité effective des fonds. La cour ramène le préjudice matériel à une seule année de retard, et fixe une indemnisation identique, mesurée et cohérente avec l’étendue certaine du dommage. Elle procède pareillement pour le préjudice moral, l’atteinte tenant à la longueur injustifiée des opérations et aux tracas procéduraux, sans excès réparatoire. La solution s’inscrit dans une logique de juste proportion, conforme aux exigences de certitude et d’actualité du dommage réparable.

B. Des instruments d’organisation confirmés au service de l’efficacité

La confirmation du juge commissaire s’impose, l’arrêt relevant que « Ils ne développent cependant aucun moyen pour s’opposer à la désignation d’un juge commissaire qui ne peut qu’être confirmée compte tenu de la complexité des opérations de partage et de la nécessité de le désigner pour trancher d’éventuels désaccords et assurer le suivi des opérations de partage ». Le maintien du notaire initialement saisi se justifie par l’efficacité, la cour notant que « Il dispose d’ores et déjà d’une bonne connaissance de la consistance des patrimoines à liquider et a dressé les projets de partage ». Le traitement des frais parachève l’économie de la décision, la juridiction indiquant que « Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles » et que « En revanche, il n’apparaît pas inéquitable de rejeter les demandes de l’ensemble des parties relatives aux frais irrépétibles d’appel ». L’ensemble consolide un cadre procédural apte à prévenir de nouveaux retards, tout en bornant strictement l’indemnisation au dommage imputable et certain.

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Hassan KOHEN
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