Cour d’appel de Amiens, le 4 septembre 2025, n°24/00594

Par un arrêt du 4 septembre 2025, la Cour d’appel d’Amiens confirme un redressement portant sur la contribution au FNAL et la déduction forfaitaire patronale. Le litige naît d’un contrôle couvrant les années 2015 et 2016, suivi d’une lettre d’observations puis d’une mise en demeure d’un montant total de 11 656 euros. L’entreprise concernée relève de l’intérim et conteste la méthode de décompte des effectifs, tant pour l’assujettissement au FNAL que pour l’accès à la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires.

Après confirmation du redressement par la commission de recours amiable, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, le 9 janvier 2024, valide deux chefs. L’employeur interjette appel. Il sollicite l’annulation de la mise en demeure et le remboursement des sommes versées, en soutenant un décompte mensuel au dernier jour du mois et l’opposabilité d’une circulaire ancienne. L’organisme de recouvrement demande la confirmation intégrale.

Deux questions gouvernent l’issue du procès. La première concerne la détermination des effectifs d’une entreprise de travail temporaire pour franchir le seuil FNAL, avec la prise en compte des intérimaires liés au moins trois mois l’année civile précédente. La seconde porte sur l’éligibilité à la déduction forfaitaire patronale, l’employeur revendiquant l’application de la méthode “dernier jour du mois” issue d’une circulaire de 2007, malgré les textes postérieurs.

La Cour d’appel retient la méthode annuelle pour les intérimaires, appliquée via une conversion en équivalent temps plein, et juge non opposable la circulaire invoquée au regard de la hiérarchie des normes. Elle s’appuie, notamment, sur la solution de principe selon laquelle « Il se déduit des dispositions des articles L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 1251-54 du code du travail que, pour une entreprise de travail temporaire, l’effectif des salariés temporaires ne peut être déterminé que sur une base annuelle afférente à l’année civile considérée » (2e Civ., 7 avril 2022). Elle rappelle également que, s’agissant des circulaires, « le redevable ne peut opposer à l’organisme de recouvrement l’interprétation […] par une circulaire […] que pour faire échec au redressement […] fondé sur une interprétation différente » et qu’« il n’y avait pas lieu d’en faire application » (2e Civ., 16 mars 2023). L’arrêt confirme le jugement entrepris.

I – Le décompte des effectifs pour l’assujettissement au FNAL

A – Le cadre légal et la méthode validée

La formation amiénoise fait primer l’appréciation annuelle de l’effectif des salariés temporaires, exigée par l’article L. 1251-54, combiné avec les dispositions de décompte en moyenne annuelle. Elle valide la conversion des heures en équivalents temps plein, opérée après filtrage des intérimaires totalisant environ trois mois de missions l’année civile de référence.

La solution s’aligne explicitement sur l’autorité de la Cour de cassation, qui affirme que l’effectif des temporaires d’une entreprise de travail temporaire « ne peut être déterminé que sur une base annuelle afférente à l’année civile considérée ». Cette exigence découle de la condition de durée totale d’au moins trois mois, qui ne se concilie pas avec un relevé figé au dernier jour de chaque mois.

La Cour d’appel souligne en outre l’insuffisance probatoire des tableaux produits par l’employeur, jugés inexploitables et dépourvus de source vérifiable. Il n’appartient pas à l’organisme de recouvrement d’en reconstituer la synthèse, lorsque l’entreprise pouvait fournir des états consolidés conformes aux règles gouvernant la moyenne annuelle.

B – Portée et limites de l’approche retenue

La décision conforte l’unité des règles de décompte pour le FNAL, distinctes d’autres dispositifs sociaux, en imposant un calcul moyen annuel conforme aux textes. Elle écarte toute tentation d’un décompte hétérogène, variable selon la contribution, au bénéfice d’une lecture cohérente avec l’économie des renvois aux articles du code du travail.

L’usage d’un convertisseur annuel en équivalent temps plein, adossé à un seuil de trois mois, reste cohérent avec la finalité du FNAL. Il doit cependant s’articuler avec l’exigence d’une moyenne mensuelle, ce que la méthode validée vise à satisfaire en agrégeant les heures sur l’année civile et en neutralisant les présences trop brèves.

Pratiquement, la charge de la preuve pèse fortement sur l’employeur, qui doit documenter l’éligibilité de ses intérimaires au comptage annuel. La décision incite à une traçabilité robuste des missions, afin de prévenir les difficultés quant au franchissement du seuil de vingt salariés.

II – L’éligibilité à la déduction forfaitaire patronale et la valeur des circulaires

A – L’impossibilité de fonder le droit à déduction sur une circulaire ancienne

L’employeur revendiquait la méthode du “dernier jour du mois”, issue d’une circulaire antérieure aux décrets de 2009. La Cour d’appel rappelle que les exonérations se comprennent strictement, en renvoyant au texte réglementaire qui commande une moyenne mensuelle fondée sur les salariés employés au cours du mois, non au dernier jour.

La chambre sociale a, de plus, clairement restreint l’opposabilité des circulaires. Elle juge que « le redevable ne peut opposer […] l’interprétation […] par une circulaire […] que pour faire échec au redressement […] fondé sur une interprétation différente », et qu’« il n’y avait pas lieu d’en faire application ». L’arrêt reprend cette directive et écarte la circulaire de 2007, rendue caduque par les réformes de 2009.

La Cour d’appel ajoute, de façon nette, que la moyenne mensuelle « s’entend par les “salariés employés au cours du mois” », bannissant ainsi un critère de simple présence au dernier jour. La portée normative demeure exclusivement attachée au décret, non aux instructions ministérielles.

B – Les incidences pratiques du décompte “au cours du mois”

La conséquence immédiate tient à l’inéligibilité à la déduction forfaitaire lorsque la moyenne mensuelle des effectifs excède le seuil, tous établissements confondus. L’employeur ne peut suppléer l’absence de démonstration par des tableaux non consolidés, surtout s’ils ne permettent aucune vérification croisée.

Cette interprétation protège la sécurité juridique du recouvrement et limite les divergences de traitement entre dispositifs. Elle aligne la pratique sur l’économie des textes de 2009, qui ont substitué une moyenne mensuelle objective aux méthodes antérieures.

Pour les opérateurs de travail temporaire, l’arrêt confirme une ligne jurisprudentielle exigeante. Le suivi fin des flux d’intérim et l’anticipation des franchissements de seuil deviennent indispensables, tant pour le FNAL que pour la déduction forfaitaire patronale. L’arrêt, fidèle aux textes et à la jurisprudence de la haute juridiction, en fixe les repères opérationnels.

📄 Circulaire officielle

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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