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Par un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 5 septembre 2025, la juridiction de tarification se prononce sur la forclusion du taux 2023 et sur un sursis à statuer. La décision intervient dans un contentieux relatif à l’imputation d’une maladie professionnelle au compte employeur et au recalcul du taux AT/MP 2024. L’employeur a saisi l’organisme de tarification après la notification du taux 2023, puis a demandé le retrait des dépenses afférentes du compte. Parallèlement, un litige sur l’opposabilité de la prise en charge est pendant devant le tribunal judiciaire de Paris, pôle social, qui a ordonné, par jugement avant dire droit du 15 janvier 2025, une mesure d’instruction sur l’origine professionnelle.
La procédure révèle des prétentions croisées. L’employeur sollicite prioritairement un sursis jusqu’à l’issue du contentieux d’opposabilité, et subsidiairement le retrait des coûts et la révision du taux 2024. L’organisme de tarification oppose la forclusion du taux 2023, requiert également le sursis, et invoque au fond des moyens relatifs à la succession tarifaire et à l’arrêté du 16 octobre 1995. Deux questions gouvernent dès lors le litige: l’effet extinctif du délai sur un taux déjà notifié et l’obligation de surseoir devant une contestation pendante de l’opposabilité.
La Cour d’appel d’Amiens retient d’abord le caractère définitif du taux 2023, notifié le 3 janvier 2023 et non contesté dans le délai prescrit. Elle rappelle, d’une part, un principe désormais stabilisé: « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu’il ait à attendre la notification des taux à venir. » Elle précise, d’autre part, sa limite procédurale: « En revanche, ce délai est opposable à l’employeur lorsque cette demande, qui ne peut avoir pour effet de modifier un taux devenu définitif, est formée à l’occasion d’un litige en contestation de ce taux. Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif (2e Civ., 17 octobre 2024, pourvoi n°22-20.692). » La cour en déduit la forclusion de toute contestation afférente au taux 2023. Puis, tenant compte de l’instance parallèle sur l’opposabilité, elle fait application du mécanisme de suspension: « La juridiction chargée du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, saisie d’une demande relevant de sa compétence, ne peut connaître d’un moyen de défense tiré de l’inopposabilité de la décision de prise en charge d’un accident du travail ou de la maladie professionnelle relevant de la compétence exclusive d’une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, et doit, si cette autre juridiction est déjà saisie, surseoir à statuer, lorsque la demande lui en est faite, dans l’attente de la décision de cette dernière. » La décision prononce donc le sursis sur la demande de retrait des coûts, réservant l’issue aux suites du contentieux d’opposabilité.
I. La forclusion attachée au taux notifié devenu définitif
A. La distinction entre contestation d’imputation et litige portant sur le taux
Le rappel opéré distingue deux cadres contentieux, dont les régimes diffèrent en raison de leur objet et de leurs effets. La cour cite sans ambiguïté la faculté autonome de contester l’imputation: « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’une maladie professionnelle à son compte employeur… ». Cette voie permet d’écarter la forclusion attachée au dernier taux notifié, lorsque l’employeur entend seulement discuter l’imputation des charges.
L’arrêt souligne cependant la limite fonctionnelle de cette faculté. Lorsque la contestation intervient « à l’occasion d’un litige en contestation de ce taux », elle ne saurait conduire à altérer un taux devenu définitif. La motivation, appuyée sur « 2e Civ., 17 octobre 2024, pourvoi n°22-20.692 », érige une frontière nette: l’autonomie de l’imputation ne doit pas servir à contourner la stabilité normative d’un taux clos. La juridiction de tarification doit donc qualifier l’objet du litige, afin de déterminer l’opposabilité du délai.
B. L’application à l’espèce et la portée procédurale du principe
L’espèce illustre cette frontière. Le taux 2023 a été notifié le 3 janvier 2023, puis n’a pas été contesté dans le délai de deux mois. La première saisine gracieuse, formée le 29 février 2024, visait le retrait des coûts impactant ce taux, déjà consolidé. La cour en déduit logiquement la forclusion de toute contestation visant à modifier ou à rectifier ce taux irrévocable.
La solution protège la sécurité juridique de la tarification annuelle, qui conditionne le financement mutualisé des risques professionnels. Elle invite les employeurs à dissocier clairement leurs actions: agir sans tarder sur le taux notifié, et, indépendamment, contester l’imputation pour les périodes ouvertes. Elle limite, enfin, les effets rétroactifs indus sur des exercices clos, tout en ménageant la contestation des charges pour l’avenir. La transition vers la seconde question s’impose, car l’imputation discutée dépend de l’opposabilité d’une prise en charge encore litigieuse.
II. Le sursis à statuer et l’articulation des compétences
A. L’impossibilité pour la juridiction de tarification de connaître de l’inopposabilité
La motivation articule droit processuel commun et droit de l’organisation judiciaire. L’articulation des compétences s’impose ici avec netteté. La cour retient que la juridiction de tarification, « saisie d’une demande relevant de sa compétence, ne peut connaître d’un moyen de défense tiré de l’inopposabilité de la décision de prise en charge… ». Cette inopposabilité relève du contentieux général, spécialement attribué, de manière exclusive, à une autre juridiction.
La conséquence procédurale est explicite: la juridiction de tarification « doit, si cette autre juridiction est déjà saisie, surseoir à statuer… dans l’attente de la décision de cette dernière. » Le sursis prévient les décisions contradictoires et respecte la distribution des attributions. Il se concilie avec l’article 378 du code de procédure civile, qui définit les effets suspensifs de la mesure, et avec l’économie du contentieux de la sécurité sociale.
B. Les effets du sursis sur la tarification et sur les prétentions subsidiaires
Le sursis prononcé neutralise provisoirement la demande de retrait des coûts et, partant, la révision du taux 2024 qui en dépend. La décision réserve ainsi l’issue du litige aux constatations qui seront opérées dans le contentieux d’opposabilité. Elle met entre parenthèses les moyens subsidiaires qui supposaient de trancher l’imputation, notamment ceux touchant à la succession tarifaire ou aux conditions de l’arrêté du 16 octobre 1995.
Sur le plan pratique, la solution ménage la cohérence du système. Le juge de la tarification attend que le juge compétent fixe le périmètre de l’obligation contributive via l’opposabilité. L’issue ultérieure guidera l’imputation des coûts au compte et, partant, la fixation des taux à venir. Cette coordination prévient les corrections en chaîne, tout en garantissant la stabilité des décisions notifiées et non contestées dans les délais.