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Par un arrêt du 5 septembre 2025, la Cour d’appel d’Amiens statue en matière de tarification AT/MP sur l’imputation au compte employeur des dépenses d’une maladie professionnelle. Un salarié a déclaré en 2021 un mésothéliome inscrit au tableau n° 30, pris en charge par la caisse primaire, avant imputation de ses incidences financières par l’organisme de tarification.
Après notification du taux 2023 le 2 janvier 2023, l’employeur a sollicité le 19 février 2024 le retrait du coût du sinistre, refusé le 28 février 2024. Attraite devant la juridiction d’appel spécialement compétente, l’affaire a opposé l’exception de forclusion pour 2023 et la discussion sur l’exposition au risque, l’employeur contestant la preuve produite et l’absence alléguée de notifications relatives à la prise en charge et au taux d’incapacité.
La cour rappelle d’abord que « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu’il ait à attendre la notification des taux à venir ». Elle précise toutefois que « En revanche, ce délai est opposable à l’employeur lorsque cette demande, qui ne peut avoir pour effet de modifier un taux devenu définitif, est formée à l’occasion d’un litige en contestation de ce taux. Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif (2e Civ., 17 octobre 2024, pourvoi n° 22-20.692) ». Elle constate le caractère définitif du taux 2023, tout en admettant la recevabilité pour les taux non encore définitifs, puis juge fondée l’imputation au regard des éléments d’enquête, notant que « La circonstance que l’employeur, pourtant sollicité, n’ait pas participé à l’instruction n’a pas pour effet de remettre en cause ces constats ». Le recours est rejeté et les dépens mis à la charge de l’employeur.
I. Recevabilité du recours et office du juge
A. Forclusion du taux 2023 et autonomie de la contestation d’imputation
La décision distingue nettement la contestation de l’imputation et celle du taux, en s’alignant sur la jurisprudence rappelée par la chambre sociale des assurances sociales. Le principe est ouvert: la contestation de l’imputation demeure possible sans attendre la notification d’un taux ultérieur, ce que consacre la formule selon laquelle « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’une maladie professionnelle à son compte employeur ». Ce rappel sécurise la voie contentieuse, indépendamment du calendrier de notification des taux suivants.
La cour ferme cependant la contestation lorsqu’elle vise un taux devenu définitif, solution de stricte légalité au regard du délai de recours. En constatant la notification du 2 janvier 2023 et l’absence de contestation dans le délai, elle déclare le taux 2023 intangible. L’analyse se tient, d’autant qu’elle ménage une ouverture pour l’avenir en retenant que l’employeur « demeure toutefois recevable à contester les taux non encore définitifs et impactés par la maladie professionnelle ». L’économie de la décision isole ainsi l’objet immédiat du recours et circonscrit précisément sa portée dans le temps.
B. Limites fonctionnelles du contrôle du juge de la tarification
La cour délimite avec rigueur l’office du juge de la tarification, cantonné à l’examen de l’imputation et à la vérification de l’exposition au risque chez l’employeur. Elle refuse d’ouvrir un contrôle incident sur l’instruction administrative de la prise en charge, la contradiction devant la caisse ou la satisfaction des conditions du tableau, matières relevant du contentieux général. Cette approche, constante, garantit la cohérence du dualisme des contentieux et évite une remise en cause fragmentée des actes de reconnaissance.
La solution confirme une méthode probatoire ciblée: le juge de la tarification se borne à apprécier la matérialité d’une exposition au sein de l’établissement, au regard d’éléments objectivables. La décision renforce la lisibilité de ce contrôle en privilégiant les pièces d’enquête, les constats techniques et les données de prévention, sans exiger la preuve des notifications de prise en charge ou d’incapacité, étrangères à l’objet du litige. Le contentieux demeure ainsi concentré sur l’affectation comptable du risque et la réalité d’une exposition imputable.
II. Preuve de l’exposition et imputation des coûts
A. Charge probatoire et contenu de la preuve exigée
La cour rappelle que l’employeur peut obtenir le retrait des dépenses si la victime n’a pas été exposée à son service, ce qui place la charge de la preuve à la charge de l’organisme ayant imputé les coûts. L’exigence probatoire demeure toutefois mesurée: il suffit d’établir l’exposition au risque chez l’employeur, non de reconstituer l’intégralité de la pathogénie ni de démontrer une faute, la maladie ayant été reconnue au titre du tableau.
En l’espèce, l’organisme fonde sa démonstration sur le rapport d’enquête, des indications de prévention et la description des tâches exposantes, tandis que l’employeur ne produit pas d’élément contraire. La cour en tire une conséquence ferme: « Contrairement aux dires de la société, ces éléments suffisent à justifier le bien-fondé de l’imputation sur son compte employeur du coût de la maladie professionnelle ». L’argument tiré de l’absence de preuve de décisions distinctes, relatives à l’incapacité, est à bon droit écarté comme inopérant dans ce contentieux.
B. Valeur probante de l’enquête administrative et portée pratique
Le raisonnement rehausse la force probante des constats d’enquête, spécialement lorsqu’ils s’appuient sur des données professionnelles et techniques concordantes. La décision souligne que « les constats font foi jusqu’à preuve du contraire », rappel incitatif à la production d’éléments contraires précis, tels que descriptions circonstanciées des procédés, affectations documentées ou preuves de protections collectives avérées à l’époque considérée.
La cour refuse de sanctionner l’organisme pour un défaut de coopération imputable à l’employeur et en tire une conséquence probatoire claire: « La circonstance que l’employeur, pourtant sollicité, n’ait pas participé à l’instruction n’a pas pour effet de remettre en cause ces constats ». Cette appréciation, pragmatique, prévient les stratégies de silence et encourage une instruction contradictoire effective. Elle sécurise, enfin, l’imputation lorsque l’exposition plausible résulte d’indices sérieux et convergeants, en cohérence avec la finalité assurantielle de la tarification AT/MP.