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Par un arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 5 septembre 2025, la juridiction de tarification se prononce sur la recevabilité temporelle d’un recours et sur la preuve d’une exposition au risque d’amiante, dans le cadre d’une demande de retrait d’imputation au compte employeur à la suite de la prise en charge d’un cancer broncho‑pulmonaire au titre du tableau n° 30 bis. La décision intervient après la reconnaissance par la caisse primaire du caractère professionnel de la pathologie, l’imputation des dépenses au compte et le refus de retrait opposé par la caisse régionale.
Le salarié, maçon durant une longue période, a déclaré sa maladie fin 2020. Les dépenses ont été inscrites au compte de l’employeur. Ce dernier a sollicité en 2024 le retrait des coûts de son compte, arguant de l’absence d’exposition chez lui, puis a assigné la caisse régionale devant la juridiction de tarification. L’employeur demandait la suppression de l’imputation et la rectification des taux à compter du 1er janvier 2024. La caisse soulevait la forclusion des taux 2022 et 2023, défendait la preuve de l’exposition au risque au sein de l’établissement, et rappelait la compétence limitée du juge de la tarification.
Deux questions étaient posées. La première portait sur l’étendue de la forclusion frappant les taux déjà notifiés, eu égard aux règles de recours en matière de tarification. La seconde concernait la charge de la preuve et l’office du juge lorsqu’est demandée l’exclusion des dépenses au motif d’une absence d’exposition au risque chez l’employeur.
La cour déclare définitifs les taux 2022 et 2023, tout en admettant la recevabilité du recours pour les taux non encore définitifs. Sur le fond, elle confirme l’office restreint du juge de la tarification et retient que la caisse rapporte la preuve de l’exposition au risque d’amiante au sein de l’entreprise, de sorte que le retrait est refusé.
I. La forclusion et la recevabilité des contestations en tarification
A) Le cadre légal et jurisprudentiel des délais
Le régime des délais impose une vigilance particulière sur l’objet du recours et la décision effectivement contestée. Le texte applicable rappelle que « Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée » (art. R. 142‑1‑A, III, CSS). L’identification de la décision porteuse d’autorité définitive emporte, en conséquence, l’intangibilité du taux notifié à l’expiration du délai.
La jurisprudence confirme l’office du juge de la tarification, chargé de vérifier la cristallisation du taux. Il est énoncé que « Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif » (2e Civ., 17 octobre 2024, n° 22‑20.692). Cette exigence de contrôle conditionne la recevabilité, sans préjuger du bien‑fondé de l’imputation sous‑jacente.
B) L’intangibilité des taux définitifs et l’intérêt résiduel du recours
L’employeur conserve néanmoins une voie utile lorsque l’enjeu dépasse le seul taux devenu irrévocable. La solution retenue rappelle expressément que « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu’il ait à attendre la notification des taux à venir ». Cette articulation distingue, avec clarté, l’objet propre du contentieux d’imputation et l’autorité attachée au taux.
En l’espèce, la preuve des notifications pour 2022 et 2023 conduisait à constater leur caractère définitif. Toutefois, la demande demeurait recevable pour les périodes non encore cristallisées, ce qui préservait l’effectivité du recours. Le traitement de la fin de non‑recevoir n’épuisait donc pas l’examen du fond relatif au retrait.
II. La preuve d’exposition au risque et l’office du juge
A) La charge probatoire et la compétence juridictionnelle
Le retrait suppose l’absence d’exposition au service de l’employeur, dont la preuve incombe à la caisse lorsqu’elle entend maintenir l’imputation. Le texte de principe rappelle que « L’employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n’a pas été exposée au risque à son service ». Seul le lien d’exposition chez l’employeur justifie l’inscription des dépenses dans la valeur du risque.
Le périmètre du contrôle juridictionnel est strict. La cour souligne que « Le juge de la tarification n’a pas compétence pour contrôler le respect de la condition d’un tableau de maladie professionnelle relative à la liste limitative des travaux ». La juridiction vérifie l’existence d’une exposition au risque dans l’établissement, sans revisiter l’instruction médico‑administrative. Par ailleurs, la reconnaissance antérieure borne l’assiette des dépenses, dès lors que « Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu ».
B) L’appréciation concrète des éléments produits
La cour retient plusieurs éléments précis issus de l’enquête et des données professionnelles. Le parcours de maçon, la nature des tâches exposant à des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante, et une fiche entreprise évoquant des activités de démolition forment un faisceau probant. Il est relevé que l’instruction s’appuie sur un rapport d’agent assermenté « dont les constats font foi jusqu’à preuve du contraire », complété par un avis technique.
Cette accumulation d’indices convergents emporte la conviction du juge de la tarification. La décision énonce que « Ces éléments suffisent à justifier le bien‑fondé de l’imputation » et conclut, dans la même logique, que « La preuve attendue est ainsi rapportée ». L’argument tiré de l’incertitude mémorielle du salarié ou de l’ancienneté de certains documents ne renverse pas ce faisceau. La charge probatoire, ici assumée par la caisse, a été satisfaite, ce qui entraîne le rejet de la demande de retrait et la confirmation de l’imputation pour les périodes ouvertes.