Cour d’appel de Amiens, le 5 septembre 2025, n°25/00817

Par un arrêt du 5 septembre 2025, la cour d’appel d’Amiens, statuant en matière de tarification des accidents du travail, a pris acte de l’acquiescement d’une caisse régionale d’assurance maladie aux demandes d’un employeur relatives à la rectification de son compte employeur.

Une société avait employé un salarié victime d’un accident du travail. Le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse avait, par jugement du 26 août 2024, déclaré inopposables à l’employeur les soins et arrêts prescrits au salarié à compter du 18 juin 2022. Cette décision aurait dû entraîner la modification du compte employeur et le recalcul du taux de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles.

L’employeur, n’ayant pas obtenu cette rectification, a fait assigner la caisse régionale devant la cour d’appel d’Amiens le 22 janvier 2025. La caisse avait toutefois pris une décision d’acquiescement le 21 janvier 2025, réceptionnée par l’employeur le 24 janvier suivant. La caisse soutenait ne pouvoir supporter les dépens, dès lors qu’elle avait satisfait à la demande avant même la signification de l’assignation.

La question posée à la cour était de déterminer si l’acquiescement de la caisse emportait extinction de l’instance et, dans l’affirmative, quelle partie devait supporter les dépens lorsque la décision d’acquiescement et l’assignation se sont chronologiquement croisées.

La cour constate l’acquiescement de la caisse régionale aux demandes de l’employeur et condamne celle-ci aux dépens. Elle retient que la délivrance de l’assignation et l’envoi du courrier d’acquiescement « se sont vraisemblablement croisés », de sorte qu’il ne peut être déduit de cette chronologie une volonté de l’employeur de méconnaître la position de la caisse.

L’extinction de l’instance par l’effet de l’acquiescement de la partie adverse (I) n’exonère pas celle-ci de la charge des dépens lorsqu’elle a tardé à exécuter une décision de justice (II).

I. L’acquiescement, cause d’extinction de l’instance

L’arrêt illustre le mécanisme de l’acquiescement à la demande tel qu’organisé par le code de procédure civile (A), dont l’application en contentieux de la tarification présente certaines particularités (B).

A. Le régime procédural de l’acquiescement

L’article 384 du code de procédure civile énonce que « l’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement d’action ». Les articles 408 et 410 du même code précisent que l’acquiescement à la demande « emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action ».

La cour d’appel d’Amiens fait une application rigoureuse de ces textes. Elle relève que la caisse régionale a informé l’employeur, par décision du 21 janvier 2025, qu’elle mettait à jour le coefficient de majoration sur son compte employeur et recalculait son taux de cotisation. Cette démarche constituait une exécution du jugement du pôle social de Toulouse et, partant, une reconnaissance du bien-fondé des prétentions adverses.

L’acquiescement produit ainsi un double effet. Il éteint l’action, privant le demandeur de son droit d’agir pour l’avenir. Il éteint également l’instance, mettant fin au procès en cours sans qu’il soit nécessaire que le juge statue au fond. La cour se borne donc à « constater » cet acquiescement, sans trancher le litige sur le fond.

B. Les spécificités du contentieux de la tarification

Le contentieux de la tarification des accidents du travail obéit à des règles procédurales dérogatoires. La cour d’appel d’Amiens statue en premier et dernier ressort, ce qui exclut tout pourvoi en cassation sur le fond. Cette compétence exclusive confère à ses arrêts une autorité particulière dans l’harmonisation des pratiques des caisses régionales.

La caisse avait invoqué, pour sa défense, le fait qu’elle n’avait été informée que tardivement du jugement du pôle social. Cette circonstance soulève la question de l’articulation entre les différentes branches du contentieux de la sécurité sociale. Le jugement d’inopposabilité avait été rendu le 26 août 2024 ; la rectification du compte employeur n’est intervenue que le 21 janvier 2025, soit près de cinq mois plus tard.

L’arrêt ne se prononce pas expressément sur ce délai, mais l’implicite de la décision est significatif. L’acquiescement de la caisse, bien que tardif, a produit ses effets extinctifs. Le juge de la tarification n’avait pas à apprécier les raisons de ce retard pour constater l’extinction de l’instance.

II. La charge des dépens en cas de croisement des actes

La cour devait déterminer quelle partie devait supporter les frais de l’instance lorsque l’acquiescement et l’assignation se sont chronologiquement croisés (A). Sa solution révèle une appréciation pragmatique de la bonne foi procédurale (B).

A. L’appréciation de la chronologie des actes

L’article 696 du code de procédure civile dispose que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». La caisse régionale soutenait que l’employeur, ayant assigné le 22 janvier 2025 alors qu’elle avait acquiescé la veille, ne pouvait mettre les frais à sa charge.

La cour relève cependant que la décision d’acquiescement, établie le 21 janvier 2025, n’a été réceptionnée par l’employeur que le 24 janvier suivant. L’assignation avait été délivrée le 22 janvier. Les deux actes se sont donc « vraisemblablement croisés », selon les termes de l’arrêt.

Cette analyse chronologique conduit la cour à écarter l’argument de la caisse. Au moment où l’employeur a fait délivrer l’assignation, il n’avait pas encore connaissance de l’acquiescement. Il ne pouvait donc lui être reproché d’avoir engagé une procédure devenue sans objet.

B. L’absence de faute du demandeur diligent

La cour refuse de déduire de la délivrance de l’assignation « la volonté de la société de faire fi de l’acquiescement de la caisse ». Cette formulation est éclairante. Le juge apprécie la bonne foi procédurale au regard des éléments dont disposait le demandeur au moment de l’acte.

La caisse, qui succombe totalement selon les termes de l’arrêt, est condamnée aux dépens. Cette solution est conforme à la règle générale de l’article 696. Mais elle repose également sur une appréciation plus substantielle. La caisse avait tardé plusieurs mois à exécuter le jugement d’inopposabilité. L’employeur était donc fondé à saisir le juge pour obtenir la rectification de son compte.

La circonstance que la caisse ait finalement acquiescé la veille de l’assignation ne saurait faire supporter au demandeur les frais d’une procédure rendue nécessaire par son inertie. L’arrêt rappelle ainsi que l’acquiescement tardif n’efface pas la responsabilité procédurale de celui qui a contraint son adversaire à agir en justice.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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