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La cour d’appel d’Amiens, 5 septembre 2025, statue en matière de tarification AT/MP sur la contestation d’une imputation et la forclusion invoquée. L’affaire concerne un salarié conducteur confronté, aux temps et lieu de travail, à un groupe d’individus ayant frappé la rame et proféré insultes, menaces et tentatives de crachats. L’accident a été pris en charge au titre des risques professionnels et imputé au compte employeur. Une plainte a été déposée puis classée sans suite pour auteur inconnu, tandis que le document d’accident ne mentionnait aucun objet ayant blessé la victime.
Après un recours gracieux rejeté, l’employeur a saisi la juridiction d’appel afin d’obtenir le retrait du coût du sinistre sur le fondement de l’article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et la rectification de ses taux. La caisse opposait la forclusion des contestations des taux 2023 et 2024, et soutenait l’absence de preuve d’une agression au moyen d’une arme imputable à un tiers non identifié. La décision tranche deux questions liées mais distinctes, l’une procédurale, l’autre de fond, avant de condamner l’employeur aux dépens et de rejeter sa demande au titre de l’article 700.
La juridiction d’appel rappelle d’abord le délai de recours et confirme la forclusion des contestations de taux notifiés en 2023 et 2024, tout en admettant la recevabilité résiduelle de la demande de retrait influant sur le taux 2025. Elle examine ensuite le fond et rejette l’exception de non-imputation prévue pour les agressions commises au moyen d’armes par des tiers non identifiés, faute d’éléments probants suffisants.
I. La forclusion des contestations de taux et la recevabilité résiduelle de la demande de retrait
A. L’exigence d’une computation stricte du délai de deux mois
La cour fonde son raisonnement sur le rappel textuel du délai, qui structure l’opposabilité des décisions de taux. Elle cite ainsi que « Aux termes de l’article R.142-1-A, III, du code de la sécurité sociale, s’il n’en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande. » Le rappel met l’accent sur la notification et les mentions obligatoires, conditions de déclenchement et d’opposabilité du délai.
L’application est rigoureuse. Les notifications électroniques des taux 2023 et 2024 sont établies par pièces, reçues par des personnes habilitées, sans contestation utile. Le recours gracieux, bien postérieur, n’interrompt pas le délai de contestation qui courait depuis la première mise à disposition. La cour en déduit que le droit de critiquer ces taux était éteint à l’expiration de deux mois, dès lors que les décisions notifiées comportaient les voies de recours.
Cette motivation s’inscrit dans une lecture protectrice de la sécurité juridique des décisions de taux. Elle impose à l’employeur une vigilance procédurale soutenue, notamment lorsqu’il recourt à la voie dématérialisée. Elle confirme, en pratique, qu’un recours gracieux tardif ne saurait revivifier un délai expiré, sauf vice de notification que l’employeur ne démontrait pas.
B. La dissociation entre contestation des taux notifiés et contestation de l’imputation
La cour rappelle cependant qu’une contestation de l’imputation d’un sinistre peut prospérer indépendamment du contentieux des taux. Elle énonce que « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu’il ait à attendre la notification des taux à venir. » Le principe, transposé ici au contexte d’un accident, distingue le flux d’imputation du stock des taux notifiés.
Sur ce fondement, la juridiction déclare recevable la demande visant le retrait du coût du sinistre affectant le taux de l’exercice non encore définitivement arrêté. Cette solution préserve l’accès au juge de la tarification pour des imputations en cours d’impact, sans remettre en cause la stabilité des taux antérieurement notifiés. Elle favorise un contrôle effectif de la légalité matérielle de l’imputation, à condition de respecter l’économie des délais propres à chaque décision.
L’articulation retenue est cohérente. Elle évite qu’un employeur, ayant manqué le délai de contestation des taux, soit définitivement privé de faire valoir une exception d’imputation pour l’avenir. Elle maintient toutefois l’autorité des décisions notifiées dans le passé, ce qui concilie sécurité des recouvrements et droit au juge.
II. Le rejet de l’exception de non-imputation pour défaut d’« agression au moyen d’une arme »
A. Les conditions cumulatives et la charge de la preuve
Le texte de l’article D. 242-6-7 exige une agression « perpétrée au moyen d’armes ou d’explosifs », attribuable à un tiers non identifié. La cour fixe nettement le régime probatoire en relevant que « Il appartient à l’employeur de démontrer que ces deux conditions sont remplies. » La charge repose donc intégralement sur celui qui sollicite le bénéfice de l’exception, ce qui implique des éléments objectifs et précis.
L’élément relatif au tiers non identifié ne posait pas difficulté, au vu du classement sans suite de la plainte pour auteur inconnu. En revanche, l’usage d’une arme devait être caractérisé, non par de simples incivilités ou violences contre un bien, mais par une agression au moyen d’une arme visant la personne du salarié. La distinction structure l’analyse de la matérialité et du mode opératoire exigé par le texte.
Une telle lecture s’accorde avec la finalité étroite de l’exception, limitée aux atteintes graves impliquant une arme utilisée contre la victime ou brandie à son encontre. Elle évite d’assimiler aux hypothèses d’armes, par une extension indue, des comportements hostiles ou violents dépourvus d’emploi d’armes à l’égard de la personne.
B. L’appréciation concrète de l’« arme » et l’exigence d’une atteinte dirigée contre la personne
La cour examine les pièces versées, dont la déclaration d’accident et le procès-verbal d’audition, pour apprécier l’existence d’une agression au moyen d’une arme. Elle relève que « Les déclarations du salarié sont concordantes avec la déclaration d’accident du travail dans laquelle il est indiqué “néant” dans la rubrique “objet dont le contact a blessé la victime”. » Cet élément objectif pèse lourd, puisqu’il infirme l’existence d’un contact lésionnel par un objet.
La décision retient que les individus ont frappé la rame avec des béquilles ou des barres, alors que les portes étaient fermées et que la vitre avait été refermée. L’agression visait le véhicule, non la personne, ce qui exclut l’usage d’une arme dirigée contre le salarié. La juridiction ajoute encore que « Le refus de la caisse de retirer le coût de cet accident du compte de la société, au motif que les conditions d’application de l’article D. 242-6-7 susvisé ne sont pas remplies, ne signifie pas qu’elle remettrait en cause la matérialité du fait accidentel. » La prise en charge au titre de l’accident du travail demeure donc acquise, seule l’imputation étant en cause.
Cette appréciation restrictive de la notion d’« arme » correspond à une conception fonctionnelle mais finalisée, centrée sur l’atteinte à la personne. Un objet contondant peut certes devenir une arme par destination, mais encore faut-il qu’il soit utilisé contre la victime ou brandi à son encontre, ce que l’ensemble des pièces ne démontrait pas ici. La cohérence interne est nette : l’absence de contact, la protection par la vitre et la fermeture des portes dessinent un usage de force matériel dirigé contre un bien.
La solution invite les employeurs à documenter minutieusement les circonstances de telles agressions. Des attestations circonstanciées, des enregistrements, ou des constatations médicales mentionnant une menace armée ou un contact par objet s’avèrent déterminants. À défaut, la preuve reste insuffisante pour renverser l’imputation, même dans des secteurs exposés aux incivilités et violences contre les matériels roulants.
Enfin, la portée de l’arrêt est pratique. Elle confirme que l’exception de non-imputation pour agression au moyen d’une arme demeure d’interprétation stricte. Elle circonscrit l’« arme » à un usage dirigé contre la personne, sans assimiler des dégradations ou heurts contre un véhicule à une menace armée contre le salarié. L’équilibre est assumé : protection du régime par répartition et exigence probatoire renforcée pour les exceptions de sortie de compte.