Cour d’appel de Amiens, le 5 septembre 2025, n°25/01497

Par un arrêt du 5 septembre 2025, la Cour d’appel d’Amiens, statuant en matière de tarification AT/MP, statue sur l’imputation d’un accident au compte employeur. Le litige oppose un employeur à l’organisme de tarification, autour d’un sinistre consécutif à la menace d’une arme chez un conducteur de bus.

Après la prise en charge au titre professionnel, l’employeur sollicite, le 1er août 2024, le retrait du coût du compte 2022, estimant l’agression imputable à un tiers non identifié. L’organisme rejette, le 9 septembre 2024, en invoquant la forclusion du taux 2024, et l’employeur assigne ensuite pour obtenir la déduction et les recalculs.

Devant la Cour, l’employeur soutient l’autonomie de la contestation d’imputation et produit des éléments d’enquête pénale, tandis que l’organisme oppose la forclusion et l’insuffisance probatoire. La juridiction vise la règle de délai, puis la jurisprudence de 2024, et examine enfin l’article D. 242‑6‑7 ainsi que les pièces versées.

La question porte d’abord sur l’articulation entre contestation d’imputation et caractère définitif du taux notifié. Elle porte ensuite sur la preuve du « tiers non identifié » en cas d’agression avec arme, conditionnant l’exclusion d’imputation.

La cour déclare irrecevable la contestation du taux 2024 car définitif, sans écarter l’examen du retrait pour les années suivantes. Elle déboute néanmoins l’employeur, faute de preuve suffisante que l’auteur n’a pas pu être identifié au sens du texte.

I. La contestation d’imputation et la forclusion du taux définitif

A. Autonomie de l’action en retrait de coût

La Cour rappelle un principe constant, formulé en ces termes clairs: « L’employeur est en droit de contester l’imputation des conséquences d’un accident du travail à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu’il ait à attendre la notification des taux à venir ». Ce rappel légitime l’examen du retrait indépendamment des échéances déjà acquises, dès lors que des taux futurs demeurent susceptibles d’être affectés.

B. La limite tirée du caractère définitif du taux

La solution se nuance toutefois par l’affirmation suivante: « En revanche, ce délai est opposable à l’employeur lorsque cette demande, qui ne peut avoir pour effet de modifier un taux devenu définitif, est formée à l’occasion d’un litige en contestation de ce taux ». Et la règle de méthode est précisée: « Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif (2e Civ., 17 octobre 2024, pourvoi n°22-20.692) ».

En l’espèce, le taux 2024 ayant été notifié et non contesté dans le délai, la cour en déduit son caractère définitif et l’irrecevabilité corrélative. Le contrôle juridictionnel s’en trouve ainsi scindé, autorisant le retrait éventuel pour 2025‑2026 tout en sanctuarisant l’intangibilité du taux acquis.

II. La preuve du tiers non identifié au sens de l’article D. 242‑6‑7

A. Conditions cumulatives et charge probatoire

Le cadre légal est rappelé sans ambages: « Il résulte de l’article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale que l’accident du travail résultant d’une agression perpétrée au moyen d’armes ou d’explosifs n’est pas imputé au compte de l’employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n’a pas pu être identifié ». La Cour précise encore l’office des parties: « Il appartient à l’employeur de démontrer que ces deux conditions sont remplies ».

Le caractère armé de l’agression est, du reste, juridiquement qualifié: « il sera rappelé que constitue des violences aggravées l’usage ou la menace d’une arme envers autrui (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi n°15-85.894) ». La controverse se concentre donc exclusivement sur l’impossibilité d’identification de l’auteur, exigence spécifique du texte dérogatoire.

B. Apppréciation des pièces et portée pratique

L’employeur verse la plainte, des procès‑verbaux de diligences et une fiche de transmission avec mention de classement, mais sans décision formelle de classement pour auteur inconnu. La juridiction juge ces éléments insuffisants, la fiche ne comportant ni identité de plaignant, ni références probantes, ni décision explicite, de sorte que la preuve requise n’est pas rapportée.

Cette approche valorise une démonstration rigoureuse de l’impératif d’inidentification, au prix d’une charge probatoire lourde mais prévisible. Elle incite, en pratique, à obtenir la décision de classement sans suite visée, ou à rassembler des indices concordants équivalents, explicitement rattachés à la procédure concernée.

Au plan du droit positif, l’arrêt confirme le régime d’exclusion strict, réservé aux hypothèses établies d’agression armée par auteur demeuré introuvable. Sa portée est pragmatique: sécuriser la tarification par une preuve documentée, sans empêcher les retraits lorsque la traçabilité procédurale est complète.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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