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Par un arrêt du 8 juillet 2025, la Cour d’appel d’Amiens a statué sur une demande de révision d’un taux d’incapacité permanente. L’affaire concerne un accident du travail ancien, des séquelles auditives et articulaires, et la preuve d’une aggravation alléguée.
Victime d’un accident en 1992, l’assurée a été consolidée en 1993 avec un taux de 24 %. Une rechute a été reconnue en 2003 et une révision en 2007 a maintenu 24 % pour une surdité mixte et un syndrome post‑commotionnel.
Sur un certificat d’aggravation du 13 septembre 2021, la caisse a maintenu 24 % par décision de 2022, après avis médical. La commission médicale a rejeté le recours, puis le tribunal judiciaire d’Amiens, le 19 février 2024, a débouté l’assurée.
En appel, l’assurée invoquait une aggravation auditive, une coxarthrose invalidante et des troubles mnésiques, en sollicitant une expertise clinique. L’intimée contestait toute modification à la date pertinente et s’opposait à une nouvelle mesure d’instruction.
La question portait sur les conditions de révision, leur date d’appréciation et la charge de la preuve d’une aggravation directement imputable à l’accident. La cour rappelle que « La révision du taux d’incapacité suppose une modification de l’état de l’assuré qui s’apprécie à la date de la demande en révision ». Elle énonce encore : « Il appartient à la victime d’établir l’aggravation de la lésion ou des troubles résultant de l’accident et lorsque qu’il s’agit de lésions ou de troubles nouveaux, de rapporter la preuve de leur lien direct avec l’accident ». Reprenant l’avis du médecin consultant, elle retient que « A la date du 13/09/2021, il n’y avait pas d’élément médical nouveau permettant de modifier le taux de 24% initialement fixé ». Elle écarte enfin les documents postérieurs, car « ces pièces sont trop éloignées de la date de la demande de révision pour être prises en compte ». Le jugement est confirmé et l’assurée est condamnée aux dépens.
I. L’office du juge de la révision et l’exigence de contemporanéité
A. Le critère légal et barémique de la modification du taux
La décision articule précisément les textes applicables afin de délimiter l’objet du contrôle. Elle rappelle l’article L.434‑2 du code de la sécurité sociale sur les paramètres d’évaluation du taux, puis l’article L.443‑1, selon lequel « Toute modification dans l’état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations (…) ». La référence explicite au barème indicatif éclaire la méthode et fixe un seuil d’évolution. La cour cite que, pour une révision, « pour l’estimation du nouveau taux, on se réfèrera au taux fixé lors de l’examen précédent et on modifiera ce taux dans la mesure où les séquelles elles-mêmes auront évolué de façon tangible ».
En reliant ces normes, la solution resserre la preuve sur une double exigence cumulative. D’une part, l’évolution doit porter sur les séquelles imputables, objectivées et mesurables au regard du barème. D’autre part, elle doit être établie à la date de la demande de révision, et non au fil d’un suivi postérieur. La formule selon laquelle « La révision du taux d’incapacité suppose une modification de l’état de l’assuré qui s’apprécie à la date de la demande en révision » commande ainsi la pertinence temporelle des pièces et justifie l’exclusion des documents trop tardifs.
B. L’application concrète aux preuves médicales et à la mesure d’instruction
La cour valide un examen essentiellement sur pièces, commencé par l’organisme et consolidé par la consultation judiciaire. Le consultant écrit que « Les documents communiqués, concomitants à la demande de rechute ne montrent pas d’aggravation de l’état de santé ». Il précise ainsi le socle factuel, en retenant la stabilité audiométrique et l’absence d’objectivation neuropsychologique contemporaine. L’avis est détaillé sur le quantum, en relevant qu’« il persiste donc une surdité mixte bilatérale justifiant d’un taux de 15% et un syndrome subjectif post-commotionnel correctement évaluée par le taux de 9%, soit un taux de 24% ».
La cour motive ensuite le rejet des pièces postérieures par un critère purement chronologique. Elle souligne que « ces pièces sont trop éloignées de la date de la demande de révision pour être prises en compte ». Elle ajoute que « Par ailleurs les pièces médicales de 2022 (scanner des sinus et roches du 19 mai 2022, radiographie de la hanche gauche du 8 septembre 2021, prescriptions de séances de rééducation du rachis dorsolombaire et des membres inférieurs) ont été analysées par les médecins intervenus dans le dossier dont le médecin consultant désigné par la cour comme ne permettant pas de justifier une aggravation des séquelles ». L’inutilité d’une expertise clinique découle logiquement de l’absence d’élément nouveau pertinent à la date utile.
II. Valeur et portée de la solution
A. Une rigueur probatoire protectrice mais discutée
La solution renforce la sécurité juridique des révisions, en posant une borne temporelle stricte et une charge de preuve claire. Cette rigueur protège l’équilibre du système et prévient les réévaluations sur des évolutions non imputables ou non contemporaines. Elle se fonde sur une norme explicite et sur la cohérence barémique, ce que confirme la formule « A la date du 13/09/2021, il n’y avait pas d’élément médical nouveau permettant de modifier le taux de 24% initialement fixé ».
Cette sévérité peut toutefois fragiliser la prise en compte de pathologies à expression lente ou fluctuante, telles que des troubles mnésiques ou une coxarthrose évolutive. Des examens réalisés peu après la date utile peuvent éclairer rétrospectivement l’état antérieur. La décision ferme prudemment cette voie, au risque d’un formalisme qui pèse sur des assurés dont l’accès à des bilans rapides demeure inégal. Le raisonnement reste néanmoins conforme au droit positif et à l’exigence d’une imputabilité objectivée.
B. Conséquences pratiques et trajectoires contentieuses
La portée de l’arrêt est d’abord méthodologique. Les pièces déterminantes doivent être contemporaines de la demande et cibler directement les séquelles imputables, selon le barème applicable. À défaut, la voie idoine demeure le dépôt d’une nouvelle demande de révision, fondée sur des éléments récents et objectivés. La solution conforte aussi l’usage de la consultation sur pièces lorsque les dossiers médicaux sont stables et cohérents.
Pour les contentieux d’accidents du travail, l’arrêt réaffirme une ligne jurisprudentielle constante de prudence temporelle. Les praticiens veilleront à documenter, dès la demande, audiogrammes, imageries et bilans fonctionnels, en anticipant l’exigence de « séquelles […] évolué de façon tangible ». À terme, la lisibilité des dossiers sera améliorée, et les contentieux réduits aux véritables situations d’aggravation contemporaine. L’arrêt conserve enfin une portée d’espèce, mais il éclaire utilement la pratique des révisions et la preuve attendue.