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Par arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 8 septembre 2025, la formation de la protection sociale confirme un redressement consécutif à un constat de travail dissimulé. Un contrôle mené le 5 novembre 2020 a révélé la présence de personnes en situation de travail sans déclaration préalable, suivi d’une lettre d’observations du 26 novembre 2021 et d’une mise en demeure du 15 mars 2022. Le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, le 12 janvier 2024, a validé le redressement et condamné l’employeur au paiement des sommes réclamées. En appel, l’employeur invoquait sa bonne foi, le rôle d’un cabinet comptable, la régularisation intervenue et l’excès de la taxation forfaitaire. L’organisme de recouvrement sollicitait la confirmation. La Cour rappelle d’abord que « ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur la validité ou la nullité de la décision de cette commission », écartant toute demande dirigée contre la décision de la commission de recours amiable. La question porte alors sur la caractérisation du travail dissimulé au sens de l’article L. 8221-5 du code du travail et sur l’application du forfait de l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale. La Cour confirme le principe du redressement, puis son montant.
I. La confirmation du redressement pour travail dissimulé
A. L’absence d’exigence d’intention frauduleuse en matière de recouvrement
La Cour s’inscrit dans une ligne désormais établie en rappelant que « le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi et qu’il n’est donc pas nécessaire d’établir l’intention frauduleuse de l’employeur ». Le fondement réside dans l’infraction de dissimulation d’emploi salarié par défaut de déclaration préalable à l’embauche, telle que définie à l’article L. 8221-5 du code du travail. Le contrôle du 5 novembre 2020 a constaté des personnes au travail sans formalités accomplies, ce qui suffit à caractériser l’assiette du rappel.
Cette solution distingue clairement la logique du recouvrement social de celle de la répression pénale. La première finalise la remise en conformité des cotisations, sans débat sur l’élément intentionnel, dès lors que la matérialité de la dissimulation est établie. La seconde, le cas échéant, obéit à ses propres conditions. La Cour d’appel s’aligne ainsi sur une lecture fonctionnelle des textes, centrée sur l’assiette et la sécurité du financement.
B. L’inefficacité des régularisations tardives et de la mise en cause d’un tiers
L’employeur invoquait une régularisation intervenue peu après le contrôle et l’échec d’une démarche confiée à un cabinet. La Cour écarte ces moyens en des termes nets: « la régularisation ultérieure ne fait pas disparaître l’infraction constatée, étant rappelé que les constatations effectuées et les vérifications opérées font foi jusqu’à preuve du contraire ». Le procès-verbal et la lettre d’observations ancrent la preuve factuelle; seule une preuve contraire pertinente et immédiate peut en altérer la portée.
La Cour énonce encore que « l’employeur ne peut invoquer la négligence d’un tiers ou le retard dans le traitement de son dossier pour s’exonérer de sa responsabilité ». L’obligation de déclaration incombe personnellement à l’employeur. La délégation d’une démarche matérielle n’en transfère ni le risque, ni la charge juridique. Cette position favorise la vigilance ex ante et ferme la voie aux défausses postérieures au constat.
La confirmation du principe du redressement ainsi motivée conduit logiquement à l’examen de son évaluation, régie par un mécanisme légal spécifique et une charge probatoire renforcée.
II. L’évaluation forfaitaire des rémunérations et l’exigence probatoire
A. La rigueur du forfait légal et son périmètre temporel
La Cour applique l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoit une évaluation forfaitaire des rémunérations à 25 % du plafond annuel en vigueur, réputées versées le mois du constat. L’assiette s’établit par défaut en l’absence d’éléments précis et probants quant à la durée d’emploi et aux sommes effectivement versées. Ce mécanisme vise la célérité et la sécurité du recouvrement en contexte d’opacité créée par la dissimulation.
L’argument tiré d’une période antérieure à la création est rejeté au vu des dates retenues et des déclarations recueillies lors du contrôle. La Cour souligne que « la taxation effectuée ne couvre donc pas une période antérieure à la création de la société ». Elle s’en tient à la logique du texte, circonscrit au mois du constat et aux faits vérifiés. La mesure conserve ainsi une portée proportionnée, tout en demeurant dissuasive.
La position retenue concilie sécurité juridique et impératifs de financement. Elle évite une extension indue de la période, mais maintient l’effectivité du forfait lorsque l’employeur n’apporte pas d’éléments sérieux, contemporains et vérifiables.
B. La charge de la preuve et l’insuffisance des seules déclarations
La Cour rappelle la clé d’articulation probatoire: « Il appartient à l’employeur qui entend écarter les dispositions de ce texte de prouver la durée réelle d’emploi du ou des salariés concernés et la rémunération versée pendant cette période ». La dérogation au forfait n’est pas de droit. Elle requiert des éléments précis quantifiés et corroborés, de nature à reconstituer l’assiette réelle.
Dans cette espèce, l’employeur se prévalait de déclarations des intéressés et de références conventionnelles. La Cour juge ces seules indications inopérantes: « les seules déclarations des salariés ne permettent pas de déterminer la durée réelle de leur emploi et leur rémunération ». De simples affirmations non étayées ne sauraient remplacer des documents objectifs, tels que des plannings approuvés, pointages, bulletins, justificatifs bancaires ou déclarations sociales régulières.
La solution protège la cohérence du système: celui qui a créé l’opacité supporte la rigueur de la présomption légale, à charge pour lui de l’abattre par une preuve positive. Elle évite que la dissimulation n’engendre une prime à l’imprécision. Elle guide aussi les acteurs sur la nature de la preuve attendue pour espérer une réduction de l’assiette forfaitaire.
En définitive, la Cour d’appel d’Amiens réaffirme avec clarté la finalité recouvrante du redressement fondé sur un constat de dissimulation et la discipline probatoire attachée au forfait légal. L’articulation des motifs, appuyée sur des énoncés explicites, fixe une ligne prévisible, à la fois ferme sur les obligations de l’employeur et ouverte à une preuve contraire sérieuse et documentée.