Cour d’appel de Angers, le 1 juillet 2025, n°24/00994

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Par arrêt de la cour d’appel d’Angers du 1er juillet 2025 (chambre A, commerciale), la juridiction tranche un contentieux né de prêts familiaux consentis en 2004, assortis d’intérêts annuels, et adossés à des dispositions testamentaires concomitantes. Le prêteur décède en 2011, après avoir prévu que des sommes d’assurance‑vie compenseraient, au décès, les montants prêtés, selon la formule suivante : « l’exigibilité des sommes de même montant que je leur ai prêtées le 21 mai 2004, de manière à ce qu’ils n’aient rien à rapporter à ma succession. » L’épouse survivante réclame ensuite les intérêts et, pour partie, le capital, tandis que les emprunteurs soutiennent une extinction totale du principal par le jeu croisé des legs.

La procédure est dense. La cour d’appel d’Angers, le 9 septembre 2014, a déjà réduit les intérêts de moitié à compter du décès du premier disposant, la compensation étant acquise à hauteur de 300 000 euros. Le tribunal judiciaire de Laval, le 13 janvier 2020, a statué sur la compensation entre legs et dettes dans une instance distincte toujours pendante en appel. Par jugement du tribunal judiciaire d’Angers du 8 décembre 2020, les emprunteurs sont condamnés au paiement d’une somme de 86 625 euros chacun, intérêts légaux et capitalisation. L’appel formé conduit la cour, en 2025, à confirmer l’essentiel, sauf la solidarité, écartée faute de stipulation.

La question de droit tient à la portée d’un codicille postérieur de l’épouse survivante, révoquant ses dispositions antérieures, et à ses effets sur l’extinction du capital par compensation. S’y ajoutent deux questions accessoires, relatives à l’exception d’inexécution invoquée au titre d’un prétendu montage contractuel, et à l’existence d’une solidarité passive. La cour répond que la révocation est valable, que nulle inexécution contractuelle n’est démontrée, et que la solidarité fait défaut. Elle observe encore que l’instance sur la délivrance des legs reste pendante, excluant une compensation immédiate dans la présente affaire.

I/ Le sens de la solution retenue

A/ L’extinction partielle de la dette par compensation testamentaire

La cour maintient l’analyse antérieure sur la portée du codicille du premier disposant. Les sommes d’assurance‑vie ont, au jour du décès, compensé la moitié du capital prêté, ce qui justifie la réduction corrélative des intérêts. Le rappel de la clause est net et dépourvu d’ambiguïté : « l’exigibilité des sommes de même montant que je leur ai prêtées le 21 mai 2004, de manière à ce qu’ils n’aient rien à rapporter à ma succession. » Cette stipulation organise une compensation au décès, d’effet unilatéral, circonscrite aux dispositions de son auteur.

La conséquence tirée demeure classique. La dette des emprunteurs ne s’éteint qu’à hauteur des dispositions du premier disposant, sans pouvoir s’agréger mécaniquement avec des libéralités ultérieures de l’épouse survivante. La cour rappelle que les intérêts, postérieurement au premier décès, ne courent que sur la moitié du capital, le reste demeurant dû avec son accessoire normal jusqu’au terme contractuel.

B/ La révocation des dispositions de l’épouse survivante et sa validité formelle

Le cœur du litige réside dans la révocation opérée en 2013 par l’épouse survivante, qui avait initialement prévu des dispositions symétriques à celles de son conjoint. La cour constate la régularité formelle du codicille olographe, puis sa pleine efficacité révocatoire au regard des articles 1035 et 1036 du code civil. La formule est sans réserve : « Partant, elle était libre de disposer de ses biens et avait le droit de modifier ses précédentes dispositions testamentaires conformément à l’article 1035 du code civil. »

Le moyen tiré de l’immutabilité d’un prétendu « montage financier » échoue. À défaut d’engagement contractuel autonome et irrévocable, la liberté de tester prime, sans que l’on puisse convertir des libéralités projetées en obligations contractuelles. L’exception d’inexécution, fondée sur les articles 1217 et 1219, est donc inopérante, faute d’obligation corrélative non exécutée par la disposante.

II/ La valeur et la portée de l’arrêt

A/ Une solution mesurée sur la dette, les intérêts et la compensation différée

La décision présente une cohérence interne entre titre et cause de l’obligation. La moitié du capital demeure exigible, avec intérêts, selon le rythme prévu jusqu’en 2020. Les emprunteurs n’ayant pas critiqué le décompte, la cour confirme les montants fixés, tout en corrigeant la qualification de l’obligation passive. La juridiction souligne par ailleurs la nécessaire séparation des instances. Elle énonce sobrement : « Pour autant, une action est pendante devant la cour de céans sur leur demande en délivrance des legs dont la consistance au‑delà de la somme en principal de 140 113,45 euros est discutée. »

Cette articulation refuse une compensation judiciaire prématurée, dès lors que la consistance exacte des créances de legs n’est pas fixée. La ligne est pragmatique et conforme au droit positif. L’extinction partielle par compensation acquise au premier décès demeure, la seconde étant exclue par la révocation régulière, en attendant l’issue de l’instance sur la délivrance et l’évaluation des libéralités.

B/ L’apport sur l’absence de solidarité et la clarification des fondements

La cour rectifie la solidarité retenue en première instance, en l’absence de clause contractuelle et au regard de l’article 870 du code civil relatif aux héritiers. La motivation assemble précision technique et portée pratique, en ce qu’elle individualise la dette de chacun sans obérer le droit de poursuite au titre de l’obligation conjointe. La cohérence entre l’obligation née des reconnaissances et le statut successoral est ainsi restaurée.

La solution se révèle également éclairante sur la frontière entre contrat et libéralité. L’argumentation fondée sur un « montage financier » ne pouvait suppléer l’absence d’engagement irrévocable. En posant que la révocation régulière produit plein effet, la cour conjure tout risque de contractualisation artificielle du testament. L’arrêt, enfin, assure un équilibre entre sécurité des prêts familiaux et prévisibilité des successions, au prix d’une stricte fidélité aux textes applicables et à la chronologie des volontés exprimées.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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