- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
La convention de divorce par consentement mutuel, une fois homologuée par le juge, acquiert-elle une nature véritablement juridictionnelle de sorte qu’elle ne puisse être contestée que par les voies de recours ordinaires, ou conserve-t-elle un caractère contractuel permettant au débiteur d’en invoquer la nullité devant le juge de l’exécution ? Telle est la question centrale tranchée par la cour d’appel d’Angers dans un arrêt du 1er juillet 2025.
Deux époux avaient divorcé par consentement mutuel aux termes d’un jugement du juge aux affaires familiales du Mans en date du 10 octobre 2008. Ce jugement avait homologué la convention de liquidation et de partage du régime matrimonial régularisée le 29 mai 2008. Cette convention prévoyait notamment que l’épouse verserait à son conjoint la somme de 35 000 euros au titre d’une récompense due en raison de travaux effectués par ce dernier sur un immeuble propre de l’épouse durant le mariage. Le paiement était stipulé exigible lors de la vente de l’immeuble.
L’immeuble fut vendu le 16 septembre 2022. L’époux demanda alors le règlement de la somme prévue. L’épouse refusa en invoquant la prescription et la nullité de cette obligation. Le 6 juillet 2023, l’époux fit signifier la convention et le jugement de divorce ainsi qu’un commandement de payer. Le 25 juillet 2023, il fit pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de son ex-épouse. Cette dernière contesta la mesure d’exécution devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire du Mans.
Par jugement du 6 juin 2024, le juge de l’exécution prononça la nullité de l’acte de saisie-attribution et en ordonna la mainlevée. Il considéra que la convention de divorce constituait un accord transactionnel dont l’homologation n’avait eu pour seul effet que de le rendre exécutoire, sans faire obstacle à sa contestation devant lui. L’époux interjeta appel.
Devant la cour d’appel d’Angers, l’appelant soutint que la convention de divorce homologuée ne pouvait être assimilée à une transaction et qu’elle constituait un véritable acte juridictionnel insusceptible de remise en cause devant le juge de l’exécution. L’intimée défendit la qualification retenue par le premier juge.
La cour d’appel d’Angers devait déterminer si la convention de divorce par consentement mutuel homologuée peut être contestée devant le juge de l’exécution au motif de la nullité de l’une de ses clauses, ou si son caractère juridictionnel s’y oppose.
La cour infirme le jugement entrepris. Elle juge que la convention de divorce homologuée constitue un acte juridictionnel qui ne peut être contesté que par les voies de recours contre les décisions de justice. Elle valide en conséquence la saisie-attribution pratiquée.
Cette décision mérite examen tant au regard de la distinction qu’elle opère entre convention de divorce et transaction (I) qu’au regard des conséquences qu’elle en tire sur les pouvoirs du juge de l’exécution (II).
I. La nature juridictionnelle de la convention de divorce homologuée
La cour d’appel d’Angers écarte la qualification transactionnelle (A) pour consacrer le caractère juridictionnel de la convention de divorce homologuée (B).
A. Le rejet de la qualification transactionnelle
Le juge de l’exécution avait retenu que la convention de divorce constituait un accord transactionnel au sens de l’article 2044 du code civil. La cour d’appel censure cette analyse par une argumentation rigoureuse.
L’article 2044 du code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ». La cour relève que « tel n’est pas l’objet ni la finalité de la convention de divorce par consentement mutuel, qui est de régler les conséquences du divorce tant sur le plan patrimonial qu’extra-patrimonial ». La convention de divorce n’a pas pour fonction de mettre fin à un litige préexistant. Elle organise les modalités de la séparation dans un cadre consensuel.
Cette distinction est fondamentale. La transaction suppose un différend que les parties entendent résoudre par des concessions mutuelles. La convention de divorce procède d’une logique différente. Les époux s’accordent sur l’ensemble des effets de leur séparation sans qu’existe nécessairement un conflit antérieur. La clause litigieuse relative à la récompense ne constituait pas une concession destinée à éteindre une contestation. Elle traduisait l’accord des époux sur la liquidation de leur régime matrimonial.
B. La consécration du caractère juridictionnel
La cour d’appel fonde sa solution sur l’intensité du contrôle juridictionnel exercé lors de l’homologation. Elle distingue nettement l’homologation d’une transaction de celle d’une convention de divorce.
S’agissant de la transaction, « le juge qui constate l’accord des parties limite son office à la vérification de l’existence de concessions réciproques et de l’absence de contrariété à l’ordre public ». La transaction possède l’autorité de la chose jugée dès sa conclusion. L’homologation lui confère seulement force exécutoire sans modifier sa nature contractuelle.
S’agissant de la convention de divorce, l’article 232 du code civil impose au juge un contrôle substantiel. Il doit « s’assurer de la réalité et de l’intégrité du consentement des époux » mais également « se livrer à un véritable contrôle en opportunité de ce que l’accord préserve les intérêts de chacun d’eux ». L’homologation « consacre l’existence de l’accord des époux au-delà de lui donner force exécutoire ». Ce contrôle approfondi transforme la convention en acte juridictionnel.
Cette analyse s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Le jugement d’homologation et la convention qu’il homologue forment un tout indissociable. L’autorité de chose jugée s’attache à l’ensemble.
II. Les conséquences sur le contentieux de l’exécution
La qualification retenue détermine les pouvoirs du juge de l’exécution (A) et interdit toute contestation du titre devant lui (B).
A. La délimitation des pouvoirs du juge de l’exécution
L’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution subordonne la saisie-attribution à l’existence d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Le juge de l’exécution vérifie ces conditions. Il ne lui appartient pas de remettre en cause le titre lui-même.
L’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire confère au juge de l’exécution une compétence exclusive pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. Cette compétence ne s’étend pas à l’appréciation de la validité du titre. Le juge de l’exécution n’est pas juge du fond.
Lorsque le titre exécutoire émane d’une juridiction, seules les voies de recours permettent de le contester. Cette règle protège la sécurité juridique et l’autorité des décisions de justice. Le créancier muni d’un jugement définitif doit pouvoir en poursuivre l’exécution sans craindre une remise en cause incidente.
B. L’impossibilité de contester la convention devant le juge de l’exécution
La cour tire les conséquences de sa qualification. L’intimée « ne peut pas soulever utilement en l’espèce la nullité de la disposition de la convention de divorce homologuée qui a mis à sa charge le versement d’une récompense de 35 000 euros ». La voie de la contestation devant le juge de l’exécution lui est fermée.
La cour refuse également d’examiner la réalité de la créance. L’intimée invoquait avoir financé elle-même les travaux et contestait le montant de la récompense. La cour lui oppose que « la cour saisie des pouvoirs du juge de l’exécution ne peut pas se livrer à l’appréciation de la réalité et du montant de la créance constatée dans le titre exécutoire ». Le titre fait foi. La créance qu’il constate ne peut être discutée.
Cette solution présente une rigueur certaine. L’intimée se trouve liée par un engagement pris il y a plus de quinze ans qu’elle ne peut plus remettre en cause. Elle aurait dû exercer un recours contre le jugement d’homologation dans les délais légaux. Son inaction lui interdit désormais toute contestation. La sécurité des conventions matrimoniales l’impose.