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L’appel constitue une voie de recours essentielle dans l’architecture juridictionnelle française. Son exercice effectif suppose néanmoins le respect de conditions formelles dont le défaut peut entraîner l’irrecevabilité de la procédure. L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Angers le 2 septembre 2025 illustre cette exigence avec une particulière netteté.
En l’espèce, à la suite de la liquidation d’un régime matrimonial, un immeuble a été adjugé le 11 janvier 2021 à une société. Un procès-verbal d’expulsion a été établi le 19 octobre 2021. Par un jugement du 19 septembre 2023, l’ancien occupant a été condamné au paiement de diverses sommes au titre des indemnités d’occupation, de dommages-intérêts et des frais irrépétibles. Une saisie-attribution a été pratiquée le 5 janvier 2024 entre les mains d’un établissement bancaire pour le recouvrement de 20 231,62 euros. Le débiteur a contesté cette mesure devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angers, lequel, par un jugement du 16 mai 2024, a déclaré sa contestation infondée et l’a débouté de sa demande de mainlevée.
L’intéressé a interjeté appel de ce jugement le 21 juin 2024. La société intimée a constitué avocat le 15 juillet 2024. L’avis de fixation a été envoyé le 7 février 2025. Aucune des parties n’a conclu et l’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2025. Au cours du délibéré, il est apparu que l’appelant n’avait pas acquitté le droit prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts.
La question posée à la cour était de savoir si le défaut de paiement du droit de timbre prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts entraîne l’irrecevabilité de l’appel et si cette sanction doit être relevée d’office par la juridiction.
La Cour d’appel d’Angers a déclaré l’appel irrecevable au motif que l’appelant n’avait pas réglé le droit prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts malgré les demandes de régularisation qui lui avaient été adressées en cours de délibéré.
Cette décision mérite examen tant au regard du régime de l’irrecevabilité pour défaut de paiement du timbre fiscal (I) que des conditions de présentation des demandes en cours d’instance d’appel (II).
I. L’irrecevabilité de l’appel pour défaut de paiement du droit de timbre
La cour fonde sa décision sur une base textuelle précise (A) tout en mettant en œuvre une procédure de régularisation demeurée infructueuse (B).
A. Le fondement textuel de la sanction
L’article 693 du code de procédure civile dispose que « lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses selon le cas, de l’acquittement du droit prévu à cet article ». Ce texte établit un lien direct entre le paiement du droit de timbre et la recevabilité de l’acte d’appel ou des écritures.
La cour rappelle que « le non-paiement du droit prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts est sanctionné par l’irrecevabilité de l’appel ou des conclusions, qui doit être relevée d’office ». Cette formulation souligne le caractère impératif de la sanction. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation dès lors que le défaut de paiement est constaté. L’irrecevabilité s’impose à lui comme une conséquence automatique du manquement à cette obligation.
Ce mécanisme participe de la politique de financement de l’aide juridictionnelle par la contribution pour l’aide juridique. Le législateur a voulu que l’exercice des voies de recours s’accompagne d’une participation financière des justiciables, sous peine de voir leur action privée d’effet. La rigueur de cette sanction traduit l’importance attachée au respect de cette obligation fiscale dans l’accès au second degré de juridiction.
B. L’échec de la procédure de régularisation
La cour précise avoir sollicité l’appelant en cours de délibéré pour qu’il régularise sa situation. Un premier message électronique lui a été adressé le 21 mai 2025, suivi d’un second le 5 juin 2025. Un délai lui a été imparti jusqu’au 30 juin 2025 pour s’acquitter du droit ou faire valoir ses observations. La cour constate qu’il « n’a pas régularisé le paiement du droit ni fait valoir d’observation dans les délais qui lui ont été impartis ».
Cette démarche de la cour témoigne d’une volonté de permettre la régularisation avant de prononcer une sanction définitive. Elle s’inscrit dans une conception mesurée de l’application des irrecevabilités, laquelle tend à privilégier le traitement au fond des litiges lorsque le vice peut être corrigé. L’inertie persistante de l’appelant face à ces sollicitations renforce la légitimité de la sanction prononcée. Le juge a offert une possibilité de remédier au manquement. Le défaut de réponse rend l’irrecevabilité inéluctable.
Cette approche, conforme aux exigences du procès équitable, évite que des parties ne soient privées de leur droit d’appel par surprise ou par méconnaissance. Elle responsabilise néanmoins le justiciable en lui imposant de réagir aux invitations de la juridiction.
II. Les limites à la présentation de demandes nouvelles après clôture
La décision aborde également la tentative de l’intimée de formuler des demandes par voie d’observations (A), ce qui conduit la cour à en tirer les conséquences procédurales (B).
A. Le rejet des demandes formulées par simples observations
L’intimée, après avoir régulièrement acquitté le droit de timbre, n’a pas conclu dans le cadre de la procédure d’appel. Postérieurement à l’ordonnance de clôture, elle a adressé des observations à la cour le 21 mai 2025 pour solliciter la condamnation de l’appelant aux dépens et au paiement de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle indiquait ne pas demander la révocation de l’ordonnance de clôture.
La cour répond que « l’intimée ne peut pas ainsi, par de simples observations dont l’objet est strictement cantonné à la question posée par la cour, présenter valablement une demande, de surcroît postérieurement à l’ordonnance de clôture dont elle indique qu’elle n’en demande pas sa révocation ».
Cette motivation rappelle la distinction fondamentale entre les observations, qui constituent une réponse à une interrogation du juge sur un point précis, et les conclusions, qui seules permettent de formuler des prétentions. Les observations sollicitées par la cour portaient uniquement sur la question du paiement du droit de timbre. Elles ne pouvaient servir de support à des demandes qui auraient dû être présentées par voie de conclusions avant la clôture de l’instruction.
B. Les conséquences de l’irrecevabilité sur les dépens
La cour constate qu’elle « n’est donc pas saisie de cette demande » relative aux frais irrépétibles. Elle limite sa décision à la condamnation de l’appelant aux dépens de la procédure d’appel.
Cette solution découle logiquement du régime de l’appel irrecevable. La partie dont l’appel est déclaré irrecevable succombe et doit supporter les frais de la procédure qu’elle a initiée en vain. Cette condamnation ne requiert pas de demande expresse de l’intimée. Elle résulte de l’application de l’article 696 du code de procédure civile qui met les dépens à la charge de la partie perdante.
L’exclusion de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile illustre cependant une limite importante. Faute d’avoir été valablement saisie de cette prétention, la cour ne peut y faire droit, quand bien même l’équité aurait pu justifier une telle allocation. L’intimée, en choisissant de ne pas conclure pour éviter des frais supplémentaires, a pris le risque de ne pouvoir obtenir le remboursement de ses propres frais irrépétibles.
Cette décision rappelle ainsi l’importance du respect des formes procédurales en appel, tant pour l’appelant que pour l’intimé, chacun devant veiller à satisfaire aux obligations qui lui incombent sous peine de voir sa position compromise.