Cour d’appel de Angers, le 26 juin 2025, n°22/00629

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Par un arrêt rendu le 26 juin 2025, la Cour d’appel d’Angers, chambre sociale, confirme le jugement du 28 novembre 2022 du pôle social du tribunal judiciaire d’Angers. Le litige porte sur l’opposabilité à l’employeur de la prise en charge, au titre du tableau n° 57, d’une rupture de la coiffe des rotateurs. La question est celle de la preuve de l’exposition aux gestes pathogènes, en présence de questionnaires contradictoires et d’une instruction critiquée par l’employeur.

Les faits tiennent à la déclaration d’une pathologie de l’épaule, médicalement constatée, pour une salariée affectée à des postes en rotation sur ligne de conditionnement. Après instruction, l’organisme social prend en charge la maladie au titre des risques professionnels. La voie amiable échoue. Saisi, le premier juge déboute l’employeur de sa demande d’inopposabilité. L’appelant soutient que l’instruction serait lacunaire, que les questionnaires divergent, et qu’une enquête complémentaire s’imposait. L’organisme intimé sollicite la confirmation, rappelant l’insuffisance des indications patronales et la précision des éléments transmis par la salariée.

Le cadre légal est rappelé par la juridiction. Selon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, « est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ». Le tableau n° 57 vise, pour les ruptures de la coiffe, des « travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction » avec des seuils d’angle et de durée précis. La cour énonce encore que, « en cas de contestation par l’employeur de la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie, la charge de la preuve de la réunion des conditions […] pèse sur l’organisme social ». Elle juge, au vu des pièces, que « la caisse rapporte la preuve de l’exposition au risque » et confirme.

I. Les conditions de la présomption et l’allocation de la preuve

A. Le cadre normatif du tableau n° 57

La cour articule la présomption autour des critères cumulatifs du tableau n° 57, qui circonscrit strictement la nature des travaux générateurs. Elle rappelle la lettre du tableau, en citant les seuils d’abduction en durée journalière cumulée. Sont ainsi visés des travaux « avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé » ou « avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé ». La référence explicite à ces seuils montre l’exigence d’une démonstration factuelle quantifiée, cohérente avec une approche objectivée des risques biomécaniques de l’épaule.

L’arrêt ne bouleverse pas le régime probatoire, mais le précise à propos des contestations patronales. Il énonce que la charge de la preuve revient à l’organisme lorsqu’est débattue l’origine professionnelle, ce qui est conforme au système de présomption simple conditionnée par le tableau. La démonstration doit porter sur la réalité de l’exposition aux seuils, non sur une expertise abstraite. La solution s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle qui exige une concordance suffisante entre la description des tâches et les paramètres du tableau.

B. Les exigences probatoires en cas de contestation

La juridiction rappelle que la preuve s’administre par les éléments d’instruction disponibles, dont les questionnaires normalisés qui structurent l’analyse des postes. Elle souligne que l’employeur conserve une responsabilité d’information loyale et précise durant l’instruction. L’arrêt stigmatise, de manière mesurée, une coopération parcellaire. Il relève que le questionnaire patronal, rédigé hors trame, ne décrit pas les gestes, amplitudes et durées, pourtant centraux pour l’appréciation des seuils.

La motivation insiste sur la valeur prescriptive du formulaire type, destiné à corréler tâches et paramètres du tableau. La cour écarte l’argument d’une enquête complémentaire automatique lorsque l’employeur n’a pas documenté utilement les postes. Elle marque ainsi que la contestation ne déplace pas l’objet de la preuve mais commande son effectivité. La solution protège la finalité de la présomption en évitant qu’une stratégie de sous-description n’entrave la manifestation de la vérité.

II. L’appréciation des éléments d’exposition et la portée de la décision

A. La valeur probante des questionnaires et la cohérence des descriptions

La cour confronte deux corpus déclaratifs de qualité inégale. Le document patronal admet, pour un poste, que « les mouvements avec le bras décollé du corps d’au moins 60° peuvent être observés », tout en niant l’atteinte du seuil de 90°. Il demeure néanmoins silencieux sur les amplitudes et durées aux autres postes, pourtant réalisés en rotation horaire. À l’inverse, la salariée détaille les postes, cadences, hauteurs de préhension et durées d’abduction, en cohérence avec l’architecture du tableau.

Ce contraste est décisif. La cour relève qu’« autant dire, que l’employeur a donné un minimum d’information », et ajoute qu’un « manque de volonté clairement affiché ne peut justifier un quelconque manquement de la caisse ». Elle souligne enfin que « ce n’est pas avec les maigres indications concédées […] qu’il est possible d’affirmer qu’il y a une contradiction utile et pertinente » avec les précisions de la salariée. La hiérarchie probatoire se fonde sur la densité descriptive, non sur la simple qualité d’auteur du questionnaire.

B. La méthode d’instruction confirmée et ses effets pratiques

La décision valide une méthode pragmatique d’appréciation du risque, centrée sur la crédibilité interne et la granularité des déclarations. L’organisme n’est pas tenu de suppléer, par des investigations supplémentaires, une carence imputable au déclarant contestataire. La cour juge, de manière nette, qu’« au regard des éléments à sa disposition, la caisse rapporte la preuve de l’exposition au risque », ce qui suffit à emporter l’opposabilité de la prise en charge.

La portée de l’arrêt est double. D’un côté, il sécurise l’usage des questionnaires comme instruments probatoires, à condition qu’ils décrivent gestes, amplitudes et durées en référence aux seuils du tableau. De l’autre, il dissuade les contestations fondées sur des documents lacunaires, en refusant qu’une coopération minimale impose une enquête subsidiaire. La solution favorise l’efficacité de la prévention indemnitaires des atteintes de l’épaule, sans affaiblir l’exigence de preuve, qui demeure ancrée dans les paramètres techniques du tableau n° 57.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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