Cour d’appel de Angers, le 26 juin 2025, n°24/00268

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Par un arrêt du 26 juin 2025, la cour d’appel de [Localité 8] a confirmé le rejet d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable à la suite d’un accident de chantier. Un salarié intérimaire, mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, a été heurté au pied par une pelle à chenilles lors d’une manœuvre dans un espace restreint. L’accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, puis le pôle social du tribunal judiciaire de [Localité 17], par jugement du 27 mars 2024, a débouté la victime de la faute inexcusable et de ses demandes accessoires.

En appel, la victime soutenait que l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice n’avaient pas assuré sa sécurité, en particulier en laissant conduire l’engin par un salarié prétendument dépourvu du certificat requis. Les défenderesses invoquaient la formation et les autorisations de conduite, un corpus documentaire de prévention, et l’absence de manquement caractérisé. La question posée à la cour était de savoir si, au regard des exigences des articles L. 4121-1 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, une faute inexcusable pouvait être retenue. La cour répond négativement, après avoir rappelé que « Les mesures nécessaires à la prévention du danger doivent non seulement être mises en ‘uvre, mais aussi être efficaces » et qu’« Il est indifférent que la faute inexcusable […] ait été la cause déterminante de l’accident […], il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire ».

I. Les critères et la logique retenue par la cour

A. La faute inexcusable, son office probatoire et son contenu normatif

La cour réaffirme le standard prétorien, qu’elle articule autour de l’obligation de sécurité et de la conscience du danger. Elle énonce que « En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu […] d’une obligation de sécurité, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable […] lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger […] et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Elle rappelle que la preuve incombe à la victime, et que l’engagement de responsabilité est possible dès lors que la faute est une cause nécessaire du dommage. Le contrôle porte ainsi à la fois sur la réalité des risques connus ou prévisibles et sur la consistance, puis l’effectivité, des mesures de prévention mises en œuvre.

Dans ce cadre, la cour mobilise les textes pertinents du travail et de la sécurité sociale, et fixe l’exigence de résultat des mesures de prévention par la formule précitée sur l’efficacité. Elle cite encore, pour la finalité indemnitaire, que « Selon l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable […] la victime […] a droit à une indemnisation complémentaire », ce qui souligne l’importance du filtre probatoire initial. L’économie générale de la motivation opère donc une articulation classique entre obligation de sécurité, conscience du risque, efficacité des mesures et lien causal nécessaire.

B. L’application aux faits: formation, autorisations, prévention documentaire et circonstances de l’accident

La thèse fondée sur l’absence de certificat obligatoire de conduite d’engin est écartée par un rappel pédagogique. La cour retient que, s’agissant de la conduite des engins, « Selon l’INRS, “Le Caces n’est ni un diplôme, ni un titre de qualification professionnelle. […] Il n’est pas obligatoire, mais constitue un bon moyen pour l’employeur de se conformer aux obligations” ». Elle observe ensuite la production d’autorisations de conduite délivrées par l’employeur et de certificats de conduite pour plusieurs catégories d’engins, suffisamment précis et antérieurs aux faits.

La motivation insiste sur l’environnement de prévention du chantier, documents à l’appui. Sont versés un plan de prévention listant les risques de coactivité engins-piétons, un plan particulier de sécurité et de protection de la santé avec modes opératoires et mesures dédiées, ainsi qu’un document d’évaluation des risques. S’ajoute une évaluation de sensibilisation sécurité du salarié intérimaire, réussie à plus de 80 %. La cour en déduit, dans une formule décisive, qu’« Il n’existe donc aucun motif de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ou de l’entreprise utilisatrice ». La défaillance probatoire du demandeur et la consistance des mesures produites emportent la confirmation, la cour concluant que « Par conséquent, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions ».

II. La valeur et la portée de la solution

A. Une solution conforme aux textes, à la jurisprudence et à l’économie de la prévention

La décision s’inscrit dans un double alignement, normatif et jurisprudentiel. Elle replace la question des certificats dans son exacte portée: le certificat de type CACES n’est pas une condition légale de licéité, l’exigence pesant sur l’employeur étant la formation adéquate et l’autorisation de conduite adaptées aux équipements. La référence à l’efficacité des mesures, déjà consacrée, conforte le contrôle de concrétude, et non un formalisme abstrait. En retenant qu’« Les mesures nécessaires […] doivent […] être efficaces », la cour maintient le cap fixé par la jurisprudence sociale sur la qualité et la réalité de la prévention.

Le raisonnement ménage aussi l’articulation entre entreprise de travail temporaire et entreprise utilisatrice. La substitution de direction, visée par le code de la sécurité sociale, commande d’examiner les processus de prévention du site et les autorisations données par l’entreprise qui encadre matériellement l’activité. Ici, la cohérence des pièces produites par les deux entreprises, conjuguée à l’évaluation initiale du salarié, permet d’exclure toute conscience négligée d’un danger spécifique non maîtrisé. Le cadre probatoire s’en trouve clarifié et fidèle au droit positif.

B. Des enseignements pratiques pour les acteurs de chantier et le contentieux de l’intérim

L’arrêt offre une boussole opérationnelle aux entreprises et aux praticiens. Il souligne que l’allégation d’une carence de certificat ne suffit pas; il faut établir un défaut concret de formation, d’autorisation ou de maîtrise effective des risques pertinents. La constitution et la mise à jour d’un dossier de prévention documenté, incluant plans, évaluations et consignes opérationnelles, s’avèrent déterminantes. La traçabilité des autorisations de conduite et la preuve d’une formation ciblée demeurent centrales.

Pour les victimes, la charge de la preuve impose d’identifier des lacunes précises dans l’analyse des risques ou dans les mesures de séparation engins-piétons. La seule survenance de l’accident ne caractérise pas la faute inexcusable, même si la causalité nécessaire reste ouverte en présence d’un manquement établi. Pour les entreprises utilisatrices et de travail temporaire, la solution conforte une approche coordonnée de la prévention et une répartition claire des responsabilités en situation de substitution de direction. Elle laisse présager, dans des dossiers analogues, une rigueur probatoire accrue lorsque la coactivité et la circulation des engins sont encadrées par des dispositifs éprouvés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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