Cour d’appel de Angers, le 3 juillet 2025, n°22/00405

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Cour d’appel d’Angers, 3 juillet 2025. La formation sociale tranche un litige relatif au licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié VRP exclusif. Engagé au printemps 2019 pour prospecter deux départements, l’intéressé a été licencié à l’automne 2020 pour « déficit de persuasion » et faibles résultats. Il a contesté la cause réelle et sérieuse, invoquant l’absence d’objectifs fixés, la réorganisation de son secteur, l’intervention d’un autre commercial et les effets économiques de la crise sanitaire. Par jugement du 29 juin 2022, le conseil de prud’hommes d’Angers a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué 10 000 euros de dommages et intérêts. L’employeur a interjeté appel, sollicitant la validation du licenciement et l’infirmation des condamnations. Le salarié a demandé la confirmation sur le fond et des compléments indemnitaires. La question posée tenait à la suffisance d’éléments de résultats et de plaintes de clientèle, au regard des circonstances et des exigences probatoires attachées à l’insuffisance professionnelle. La cour confirme, retient l’absence de cause réelle et sérieuse, maintient l’indemnisation, rejette le préjudice moral et statue sur les dépens et frais irrépétibles.

I. Les exigences probatoires de l’insuffisance professionnelle

A. Le cadre normatif et l’office du juge

La cour rappelle avec netteté l’office du juge prud’homal. Elle cite que « Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge […] forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties […] et si un doute subsiste, il profite au salarié. » Cette règle de répartition de la charge et du risque de la preuve irrigue tout le contrôle du motif.

Elle précise ensuite le rôle assigné à l’écrit de rupture. « La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, comporte l’énoncé du ou des motifs […] Elle doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. » L’insuffisance professionnelle, enfin, reçoit sa qualification exacte. « L’ insuffisance professionnelle […] ne constitue pas une faute. Les faits doivent être imputables au salarié. » Ce triptyque commande des griefs objectivés, vérifiables et personnellement imputables.

B. Les éléments du dossier jugés insuffisants

L’employeur invoquait une baisse relative de chiffre d’affaires et quelques réclamations de clientèle. La cour examine d’abord les résultats. Elle relève l’absence d’objectifs contractuels, des écarts modestes avec des collègues, et surtout un contexte exceptionnel de confinement et de disparités sectorielles. Dans ces conditions, l’argument de performance ne permettait pas d’imputer de manière certaine une insuffisance au salarié.

Elle apprécie ensuite les témoignages produits. Les écrits de clients ne respectaient pas les exigences de forme, leur nombre demeurait réduit au regard du portefeuille, et aucune fiche de poste n’était versée. À défaut de griefs matériellement vérifiables et imputables, la cour confirme la décision. Elle énonce sobrement : « Le jugement sera de ce chef confirmé. » Sur la réparation, le quantum est maintenu, au regard de l’ancienneté, de la rémunération moyenne et des éléments de situation. La cour ajoute, enfin, que « Ajoutant à ce dernier, il sera mentionné que les intérêts moratoires courront à compter de la décision du conseil de prud’hommes. » L’indemnité principale est justifiée par la formule suivante : « Il apparaît donc justifié de lui accorder une indemnité de 10 000 euros. »

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Une solution conforme aux principes protecteurs du droit du travail

La motivation s’inscrit dans une jurisprudence constante sur l’exigence de preuves objectives et individualisées. La référence à la lettre de licenciement, qui « fixe les limites du litige », sécurise le périmètre des griefs contrôlés. Le rappel de l’article L. 1235-1 garantit que, face à des éléments ambivalents, « le doute […] profite au salarié », surtout lorsque des facteurs exogènes pèsent lourdement sur l’activité commerciale.

La mise au point sur la nature non fautive de l’insuffisance professionnelle évite toute confusion avec la faute grave, à propos de laquelle la cour rappelle distinctement que « lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. » Ici, l’employeur demeurait tenu d’établir des insuffisances concrètes, répétées et personnellement imputables, ce que le dossier ne démontrait pas.

B. Enseignements pratiques pour la preuve et la gestion des performances

La décision trace une ligne claire pour les licenciements fondés sur les résultats. Des comparaisons statistiques isolées, sans objectifs préalables, sans fiche de poste et sans neutralisation des aléas sectoriels, ne suffisent pas. Les témoignages de clientèle doivent respecter les formes légales et être suffisamment nombreux et circonstanciés pour emporter la conviction. À défaut, la critique se heurte au principe de vérifiabilité des griefs.

Elle souligne aussi la nécessité d’anticiper. La fixation d’objectifs réalistes, la traçabilité des accompagnements, et l’objectivation des écarts avec des collègues placés dans des conditions comparables deviennent centrales. En période de crise ou de réorganisation, la prise en compte des facteurs externes s’impose pour éviter une imputation discutable. La solution confirme enfin une pratique mesurée en matière d’indemnisation, assortie d’intérêts à compter du jugement prud’homal, et le rejet des demandes non étayées de préjudice moral. L’ensemble constitue un rappel utile des standards probatoires applicables aux VRP et, plus largement, aux fonctions commerciales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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