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L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Angers le 9 septembre 2025 illustre le régime procédural du désistement d’appel dans le contexte particulier d’une procédure collective. Une société avait interjeté appel d’une ordonnance de référé commercial. Au cours de l’instance d’appel, cette société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Le liquidateur, intervenant volontairement à la procédure, a notifié le désistement d’instance et d’action de la société débitrice.
Les faits de l’espèce sont d’une grande simplicité. Une société commerciale avait formé appel le 7 février 2024 à l’encontre d’une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce d’Angers le 9 janvier 2024. L’intimée, une société de financement, avait constitué avocat le 15 février 2024. Par jugement du 2 juillet 2024, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société appelante.
La procédure s’est poursuivie devant la Cour d’appel d’Angers. Par conclusions du 25 mars 2025, la société appelante et le liquidateur judiciaire, intervenant volontaire, ont sollicité que la cour constate le désistement d’instance et d’action. Ils demandaient également que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens. L’intimée n’a pas conclu en réponse à ces écritures.
La question de droit soumise à la cour portait sur les conditions de validité du désistement d’appel et sur ses conséquences, notamment quant à la répartition des dépens dans le cadre d’une procédure collective.
La Cour d’appel d’Angers a constaté le désistement d’appel et d’action, prononcé l’extinction de l’instance et son dessaisissement. Elle a condamné la société appelante aux dépens d’appel, recouvrables comme frais privilégiés de procédure collective, rejetant ainsi la demande de partage des frais.
Cette décision mérite attention en ce qu’elle rappelle le caractère unilatéral du désistement d’appel non assorti de réserves (I), tout en appliquant avec rigueur les conséquences légales de ce désistement en matière de dépens (II).
I. Le caractère unilatéral du désistement d’appel sans réserve
La cour fait application des dispositions de l’article 401 du code de procédure civile qui gouvernent le désistement d’appel (A), en tirant les conséquences procédurales qui s’imposent (B).
A. L’application de l’article 401 du code de procédure civile
La cour rappelle le principe selon lequel « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ». Cette disposition consacre le caractère unilatéral du désistement d’appel lorsque certaines conditions sont réunies.
En l’espèce, la cour constate que la société « s’est désistée, sans réserve, de son appel et de son action ». Cette précision revêt une importance déterminante. Le désistement sans réserve exclut toute possibilité pour le désistant de revenir sur sa décision ou de la conditionner à un quelconque accord de l’adversaire.
La cour relève également que « l’intimée n’a pas conclu ». Cette circonstance emporte deux conséquences. L’intimée n’avait formé ni appel incident ni demande incidente, conditions qui auraient exigé son acceptation du désistement. Son silence procédural rendait donc superflu tout consentement de sa part.
La cour en déduit logiquement que « le désistement est donc parfait ». Cette qualification juridique signifie que le désistement produit immédiatement ses effets, sans qu’aucune formalité supplémentaire ne soit nécessaire. Le caractère parfait du désistement résulte de la conjonction de deux éléments : l’absence de réserves et l’absence d’appel ou de demande incidente de l’intimée.
B. Les effets procéduraux du désistement parfait
La cour tire les conséquences du caractère parfait du désistement en constatant qu’il « entraîne l’extinction de l’instance et de l’action, ainsi que le dessaisissement de la cour ». Ces trois effets distincts méritent d’être analysés séparément.
L’extinction de l’instance met fin au lien juridique d’instance qui unissait les parties devant la juridiction d’appel. Cette extinction opère rétroactivement, comme si l’appel n’avait jamais été formé. L’ordonnance de première instance acquiert ainsi force de chose jugée, sous réserve des voies de recours extraordinaires.
L’extinction de l’action présente des conséquences plus radicales. La société appelante perd définitivement le droit d’agir sur le fondement des mêmes faits et des mêmes moyens. Cette renonciation à l’action interdit toute nouvelle saisine de la juridiction sur le même objet.
Le dessaisissement de la cour constitue la traduction procédurale de ces extinctions. La juridiction perd son pouvoir juridictionnel sur l’affaire. Elle ne peut plus statuer sur le fond du litige ni rendre de décision qui trancherait la contestation.
Cette décision rappelle opportunément que le désistement d’appel produit des effets immédiats et irréversibles. L’intervention du liquidateur judiciaire n’a pas modifié ce régime. Le dessaisissement de la cour s’impose dès lors que les conditions légales du désistement parfait sont réunies.
II. Les conséquences financières du désistement en procédure collective
La cour statue sur la charge des dépens en application de l’article 399 du code de procédure civile (A), tout en adaptant ces règles aux spécificités de la procédure collective (B).
A. L’application de l’article 399 du code de procédure civile
La cour vise expressément l’article 399 du code de procédure civile, rendu applicable en appel par l’article 405 du même code. Ce texte dispose que « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». Cette règle constitue la contrepartie naturelle du droit de se désister.
La cour rejette implicitement la demande de la société appelante tendant à ce que « chacune des parties conserve à sa charge ses frais irrépétibles et ses dépens engagés ». Cette demande constituait une tentative de déroger conventionnellement à la règle légale. Son rejet s’explique par l’absence d’accord de l’intimée sur ce point.
La cour condamne donc « la SAS […] aux dépens d’appel ». Cette solution s’inscrit dans la logique du désistement. Celui qui renonce à son recours doit en supporter les conséquences financières. L’appelant qui se désiste reconnaît implicitement le mal-fondé de son appel ou son impossibilité de le soutenir.
La cour ajoute que « l’appelante qui se désiste de son appel conservera la charge de ses frais irrépétibles ». Cette précision vise les honoraires d’avocat et autres frais non compris dans les dépens. Le désistant ne saurait obtenir le remboursement de frais exposés pour une procédure qu’il a lui-même initiée puis abandonnée.
B. L’adaptation au contexte de la procédure collective
La cour prend en compte la situation particulière de la société appelante, placée en liquidation judiciaire. Elle précise que les dépens d’appel seront « recouvrés en tant que frais privilégiés de procédure collective ». Cette qualification emporte des conséquences importantes sur le rang de paiement de cette créance.
Les frais privilégiés de procédure collective bénéficient d’un régime de faveur dans l’ordre des paiements. L’article L. 641-13 du code de commerce prévoit que certaines créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture sont payées à leur échéance. Les dépens exposés pour une instance poursuivie après l’ouverture de la liquidation judiciaire entrent dans cette catégorie.
L’intervention volontaire du liquidateur judiciaire à l’instance d’appel a permis cette qualification. Le liquidateur, en reprenant l’instance au nom de la société en liquidation, a rendu régulière la poursuite de la procédure. Les dépens qui en résultent constituent donc des frais de justice au sens de la procédure collective.
Cette solution protège les droits de l’intimée créancière des dépens. Elle ne sera pas contrainte de produire sa créance au passif de la liquidation et d’attendre une hypothétique répartition. Le recouvrement privilégié lui offre une perspective de paiement plus favorable, quoique dépendante des actifs réalisés.
La cour fait ainsi une application classique des règles du désistement, tout en les articulant avec les exigences du droit des entreprises en difficulté. Cette articulation témoigne de la nécessité pour le juge d’adapter les règles procédurales de droit commun aux situations particulières que présente l’état de cessation des paiements du plaideur.