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Cour d’appel de Bastia, 10 septembre 2025 (n° RG 24/051), confirme en appel un jugement du tribunal judiciaire d’Ajaccio du 11 décembre 2023 (n° 22/461). La défunte, décédée en 2019, avait trois enfants prédécédés; une petite‑fille et un petit‑fils revendiquent des droits concurrents dans des successions imbriquées. La testatrice avait institué le petit‑fils légataire universel par testament authentique de 2009 et avait souscrit une assurance‑vie dont il était bénéficiaire. Saisie en 2022, la juridiction de première instance a rejeté la nullité du testament, le recel successoral, ainsi que la réintégration ou requalification des primes d’assurance‑vie. En appel, l’appelante reprend ces demandes, sollicite des dommages‑intérêts, tandis que l’intimé conclut au débouté et requiert une indemnité au titre de l’article 700. La cour devait trancher si un legs universel peut caractériser une cause illicite d’exhérédation, si un recel était établi et si les primes étaient manifestement exagérées. Elle confirme l’ensemble, retenant notamment: « Dès lors, la cour retient que le recel successoral n’est pas démontré ». L’arrêt invite d’abord à éclairer la portée du legs universel au regard de la réserve, puis à apprécier l’exigence probatoire du recel et le traitement de l’assurance‑vie.
I. L’absence de cause illicite du legs universel au regard de la réserve
A. Le rappel du cadre légal et prétorien
La cour affirme avec netteté le rôle du mécanisme de réduction, qui neutralise toute atteinte à la réserve héréditaire sans entraîner l’anéantissement du testament. Elle énonce: « Il en découle qu’un legs universel, bien que donnant vocation au tout, ne permet pas d’exhéréder un héritier réservataire, dont la réserve héréditaire est préservée dans l’éventualité où une disposition testamentaire, notamment, viendrait diminuer cette réserve garantie par la loi ». En se fondant sur les articles 1003, 1009 et 926 du code civil, la juridiction replace la libéralité dans son économie: la liberté de tester s’exerce dans la limite de la quotité disponible, la réserve étant refaite par la réduction si nécessaire. La cour souligne encore que « Cette volonté de gratifier l’intimé n’est pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes m’urs et n’est pas non plus illicite, relevant du pouvoir discrétionnaire du testateur que lui confère la loi ». Ainsi, le grief tiré de l’exhérédation est méthodiquement déplacé vers le terrain exact, celui des mécanismes correcteurs, non celui de la cause illicite.
B. Application aux faits: l’exhérédation alléguée écartée
L’argumentation d’appel se concentrait sur une prétendue volonté d’écarter un héritier réservataire, loupe mise sur l’intention d’ignorer son existence. La cour constate l’absence de contestation sur la capacité et sur les vices du consentement, et réaffirme la règle de fond: le legs universel ne peut, par lui‑même, priver un réservataire de sa part. La voie utile réside dans la réduction des libéralités excessives, non dans une nullité pour cause illicite. En conséquence, l’acte de 2009 est validé, car conforme au pouvoir de disposer de la quotité disponible. La cour en déduit logiquement que « Le jugement sera donc confirmé sur ce point ». Cette clarification préalable structure l’équilibre du litige et renvoie les autres griefs à leurs exigences probatoires propres.
II. Rigueur probatoire du recel et contrôle des libéralités par assurance‑vie
A. Recel successoral: définition, preuve et appréciation concrète
Définissant la figure, la cour rappelle: « Le recel successoral s’entend du détournement par un héritier, au détriment des autres cohéritiers, de certains effets de la succession, meubles ou immeubles, ayant pour but de rompre l’égalité du partage, quel que soient les moyens employés pour y parvenir. Il suppose la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse de l’héritier receleur ». L’exigence porte donc à la fois sur un comportement matériel perturbant l’égalité et sur l’élément intentionnel, que la dissimulation d’un cohéritier peut caractériser, au besoin par l’usage sciemment inexact d’actes de notoriété. Or, la cour constate l’ambivalence des attestations produites, le caractère émotionnel de certaines déclarations et l’absence de précision suffisante quant à la connaissance au moment du décès. Elle relève aussi la restitution immédiate du solde de succession et l’absence d’obstacle à la rectification des actes de notoriété. Au terme de cette appréciation souveraine des preuves, la solution s’impose: « Dès lors, la cour retient que le recel successoral n’est pas démontré et confirme la décision du premier juge de ce chef ». La décision illustre une ligne constante: la charge de la preuve pèse sur l’alléguant et la seule suspicion familiale, même corroborée par des attestations générales, ne supplée jamais la démonstration de la mauvaise foi.
B. Assurance‑vie: critères de disproportion et rejet de la donation indirecte
S’agissant des primes, la cour se réfère au contrôle de proportionnalité attaché à l’article L. 132‑13 du code des assurances. Elle précise que « Une jurisprudence constante retient principalement comme critères, pour évaluer ce caractère excessif, l’importance du montant des primes versées au regard de la situation financière du souscripteur, au moment du versement et l’utilité de ces primes au vu de la situation personnelle du souscripteur ». L’espèce révèle un versement significatif, consécutif à une vente immobilière, opéré à un âge avancé, avec des retraits importants sur plusieurs années. L’élément utile ici tient à l’usage de l’assurance‑vie comme support d’épargne à rendement supérieur, la cour notant expressément: « Cette épargne présentait donc pour la défunte une utilité certaine ». Faute d’éléments complets sur l’historique des primes, et au regard d’un patrimoine suffisant pour couvrir les besoins, la disproportion manifeste n’est pas établie. La requalification en donation indirecte suppose un dépouillement irrévocable, révélateur d’une intention libérale distincte; l’espèce, marquée par des retraits répétés et éloignés de la date du décès, ne la révèle pas. La conclusion s’ensuit naturellement: « Dès lors, sa demande subsidiaire sera également rejetée et le jugement confirmé sur ce point ». La demande indemnitaire se heurte enfin à l’absence de faute; la cour relève que « l’appelante succombant en toutes ses prétentions, elle ne démontre aucune faute de l’intimé de nature à lui avoir causé un quelconque préjudice ». L’économie générale de l’arrêt se referme par la confirmation du jugement et l’allocation de frais au titre de l’article 700, conformément à l’issue du litige.