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Par un arrêt du 15 juillet 2025, la cour d’appel de Besançon s’est prononcée sur la régularité d’un licenciement pour faute grave et sur les garanties procédurales dont bénéficie le salarié dans le cadre disciplinaire.
Un salarié engagé le 1er juin 2020 en qualité d’accompagnateur socio-professionnel avait fait l’objet d’un avertissement le 21 juin 2021 pour non-respect d’une procédure administrative relative aux périodes de mise en situation professionnelle. Le 3 janvier 2022, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement. Le 6 janvier 2022, le syndicat CGT a informé l’employeur de la candidature du salarié aux élections du comité social et économique. Le 17 janvier 2022, le salarié a été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant d’avoir réitéré les manquements procéduraux en décembre 2021.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier pour contester son licenciement et obtenir l’annulation de l’avertissement. Par jugement du 31 janvier 2024, les premiers juges ont requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, sans se prononcer sur la validité de l’avertissement. L’employeur a interjeté appel pour obtenir la reconnaissance de la faute grave, tandis que le salarié a formé appel incident pour faire annuler l’avertissement et voir déclarer son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel de Besançon devait déterminer si l’avertissement devait être annulé pour non-respect des garanties procédurales prévues au règlement intérieur, et si les faits reprochés au salarié constituaient une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.
La cour annule l’avertissement du 21 juin 2021, infirme le jugement en ce qu’il a retenu une cause réelle et sérieuse et déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle condamne l’employeur à verser au salarié la somme de 3 900 euros à titre de dommages et intérêts.
I. Le respect des garanties procédurales disciplinaires, condition de validité de la sanction
L’arrêt consacre une analyse rigoureuse des garanties de procédure prévues par le règlement intérieur (A), dont la méconnaissance entraîne l’annulation de plein droit de la sanction prononcée (B).
A. L’exigence d’un entretien préalable pour les sanctions à incidence différée
Le règlement intérieur de l’association prévoyait qu’« à l’exception du blâme, toute sanction susceptible d’avoir une incidence immédiate ou différée sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié » devait être précédée d’une convocation à un entretien préalable, au cours duquel le salarié pouvait se faire assister. Cette disposition instituait une garantie procédurale allant au-delà des exigences légales minimales.
La cour relève que l’article 4.2.3 du règlement intérieur disposait expressément que « l’avertissement sera susceptible de constituer ultérieurement une circonstance aggravante justifiant une sanction plus lourde ». L’employeur avait d’ailleurs invoqué cet avertissement dans la lettre de licenciement pour caractériser la faute grave. La cour en déduit que l’avertissement, bien que formellement la sanction disciplinaire la plus légère après le blâme, présentait en l’espèce une incidence différée sur la présence du salarié dans l’entreprise.
Cette analyse témoigne d’une lecture finaliste du règlement intérieur. La cour ne s’arrête pas à la qualification formelle de la sanction mais examine ses effets potentiels au regard des stipulations du règlement. Cette approche est conforme au principe selon lequel le règlement intérieur, acte unilatéral de l’employeur, s’impose à ce dernier dans toutes ses dispositions favorables au salarié.
B. La nullité comme sanction de la violation des droits de la défense
L’employeur s’était abstenu de convoquer le salarié à un entretien préalable avant de lui notifier l’avertissement. La cour juge que « ce faisant, l’employeur a privé le salarié des droits de sa défense et a ainsi violé les garanties de fond que lui assurait le règlement intérieur, entraînant de plein droit la nullité de la sanction ».
La cour vise expressément l’arrêt de la chambre sociale du 8 septembre 2021 (n° 19-15.039), qui avait posé le principe selon lequel la méconnaissance par l’employeur des garanties de fond prévues par le règlement intérieur en matière disciplinaire entraîne la nullité de la sanction. Cette solution se distingue de l’irrégularité de forme, qui n’ouvre droit qu’à des dommages et intérêts. La qualification de garantie de fond, et non de simple formalité procédurale, confère au droit d’être entendu avant toute sanction à incidence différée une protection renforcée.
Cette nullité emporte une conséquence directe sur l’appréciation du licenciement ultérieur. L’employeur ne pouvait plus invoquer l’avertissement comme circonstance aggravante pour qualifier la faute grave, puisque cette sanction était réputée n’avoir jamais existé.
II. La requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Après avoir écarté les moyens de nullité du licenciement tirés du statut de salarié protégé et de la discrimination syndicale (A), la cour procède à une requalification des faits qui exclut la faute grave et retient l’absence de cause réelle et sérieuse (B).
A. Le rejet des moyens de nullité tirés du statut protecteur et de la discrimination
Le salarié soutenait que son licenciement était nul en raison de sa candidature aux élections du comité social et économique. La cour rappelle que la protection des candidats aux élections professionnelles suppose que l’employeur ait eu connaissance de la candidature ou de son imminence avant l’envoi de la convocation à l’entretien préalable, conformément à l’article L. 2411-7 du code du travail et à une jurisprudence constante (Cass. soc., 4 mars 1998, n° 95-42.040 ; Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 04-47.426).
En l’espèce, la convocation à l’entretien préalable avait été remise à la Poste le 5 janvier 2022, tandis que la notification de candidature par le syndicat était datée du 6 janvier 2022. Le salarié ne rapportait pas la preuve que l’employeur avait eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant l’engagement de la procédure. La cour écarte également le moyen tiré de la discrimination syndicale, faute pour le salarié de présenter des éléments laissant présumer que le licenciement était lié à ses activités syndicales.
Cette analyse chronologique rigoureuse préserve l’équilibre entre la protection des représentants du personnel et la liberté de l’employeur de sanctionner les manquements professionnels antérieurs à toute candidature connue.
B. La qualification de négligence exclusive de la faute grave
La cour examine ensuite la réalité et le sérieux de la faute reprochée. Elle constate que le salarié ne conteste pas la matérialité des faits, à savoir l’établissement tardif des documents nécessaires aux périodes de mise en situation professionnelle. Elle écarte l’argument selon lequel ces tâches ne relevaient pas de ses fonctions, la fiche de poste prévoyant expressément qu’il devait « instruire les démarches administratives liées à la formation et aux stages en entreprise ».
La cour retient néanmoins que « les faits reprochés par l’employeur en décembre 2021, quand bien même ils auraient été réitérés et n’auraient pas été modifiés malgré un rappel des procédures applicables en septembre 2021, constituent des négligences et erreurs lesquelles ne pouvaient conduire à la procédure disciplinaire menée ». Elle vise l’arrêt de la chambre sociale du 25 janvier 2006 (n° 04-40.310), qui avait jugé que de simples négligences professionnelles ne peuvent caractériser une faute disciplinaire.
Cette qualification emporte deux conséquences. La faute grave est exclue, puisqu’elle suppose une violation des obligations contractuelles « d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ». Mais au-delà, la cour juge que ces négligences ne constituaient pas même une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’employeur aurait dû recourir à d’autres mesures que la rupture du contrat pour remédier aux dysfonctionnements constatés.
La portée de cet arrêt réside dans l’articulation qu’il opère entre procédure disciplinaire et qualification des faits. En annulant l’avertissement pour vice de procédure, la cour prive l’employeur de l’argument de la réitération qui fondait la gravité de la faute. En qualifiant les faits de simples négligences, elle refuse de reconnaître au licenciement une cause réelle et sérieuse. Cette double censure illustre l’exigence de rigueur qui s’impose à l’employeur tant dans le respect des formes que dans l’appréciation de la proportionnalité des sanctions.