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Par un arrêt de la Cour d’appel de Besançon du 2 septembre 2025 (chambre sociale), statuant sur renvoi après cassation de la Cour de cassation, chambre sociale, 8 février 2023, la juridiction a requalifié une relation de travail nouée depuis 1987, sans écrit, en contrat à durée indéterminée à temps complet. Elle a, dans le même temps, refusé de faire produire à la prise d’acte de 2012 les effets d’un licenciement nul ou injustifié, et retenu la qualification de démission.
La salariée avait été recrutée comme musicienne d’orchestre, sans contrat écrit, et avait exercé des mandats représentatifs. La collectivité a décidé en 2009 le transfert de l’activité orchestrale vers une association, entraînant des mises à disposition temporaires puis leur cessation. L’employeur a proposé un reclassement hors métier, refusé par l’intéressée, laquelle a pris acte de la rupture en 2012 en invoquant l’absence d’activité et une baisse de rémunération.
Le conseil de prud’hommes de Dijon a débouté l’ensemble des demandes en 2014. La Cour d’appel de Dijon a confirmé en 2021. La Cour de cassation a censuré en 2023, au visa de l’exigence d’écrit pour les contrats à durée déterminée, et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Besançon. Devant la juridiction de renvoi, la salariée sollicitait la requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein, des rappels salariaux, la nullité ou l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture, divers dommages-intérêts, ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé et réparation d’une perte de droits à la retraite.
La question posée tenait d’abord à la portée des présomptions attachées à l’absence d’écrit, quant à la durée du contrat et quant à la durée du travail, puis aux conséquences de ces requalifications sur les rappels de salaire et sur les effets de la prise d’acte. La cour répond en ces termes, d’une part, que « il est présumé que les parties sont liées par un contrat à durée indéterminée, sans que l’employeur ne puisse s’opposer à cette présomption irréfragable », et, d’autre part, que « la relation de travail est dès lors présumé à temps plein, du fait de l’absence d’écrit ». Elle ajoute, à propos de la rupture, que « la prise d’acte ne saurait produire les effets d’un licenciement nul » et qu’« elle doit par voie de conséquence produire les effets d’une démission ». Il convient d’examiner le sens de la décision, puis d’en apprécier la valeur et la portée.
I. Requalification en CDI à temps complet et charge probatoire
A. L’irréfragabilité du CDI en l’absence d’écrit et l’inefficacité de l’usage allégué
La cour de renvoi fait sienne la lecture stricte de l’exigence d’écrit, jointe à la sanction de requalification. Elle rappelle le principe, d’abord affirmé par la cassation de 2023, selon lequel « il est présumé que les parties sont liées par un contrat à durée indéterminée, sans que l’employeur ne puisse s’opposer à cette présomption irréfragable ». L’argument d’un secteur autorisant les contrats d’usage est déclaré inopérant, la cour relevtant que l’usage invoqué suppose lui aussi un écrit, à peine de requalification.
L’employeur se prévalait d’un refus de signer, en 2002, une « lettre d’engagement » censée préparer un futur contrat. La cour écarte la mauvaise foi prétendue en relevant une clause de « minimum d’activité » objectivement défavorable au regard des services antérieurs. Elle tranche nettement, citant que « il s’ensuit que le refus de signer ce contrat à durée déterminée ne reflète ni la mauvaise foi ni l’intention frauduleuse ». L’analyse, fondée sur l’économie des échanges de 2002 et sur les risques de réduction d’activité, confirme l’absence d’abus dans le refus et consolide la requalification.
B. La présomption simple de temps complet et l’insuffisance des éléments contraires
Sur le temps de travail, la cour rappelle la présomption simple de temps plein en cas d’absence d’écrit à temps partiel. Elle énonce utilement que « l’absence d’écrit n’entraîne pas la requalification de plein droit […] mais pose une présomption simple d’horaire à temps complet », charge ensuite à l’employeur d’en rapporter la preuve contraire. Elle vérifie alors l’information préalable, stable et suffisamment précise sur les périodes et horaires.
Les éléments produits, constitués de plannings saisonniers lacunaires et de relevés ex post, sont jugés impropres à établir une durée convenue et prévisible. La cour souligne que « il en résulte que l’employeur échoue à démontrer » la transmission en temps utile des périodes exactes de travail, ainsi que la possibilité pour la salariée d’organiser son activité personnelle. La requalification à temps complet, prononcée à compter de l’embauche, emporte la mécanique des rappels.
Le raisonnement, articulé et probatoire, conduit logiquement à requalifier la relation en CDI à temps complet. Il ouvre la voie aux conséquences indemnitaires, qu’il faut apprécier avec mesure.
II. Conséquences indemnitaires et limites de la sanction en cas de transfert d’activité
A. Rappels salariaux, neutralité des allocations et réparation de la résistance fautive
La cour liquide les rappels de salaire sur cinq ans, selon l’article applicable, en intégrant l’ancienneté conventionnelle et les primes de fin d’année. Elle exclut toute imputation d’allocations de chômage, rappelant que la requalification « n’est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l’organisme compétent au titre de l’assurance chômage ». Le principe consacre l’autonomie de l’obligation salariale reconstituée, sans compensation par des prestations sociales.
Au titre de l’exécution antérieure, la cour constate une « résistance fautive » en 2002, liée à un blocage de salaire et à une entrave d’accès au poste, ayant exigé des référés. Elle répare ce poste par une somme ciblée et mesurée, en ces termes: « il sera alloué à la salariée la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts […] du fait de la résistance fautive de l’employeur ». La réponse indemnitaire reste proportionnée, tout en rappelant l’exigence d’exécution loyale, même en phase de régularisation contractuelle.
Cette première série d’effets utilement circonscrits appelle, cependant, un contrôle des limites, notamment dans le contexte d’un transfert d’activité imposé et d’un statut représentatif.
B. Effets de la prise d’acte, statut protecteur, travail dissimulé et demandes retraite
La prise d’acte ne produit pas les effets d’un licenciement. La cour motive d’abord par l’exogénéité de la suppression d’activité orchestrale, imputable à une décision publique de transfert, puis par l’attente nécessaire de l’autorisation administrative. Elle juge ainsi, sans ambiguïté, que « la prise d’acte ne saurait produire les effets d’un licenciement nul ». Faute de manquements suffisamment graves imputables, la qualification retenue est confirmée: « la prise d’acte doit par voie de conséquence produire les effets d’une démission ».
Le grief de harcèlement moral est écarté dans une application rigoureuse du régime probatoire. La cour constate que les éléments avancés, pris ensemble, « apparaissent insuffisants pour laisser présumer l’existence d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral ». Le faisceau s’avère trop faible, au regard des diligences de l’employeur pour maintenir une activité par mise à disposition et proposer un reclassement conforme aux textes protecteurs.
L’allégation de travail dissimulé, centrée sur un « travail préparatoire » artistique, est rejetée au regard de la définition du travail effectif. L’intéressée « devra être déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre », faute d’imposition d’un temps de préparation placé sous la subordination et la direction de l’employeur.
Les demandes liées à la retraite connaissent enfin un double sort. Les prétentions relatives à des périodes non cotisées et au rachat de trimestres sont déclarées irrecevables, la cour relevant qu’elles « est prescrite et la salariée sera donc déclarée irrecevable à ces deux titres ». La demande fondée sur une perte de chance consécutive à la rupture est logiquement rejetée, la prise d’acte n’étant pas imputable à une faute grave de l’employeur dans le contexte retenu.
L’arrêt de renvoi livre une solution équilibrée. Il sécurise la qualification et le quantum des rappels, tout en refusant d’assimiler un transfert exogène, administrativement encadré, à un manquement grave empêchant la poursuite du contrat.