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L’arrêt rendu le 1er juillet 2025 par la chambre sociale de la Cour d’appel de Bordeaux illustre les rigueurs du régime de la prescription en matière de contestation de licenciement économique. Un salarié, directeur d’agence licencié dans le cadre de la liquidation judiciaire de son employeur, contestait son licenciement et invoquait une situation de co-emploi avec la société mère. La requête initiale avait été déclarée caduque pour défaut de comparution du demandeur à l’audience du bureau de conciliation. Le salarié soutenait que cette décision de caducité ne lui avait jamais été régulièrement notifiée, de sorte que le délai pour solliciter le relevé de caducité n’avait pu courir. La cour devait déterminer si la saisine ultérieure du conseil de prud’hommes, intervenue plus d’un an après la rupture du contrat de travail, était recevable ou si l’action était prescrite. Elle confirme le jugement entrepris en retenant que la décision de caducité avait été régulièrement notifiée et que la seconde saisine était intervenue après l’expiration des délais de prescription. L’examen de cette décision conduit à analyser les conditions de la notification de la caducité et ses effets sur l’interruption de la prescription (I), puis les conséquences de l’expiration du délai sur la recevabilité de l’action du salarié (II).
I. La régularité de la notification de la caducité, condition de l’écoulement du délai de relevé
A. Les exigences probatoires relatives à la notification de la décision de caducité
Le demandeur contestait avoir reçu notification de la décision de caducité prononcée le 15 mars 2015. Il soutenait qu’« aucune date certaine de notification de la décision de caducité » n’était rapportée et que la copie d’écran transmise par le greffe « ne mentionne pas la décision de caducité et ne démontre pas qu’il s’agit d’un document relatif à la notification d’une décision ». L’argumentation reposait sur le principe selon lequel la charge de la preuve de la prescription incombe à celui qui l’invoque.
La cour écarte ces moyens en relevant que « le greffe du conseil de prud’hommes de Périgueux a transmis à la cour à la fois une copie d’écran démontrant que la décision de caducité a été notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 16 mars 2015, dont M. [M] a accusé réception le 19 mars 2015 ». Elle ajoute que « cette copie d’écran est corroborée par la mention apposée par le greffe sur la décision de caducité indiquant que la décision a été notifiée le 16 mars 2015 ». La cour procède ainsi à un contrôle de la régularité formelle de la notification en s’appuyant sur les éléments versés aux débats.
B. L’imputation au demandeur de l’absence de demande de relevé de caducité
La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe, dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile. Le salarié avait été informé de cette possibilité mais n’en avait pas usé dans le délai prescrit.
La cour constate que le demandeur « disposait donc d’un délai expirant le 3 avril 2015 pour solliciter de la juridiction qu’elle rapporte la décision de caducité ». Faute pour celui-ci « de justifier d’avoir saisi le conseil d’une telle demande dans le délai prescrit, sa première requête, déclarée caduque, n’a pas pu interrompre le délai de prescription ». Cette solution s’inscrit dans la logique selon laquelle la caducité constitue une sanction faisant disparaître rétroactivement l’acte initial.
II. L’acquisition de la prescription et l’irrecevabilité de la demande réintroduite
A. L’articulation des délais de prescription applicables au licenciement économique
L’article L. 1233-67 du code du travail prévoit que l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail et que « toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de cette adhésion ». L’article L. 1235-7 du même code énonce que « toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois » à compter de la notification de celui-ci.
La cour rappelle que « ce délai n’est opposable au salarié que s’il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle ». En l’espèce, cette mention figurait dans la lettre de licenciement. Le salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 13 mars 2014, « il disposait donc pour cette première demande d’un délai pour agir expirant le 13 mars 2015 ». Pour la contestation de la cause réelle et sérieuse, le délai de deux ans alors applicable expirait le 13 mars 2016.
B. L’irrecevabilité de l’action réintroduite après expiration des délais
La seconde saisine du conseil de prud’hommes est intervenue le 5 octobre 2016. La cour constate qu’« à cette date, tant le délai d’un an que le délai de 2 ans dans lesquels le salarié devait agir étaient expirés ». Elle en déduit que « c’est donc à juste titre que le jugement déféré a retenu la prescription de l’action du salarié ainsi que l’irrecevabilité de ses demandes ».
Cette décision rappelle l’effet non interruptif d’une demande en justice frappée de caducité. La Cour de cassation juge de manière constante que la caducité anéantit rétroactivement les effets de la demande initiale, y compris l’interruption de la prescription qu’elle avait pu produire. Le salarié, en ne comparaissant pas à l’audience du bureau de conciliation et en ne sollicitant pas le relevé de caducité dans les formes et délais requis, a laissé s’écouler le temps qui lui était imparti pour agir. La sévérité de cette solution se justifie par l’impératif de sécurité juridique qui commande que les actions contentieuses soient exercées dans des délais raisonnables, spécialement en matière de licenciement économique où la stabilité des situations doit être rapidement acquise.