Cour d’appel de Bordeaux, le 10 juillet 2025, n°24/01382

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Rendue par la Cour d’appel de Bordeaux le 10 juillet 2025, sur renvoi après cassation partielle du 24 janvier 2024, la décision tranche un contentieux né d’un contrat de partenariat de 2012. Une gérante, agissant par l’intermédiaire d’une société unipersonnelle, revendiquait le statut de gérant de succursale, puis a pris acte de la rupture en 2015 pour non‑paiement de salaires. Le conseil de prud’hommes, le 23 novembre 2018, avait requalifié la relation et accordé diverses sommes, solution ensuite infirmée avant cassation et renvoi.

La procédure de renvoi a rouvert l’entier débat sur la qualification et ses effets. L’entreprise soutenait l’existence d’un partenariat commercial, sans statut de gérance ni salaire, et sollicitait à titre subsidiaire une qualification d’agent de maîtrise. La gérante invoquait l’article L.7321‑2 du code du travail, l’agrément du local, l’exclusivité des produits et l’imposition des prix, ainsi que les conséquences salariales et indemnitaires d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La question de droit portait sur l’applicabilité du statut de gérant de succursale à une relation structurée en commission, exercée par une personne physique derrière une personne morale, et sur les effets de la prise d’acte fondée sur l’absence de rémunération salariée. La cour admet l’appel incident, reconnaît le statut de gérant de succursale, refuse la qualification de cadre faute de subordination, fixe un rappel de salaires, requalifie la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejette les heures supplémentaires, et écarte la compensation invoquée par l’entreprise.

I. La reconnaissance du statut de gérant de succursale

A. Les critères cumulatifs et la dépendance économique

La cour rappelle avec netteté le cadre légal, en soulignant que « Selon les dispositions de l’article L.7321-2 du code du travail, est gérant de succursale toutes personnes dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises (…) aux conditions et prix imposés par elle. Ces conditions, qu’il incombe au juge de rechercher, sont cumulatives et font ressortir une dépendance économique ». Cette formulation ordonne l’analyse autour d’indices objectifs, déliés de la qualification contractuelle.

Elle précise encore que « Dès lors qu’elles sont, dans les faits, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions de code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence d’un lien de subordination ». L’exclusion de l’exigence de subordination, pour l’accès au statut, consacre une logique propre à la gérance-succursale, centrée sur l’agrément du lieu, l’exclusivité et la fixation des prix.

B. L’application aux faits: local agréé, prix imposés, exclusivité

L’arrêt constate l’agrément du local au moyen d’un cahier des charges contraignant et l’interdiction de transfert sans accord préalable. Cette approche valorise la maîtrise du concept de vente et des signes distinctifs par le fournisseur. La fixation des tarifs, assortie d’autorisations préalables pour toute variation, démontre une politique de prix pilotée à l’amont, ce qui évince une véritable autonomie commerciale.

L’exclusivité de la boutique à l’activité prévue renforce l’orientation des ventes vers un unique flux de marchandises, au cœur de la dépendance économique. La cour rattache ces éléments à la norme, puis retient que les conditions cumulatives sont satisfaites. Elle en déduit le bénéfice du statut, sans qu’importe la présence d’une personne morale interposée, dès lors que l’exécution repose, de fait, sur la personne de l’exploitante.

II. Les effets de la qualification sur les droits salariaux et la rupture

A. Portée salariale: convention applicable, absence de cadre, rappel et date de rupture

La cour énonce que « Les gérants de succursale relèvent de la convention collective à laquelle est soumis le chef d’entreprise qui les emploie. Ne peuvent toutefois pas revendiquer une qualification conventionnelle ni le salaire minimum en découlant, les gérants de succursale qui ne sont pas dans un lien de subordination ». Faute de subordination, la prétention au statut de cadre est rejetée: « Il s’en déduit qu’elle doit être déboutée de sa demande tendant à se voir appliquer le statut cadre ».

Le rappel de salaire est alors fixé en référence à une classification non cadre reconnue par l’entreprise, avec congés payés afférents. S’agissant du terme du contrat, la cour retient, conformément à un principe constant, que « C’est à la date à laquelle le salarié a pris acte que se situe la fin du contrat de travail ». La chronologie des effets pécuniaires s’y ajuste, assurant la cohérence du calcul.

B. Régime de la prise d’acte, heures supplémentaires et compensation

La motivation relative à la prise d’acte reprend la grille jurisprudentielle, en rappelant que « Cette prise d’acte de la rupture par le salarié ne constitue ni un licenciement, ni une démission, mais une rupture produisant les effets de l’un ou de l’autre selon que les faits invoqués la justifient ou non ». Le non‑paiement des salaires, manquement grave et avéré, emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec indemnité de préavis, indemnité de licenciement et dommages‑intérêts.

La demande d’heures supplémentaires est écartée au regard du régime particulier de la gérance-succursale. La cour souligne que « Il en résulte que le gérant ne bénéficie de la réglementation sur la durée du travail, l’hygiène et la sécurité que si les condtiions de travail ont été fixées par l’entreprise qui l’emploie ». Faute d’une telle fixation, l’assimilation au chef d’établissement exclut l’application de la durée légale.

Enfin, la tentative de compensation entre créances est refusée, la cour rappelant que « la compensation implique l’existence d’obligations réciproques entre les parties ». L’absence de réciprocité entre les sommes dues à la gérante par l’employeur et les flux perçus via la société interposée rend juridiquement inopérant le mécanisme invoqué, préservant l’autonomie des rapports obligatoires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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