Cour d’appel de Bordeaux, le 11 septembre 2025, n°25/01809

Rendue par la cour d’appel de Bordeaux le 11 septembre 2025, la décision porte sur l’appel, sur autorisation, d’un sursis à statuer en matière sociale. Elle précise les conditions de saisine effective de la cour lorsque le premier président a admis un recours immédiat contre un jugement de sursis.

Une assurée, victime d’un accident du travail, a contesté la date de guérison retenue, tandis qu’une rechute ultérieure a suscité un litige distinct. Dans ce second dossier, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a ordonné un sursis à statuer, dans l’attente d’une décision définitive sur la contestation de la guérison initiale.

L’assurée a sollicité, puis obtenu du premier président, par ordonnance du 9 janvier 2025, l’autorisation d’interjeter appel immédiat du jugement de sursis. L’ordonnance a fixé la date d’audience devant la formation de jugement, selon la procédure prévue par l’article 948 ou le jour fixe. Devant le premier président, l’intéressée sollicitait l’autorisation d’appel; devant la cour, aucune prétention n’a pu être articulée, la juridiction ayant relevé d’office l’absence de déclaration d’appel et recueilli des parties qu’elles se rapportaient à justice.

La question était de savoir si l’autorisation du premier président suffisait à saisir la cour, ou si une déclaration d’appel demeurait nécessaire dans un délai déterminé. Pour trancher, l’arrêt rappelle l’article 380 du code de procédure civile, selon lequel « La décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime ». Il cite encore: « La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision ». Surtout, la cour énonce que « L’appel d’une décision de sursis à statuer autorisée par ordonnance du premier président est irrecevable faute d’avoir été formalisé par une déclaration d’appel, dans le mois de l’ordonnance du premier président ». Constatant l’absence de déclaration, elle conclut logiquement que « La cour n’est donc saisie d’aucune demande ». L’étude se concentre d’abord sur le régime procédural applicable et sa mise en œuvre, puis sur la portée pratique et la valeur de la solution retenue.

I. L’exigence de saisine régulière après autorisation d’appel

A. Le cadre textuel de l’article 380 du code de procédure civile
Le texte issu du décret de 2019 aménage une voie d’appel contre le sursis, encadrée par l’autorisation préalable du premier président. L’arrêt en reprend les termes, rappelant que « La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond ». Cette première phase, distincte du juge du fond, conditionne l’accès à un examen immédiat de l’opportunité d’écarter l’effet dilatoire du sursis. L’arrêt rappelle également: « S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas ». Ainsi se dessine une procédure en deux temps, dont la seconde phase ne s’identifie pas à la décision d’autorisation elle‑même. Reste à déterminer l’acte précis par lequel la juridiction d’appel se trouve effectivement saisie.

B. La déclaration d’appel, acte déterminant de saisine
La solution confirme que l’ordonnance d’autorisation ne dispense pas de l’accomplissement d’une déclaration d’appel, seule apte à opérer la saisine. L’arrêt l’affirme expressément: « L’appel d’une décision de sursis à statuer autorisée par ordonnance du premier président est irrecevable faute d’avoir été formalisé par une déclaration d’appel, dans le mois de l’ordonnance du premier président ». L’exigence d’un délai d’un mois, calé sur l’ordonnance d’autorisation, assure la sécurité des échanges procéduraux et la prévisibilité des rôles respectifs. En l’absence de déclaration, « La cour n’est donc saisie d’aucune demande », ce qui commande l’irrecevabilité et la condamnation aux dépens. Ce rappel formaliste s’inscrit dans la convergence des règles de saisine unifiées depuis les réformes successives de la procédure d’appel. Reste à apprécier la pertinence et la portée de cette clarification jurisprudentielle.

II. Portée et appréciation de la solution

A. Cohérence systémique et lisibilité du régime
La solution renforce la cohérence du double circuit instauré par l’article 380, en séparant clairement l’autorisation préalable et la saisine par déclaration. Elle évite de confondre la fixation du jour d’audience avec l’acte introductif d’appel et consacre la centralité des règles générales de saisine. La référence à la procédure à jour fixe ou à l’article 948 n’altère pas cette exigence, que le texte rappelle sans ambiguïté. La motivation, brève et précise, rejoint l’objectif de prévisibilité poursuivi par les réformes récentes de l’appel civil. Pour autant, la rigueur formelle peut susciter des réserves au regard de l’accès effectif au juge.

B. Conséquences pratiques et critique mesurée
La décision invite les praticiens à une vigilance accrue sur la chronologie, puisque le délai court « dans le mois de l’ordonnance du premier président ». L’ordonnance d’autorisation, bien que structurante, n’interrompt ni ne remplace les diligences requises pour déclarer l’appel et constituer l’instance. Le risque de déperdition du droit au recours, en cas d’erreur d’appréciation, justifie une information claire des parties par les professionnels et les greffes. La solution, rigoureuse mais lisible, protège la sécurité juridique, tout en appelant une pédagogie procédurale adaptée aux contentieux sociaux complexes.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture