Cour d’appel de Bordeaux, le 3 juillet 2025, n°24/01867

Rendue par la juridiction de la première présidente de la cour d’appel de Bordeaux le 3 juillet 2025, la décision commente une contestation d’honoraires d’avocat. Le bâtonnier avait fixé les honoraires à 600 euros. La société appelante a régulièrement relevé recours. À l’audience publique du 8 avril 2025, elle n’a ni comparu ni été représentée, malgré convocation par lettre recommandée. L’avocat intimé a sollicité une décision au fond et la confirmation.

La procédure a connu deux temps. D’abord, une décision du bâtonnier en fixation d’honoraires, puis un recours devant la formation collégiale de la juridiction de la première présidente. L’intimé a conclu à la confirmation en invoquant ses diligences. L’appelante n’a fait valoir aucun moyen à l’audience. La formation a relevé l’oralité de la procédure et la possibilité de statuer au fond en cas de défaillance du demandeur. La question portait sur l’articulation entre l’oralité, la non-comparution de l’auteur du recours et le pouvoir de statuer sur le fond conféré par les textes.

La solution retient que les dispositions combinées de l’article 468 du code de procédure civile et des articles 177 et 277 du décret du 27 novembre 1991 autorisent la cour à statuer au fond sur demande du défendeur, en l’absence de motif légitime de non-comparution. La décision confirme la fixation des honoraires et met les dépens à la charge de l’appelante. Il convient d’en préciser d’abord la portée technique, puis d’en apprécier la valeur et les effets.

I. L’articulation décisive entre oralité de la procédure et défaillance du demandeur

A. Le cadre normatif rappelé par la cour

La décision commence par rappeler l’architecture textuelle gouvernant l’instance. Elle cite l’article 446-1 du code de procédure civile selon lequel « dans le cadre de la procédure orale, les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit ». Cette mise au point situe clairement la charge de présentation à l’audience, même en présence d’écrits.

Elle vise ensuite l’article 468 du même code, applicable devant la cour d’appel, dont il est rappelé que « Si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure ». Par cette citation, la formation assoit l’office du juge et l’initiative du défendeur en cas de défaillance.

Enfin, la cour articule ce régime avec le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Elle énonce que « Il résulte de cet article et des articles 177 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que si, sans motif légitime, l’auteur du recours ne comparaît pas devant le premier président statuant en matière de contestation d’honoraires d’avocat, le défendeur au recours peut requérir une décision sur le fond ». La compétence spéciale en matière d’honoraires est ainsi replacée dans le droit commun de la défaillance.

B. La conséquence procédurale de l’absence en audience

La formation constate l’absence de l’appelante à l’audience et l’absence de demande de dispense. Elle relève, de façon explicite, que « Elle n’a pas davantage expressément demandé à être dispensée de comparution ». Cette précision écarte d’emblée tout motif légitime au sens de l’article 468.

La décision déduit logiquement l’absence de saisine par des moyens. En procédure orale, les moyens n’existent pour le juge que s’ils sont présentés ou, à tout le moins, référencés à l’audience. La formation en tire la conséquence que, faute de comparution, aucun moyen n’a été régulièrement soumis au débat. Elle en conclut qu’il y a lieu de statuer au fond à la requête du défendeur, ce qui conduit à la confirmation de la fixation des honoraires.

Le raisonnement demeure sobre et étroitement arrimé aux textes. La cour ne mobilise ni présomption défavorable ni appréciation de l’équité, mais l’économie stricte de l’oralité et de la charge d’allégation en audience.

II. Valeur et portée d’une solution de discipline procédurale mesurée

A. Conformité aux garanties et à l’office du juge

La solution respecte le droit d’être entendu, dès lors que l’appelante avait été régulièrement convoquée et pouvait présenter ses prétentions oralement. L’article 468 préserve d’ailleurs une marge d’humanité procédurale en prévoyant « la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure ». La formation ne l’exerce pas ici, au regard de l’absence de motif légitime et de l’inertie procédurale.

L’articulation opérée avec le décret de 1991 est correcte, car ce texte spécial organise l’instance devant la juridiction de la première présidente sans déroger au droit commun de la défaillance. La motivation rappelle les normes utiles et évite toute confusion entre oralité intégrale et procédure écrite avec plaidoirie. L’exigence d’une référence en audience aux écritures éventuelles est clairement affirmée.

La rigueur retenue n’excède pas l’office du juge. Elle ne prive pas l’appelante d’un droit procédural substantiel, mais sanctionne l’absence de comparution dans un cadre où l’oralité conditionne la saisine des moyens. La confirmation de la décision de fixation s’ensuit mécaniquement.

B. Effets pratiques et lignes de conduite en contentieux d’honoraires

La portée pratique est nette. En contentieux d’honoraires, l’auteur du recours doit comparaître ou obtenir dispense, à défaut de quoi le défendeur peut utilement requérir une décision sur le fond. L’oralité exige de présenter les prétentions, ou d’y référer expressément, pour éviter l’extinction de fait des moyens. La présente décision en offre une illustration pédagogique.

Pour les défenseurs, l’article 468 constitue un levier procédural, mais son usage doit rester proportionné. La faculté de renvoi demeure ouverte, notamment en cas d’empêchement légitime justifié. À défaut, la confirmation par défaut contradictoire s’impose et sécurise la rémunération due lorsque des diligences ont été accomplies et qu’aucun grief articulé n’est débattu.

La solution incite, plus largement, à une discipline d’audience adaptée aux régimes d’oralité. Elle consolide la lisibilité du contentieux d’honoraires en harmonisant la pratique autour d’un triptyque clair : convocation régulière, comparution effective, ou demande de renvoi motivée, à peine de jugement sur le fond.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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