Cour d’appel de Bordeaux, le 4 septembre 2025, n°22/05169

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La Cour d’appel de Bordeaux, chambre sociale, 4 septembre 2025, se prononce sur la validité d’un licenciement pour insuffisance professionnelle notifié à une salariée cadre. Les faits tiennent à une embauche en 2014, un transfert en 2017 consécutif à une fusion, une réorganisation du service, puis une mise à pied conservatoire suivie d’un licenciement en juillet 2019. La lettre de rupture invoquait des retards, des carences de suivi, des erreurs de facturation, des absences et un comportement inadapté.

Par jugement du 7 octobre 2022, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, allouant 25 000 euros et ordonnant le remboursement d’un mois d’allocations chômage. L’employeur a interjeté appel en soutenant la réalité de l’insuffisance. La salariée a conclu à la confirmation, sollicitant une majoration des dommages et intérêts et une indemnisation d’un préjudice distinct.

La question posée était de savoir si les griefs d’insuffisance professionnelle, matériellement établis pour partie, suffisaient à caractériser une cause réelle et sérieuse en l’absence d’alertes préalables, d’objectifs ou d’accompagnement. La cour confirme l’absence de cause réelle et sérieuse, malgré plusieurs manquements prouvés, faute d’une démarche d’alerte et de soutien préalable, et rejette la réparation d’un préjudice distinct non démontré.

I. Le cadre probatoire de l’insuffisance professionnelle

A. Les rappels normatifs et la portée de la lettre de licenciement

La cour rappelle le cadre de l’article L. 1235-1 du code du travail en ces termes: « si un doute subsiste, il profite au salarié. » Ce rappel place le litige dans une logique d’appréciation globale, fondée sur les éléments croisés des deux parties. Elle précise ensuite la fonction normative de l’écrit de rupture: « La lettre de licenciement fixe les limites du litige », ce qui borne l’analyse aux griefs énoncés et vérifiables.

Le raisonnement intègre la nature de la cause invoquée: « L’insuffisance professionnelle est non fautive. » Cette qualification emporte deux conséquences majeures, utiles pour l’examen du dossier. D’une part, l’employeur doit démontrer des faits objectifs et contrôlables, avec une consistance suffisante. D’autre part, la perturbation du service constitue l’indice utile de l’insuffisance: « L’insuffisance professionnelle se manifeste dans ses répercussions en tant qu’elle perturbe la bonne marche de l’entreprise ou le fonctionnement du service. » Cet étalon de contrôle structure l’étude des pièces.

B. L’examen des griefs et leur portée opérationnelle

Au titre des manquements établis, la cour retient des retards répétés, l’absence de transmission de documents attendus dans les délais, des erreurs de facturation et des réponses tardives. Elle constate aussi des annulations de rendez-vous et des absences non justifiées. Ces éléments attestent une exécution insuffisante et, par endroits, désorganisée des missions confiées, avec un impact concret sur le fonctionnement du service.

Inversement, plusieurs reproches ne sont pas démontrés, s’agissant de l’anticipation de certains événements, de l’organisation de réunions, de la tenue d’entretiens d’évaluation ou d’une agressivité alléguée. La motivation distingue soigneusement les griefs probants des assertions non corroborées, conformément à l’exigence de matérialité. À ce stade, le dossier révèle des insuffisances réelles, mais l’analyse se déplace vers les exigences préalables d’alerte et d’accompagnement.

II. L’exigence d’alerte et d’accompagnement préalable

A. La nécessaire mise en garde et la fixation d’objectifs

La cour relève l’absence d’alerte sérieuse, d’objectifs clairs et d’accompagnement adapté, alors même que l’évaluation annuelle ne fixait aucun axe d’amélioration. L’historique d’une relation sans incident notable pèse également dans l’appréciation, compte tenu du caractère non fautif de l’insuffisance. La solution s’énonce nettement: « Il s’en déduit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. » L’idée directrice est que l’employeur, constatant des insuffisances, doit permettre une correction loyale avant de rompre.

Cette exigence d’anticipation s’inscrit dans l’économie contractuelle rappelée par la formation: « le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. » La bonne foi commande des mises en garde explicites, des objectifs réalisables, et, lorsque c’est pertinent, un soutien ou une réorganisation plus précise des missions. À défaut, la rupture apparaît prématurée, même si certains griefs sont établis.

B. Portée sur les réparations: barème, remboursement chômage et préjudice distinct

L’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixée à 25 000 euros, en considération de l’ancienneté, de l’âge, de la rémunération et des effectifs, dans le cadre de l’article L. 1235-3. La décision ordonne le remboursement d’un mois d’allocations à l’organisme d’assurance chômage, ce qui prolonge la confirmation prud’homale sans modification substantielle.

S’agissant d’un éventuel préjudice distinct, la cour rappelle que « Un salarié peut bénéficier de deux réparations distinctes », l’une pour l’irrégularité des conditions de la rupture, l’autre pour l’absence de cause réelle et sérieuse. Toutefois, l’intéressée ne justifie pas d’un dommage autonome lié à des modalités vexatoires ou déloyales. La demande est donc rejetée, en cohérence avec l’exigence probatoire posée pour toute prétention indemnitaire.

Ainsi, la décision articule utilement la matérialité des insuffisances et l’obligation d’alerte loyale. Elle confirme une voie d’équilibre: l’insuffisance sérieuse doit être assez construite et précédée d’une démarche de correction, faute de quoi la rupture ne peut être tenue pour fondée.

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Hassan KOHEN
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