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Cour d’appel de Bordeaux, 4 septembre 2025, chambre sociale, section B. Un salarié enduiseur, licencié pour faute grave, réclame des heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et la nullité de la rupture. Engagé en 2010 sous CDI, il subit un arrêt lié à un accident en juin 2019, puis est convoqué et licencié mi-septembre pour activité concurrente dissimulée. Le conseil de prud’hommes déboute l’ensemble des demandes; l’appelant sollicite l’infirmation, l’employeur soutient la faute grave et conteste toute créance salariale ou indemnitaire. La Cour tranche plusieurs questions connexes: régime probatoire des heures supplémentaires, qualification de travail dissimulé, loyauté contractuelle et validité d’un licenciement prononcé durant une suspension médicale. Elle infirme partiellement: alloue un rappel d’heures et l’indemnité forfaitaire, rejette les griefs de sécurité, et confirme la faute grave justifiant la rupture.
I. La preuve des heures et le travail dissimulé
A. Les éléments suffisamment précis exigés
« Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. » « Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. » Appliquant ce standard, la Cour valorise un décompte quotidien précis et des alertes écrites, puis sanctionne l’absence d’éléments contradictoires produits par l’employeur.
Le raisonnement corrige un renversement de la charge de la preuve opéré en première instance. L’invraisemblance d’horaires quotidiens strictement fixes, au regard de chantiers éloignés, renforce l’appréciation factuelle retenue.
B. L’intention dissimulatrice et l’indemnité forfaitaire
« En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. » La Cour déduit l’intention de dissimulation des heures reconnues et d’un contexte de contrôle direct, l’employeur œuvrant aux côtés d’un unique exécutant.
Cette inférence, fondée sur des indices convergents, demeure cohérente avec l’économie probatoire du contentieux. Elle exige toutefois prudence dans les structures plus complexes, où la connaissance effective peut se discuter utilement.
La réparation suit l’article L. 8223-1, par l’octroi d’une indemnité forfaitaire de six mois, calculée sur la rémunération brute augmentée des majorations reconnues. Le quantum reflète de manière convaincante la gravité de l’atteinte aux droits.
II. La loyauté contractuelle et la rupture pour faute grave
A. L’activité concurrente caractérisée et la gravité fautive
La Cour caractérise une violation de la loyauté par l’exercice d’une activité identique et concurrente pendant le contrat, révélée par des achats massifs et répétés. « Comme l’a exactement relevé le premier juge, il ressort des factures communiquées aux débats que le salarié a procédé à l’achat de plusieurs milliers de kilos d’enduit sur la période d’avril 2015 à mars 2019, achats ne pouvant servir qu’à des fins professionnelles compte tenu de leur volume, certains achats ayant été effectués pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie ou pendant les congés ou absences du salarié ». L’ampleur et la durée des agissements rendent impossible la poursuite du lien, justifiant la faute grave.
La solution rappelle que l’obligation de loyauté interdit une activité concurrente pendant l’exécution du contrat, même en l’absence de clause d’exclusivité. La preuve d’un détournement de clientèle n’est pas exigée lorsque la désorganisation potentielle et la concurrence de fait sont établies.
B. Suspension du contrat, point de départ et régularité de la rupture
« L’employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d’un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise Aux termes de l’article L 1226-9 du code du travail, ‘Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.’ L’article L 1226-13 du même code dispose que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l’article L 1226-9 est nulle ». La Cour écarte logiquement la nullité, la faute grave autorisant la rupture durant l’arrêt, sous réserve d’une preuve stricte de la gravité.
La computation disciplinaire retient le point de départ à la connaissance exacte, complète et récente des faits, révélée par des justificatifs extérieurs. La convocation et la notification sont intervenues dans un délai compatible avec l’exigence de célérité.
Les griefs parallèles, tenant à une violation de l’obligation de sécurité, à l’irrégularité de l’attestation destinée à l’assurance chômage et à un reliquat de congés payés, sont rejetés faute d’éléments probants et de préjudice caractérisé. L’économie d’ensemble confirme un équilibre: protection du salaire dû, répression du travail dissimulé, et sanction d’une désloyauté grave rendant la rupture inévitable.