Cour d’appel de Bordeaux, le 9 septembre 2025, n°23/00172

Cour d’appel de Bordeaux, chambre sociale, 9 septembre 2025. Une salariée, engagée en 2014 comme employée de gestion immobilière, a reçu un avertissement pour refus d’une formation, puis a été licenciée en décembre 2020 pour divers griefs. Le conseil de prud’hommes de Périgueux, le 13 décembre 2022, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais a confirmé l’avertissement. L’employeur a relevé appel en contestant l’absence de cause, la salariée a formé appel incident sur la sanction disciplinaire et le quantum. La cour confirme intégralement le jugement, fixe l’indemnité à 12 087,70 euros et alloue des frais irrépétibles en appel. La question portait d’abord sur la légitimité de l’avertissement lié au refus de formation, ensuite sur la caractérisation d’une cause réelle et sérieuse au regard des griefs invoqués.

I — Le contrôle de la sanction d’avertissement

A — Le cadre légal de la formation imposée au salarié
Le contrôle juridictionnel d’une sanction disciplinaire se déploie dans un double mouvement, de régularité et de proportion. La cour rappelle que « L’article L.1333-2 du code du travail dispose que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise ». Elle précise le standard probatoire applicable, déjà balisé par les textes relatifs à la contestation des sanctions et à l’office du juge. Elle ajoute, au sujet de l’adaptation au poste, que « En outre, Il résulte de l’article L.6321-1 du code du travail que l’employeur doit assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail, veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ». Le pouvoir de direction autorise en principe l’imposition d’une formation utile à l’emploi.

B — L’application concrète et la proportion de la mesure
Le dossier montrait une session de formation programmée et rappelée, et un message de la salariée le jour même évoquant une charge de travail. La cour souligne l’insuffisance des justifications produites sur l’empêchement allégué, l’absence de preuve d’un délai de prévenance méconnu, et l’inertie procédurale antérieure. Elle prend aussi en compte la teneur de l’écrit disciplinaire, qui indiquait: « A cet égard, la décision d’envoyer un salarié en formation relève du pouvoir de direction de l’employeur ». L’analyse articule ainsi l’obligation d’adaptation à la mission effective de gestion. Les juges en déduisent que le refus de suivre une formation nécessaire n’était pas légitime, l’avertissement demeurant proportionné au manquement. Le rétablissement de l’autorité organisationnelle, sans incidence financière directe, justifie la confirmation.

II — L’exigence de la cause réelle et sérieuse du licenciement

A — Office du juge et charge de la preuve
La lettre de licenciement fixait six griefs: gestion déficiente avec conséquences commerciales, retards comptables, défauts de rapprochements, retards de comptes rendus d’impayés, dysfonctionnements sur dépôts de garantie et prélèvements, non-respect du protocole sanitaire. La cour rappelle son office: « Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Elle apprécie grief par grief, au regard de pièces objectives et datées, sans extrapoler au-delà des éléments versés. Les rappels internes produits ne suffisent pas tous à établir une directive claire et répétée, comme l’illustre ce message qui, davantage qu’une consigne impérative, décrit un souhait de méthode: « un simple mail ou l’envoi d’un rapport de gérance sans appel derrière n’est pas suffisamment professionnel ». L’exigence de faits précis, objectifs et vérifiables commande une sélection stricte des manquements pertinents.

B — Grief isolé insuffisant et conséquences indemnitaires
La cour écarte l’allégation de perte d’un portefeuille significatif, faute d’imputation suffisamment démontrée. Elle ne retient pas davantage l’absence de clôtures au vu des échanges incomplets et non destinés à la salariée, ni les reproches relatifs aux dépôts de garantie ou aux prélèvements, dépourvus d’ancrage probatoire. S’agissant du protocole sanitaire, la preuve d’une inobservation constante fait défaut, d’autant que les pratiques internes apparaissaient ambivalentes. Reste un seul élément matériellement établi: des retards récurrents dans les comptes rendus d’impayés. La motivation est nette: « En définitive, seuls sont établis les retards dans l’établissement et la transmission des comptes rendus de gestion relatifs aux impayés toutefois ce seul grief n’est pas suffisamment sérieux pour motiver un licenciement, de sorte que, par confirmation du jugement, la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse ». La conséquence s’inscrit dans le cadre légal de l’indemnisation barémisée: « Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux, soit pour un salarié ayant six années complètes d’ancienneté […] une indemnité minimale de 1,5 mois de salaire et maximale de 7 mois de salaire ». Le montant retenu, au regard de l’ancienneté, de la rémunération et de la situation, demeure mesuré et conforme au plafond applicable, ce qui justifie la confirmation. L’allocation de frais irrépétibles en appel complète la solution, en cohérence avec l’issue du litige.

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Hassan KOHEN
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