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La cour d’appel de Bordeaux, le 9 septembre 2025, statue en matière prud’homale sur la qualification de harcèlement moral et ses effets sur la rupture. Le litige oppose un salarié, engagé depuis 2006 puis devenu responsable d’agence, à son employeur, à la suite d’un licenciement motivé par des résultats jugés insuffisants. Il invoque des agissements répétés, notamment la suppression du véhicule, l’absence de renforts et surtout une rétrogradation de fait matérialisée par l’organigramme et les supports professionnels. Le conseil de prud’hommes de Bordeaux a rejeté le harcèlement mais a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avant d’allouer des dommages et intérêts. En appel, le salarié sollicite la nullité pour harcèlement; l’employeur soutient la cause réelle et sérieuse et demande le rejet des prétentions adverses.
La question est de savoir si la combinaison des faits, et singulièrement une rétrogradation non formalisée, permet de présumer un harcèlement et d’entraîner la nullité de la rupture. La cour retient la présomption, affirme que « pris dans leur ensemble, ils laissent – eux – présumer l’existence d’un harcèlement moral », puis qualifie la rétrogradation en des termes nets. Elle juge en effet: « Ce déclassement, cette rétrogradation de fait, jamais formalisée, constitue un acte de harcèlement » et en déduit la nullité du licenciement.
**I. La qualification du harcèlement moral par la rétrogradation de fait**
**A. Le régime probatoire et les éléments retenus**
Les juges rappellent le mécanisme probatoire des articles L. 1152-1 et L. 1154-1, qui impose au salarié de présenter des éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Après examen des pièces, la cour constate que les retraits de moyens et la modification des fonctions atteignent un seuil significatif. Elle énonce que « pris dans leur ensemble, ils laissent – eux – présumer l’existence d’un harcèlement moral », basculant ainsi la charge vers l’employeur. Ce dernier justifie la restitution du véhicule par l’échéance d’un leasing, raison objective écartant tout grief sur ce point précis. En revanche, l’argumentation défensive échoue à neutraliser les indices tirés de l’organigramme et des cartes professionnelles, révélant une altération durable du statut.
**B. La rétrogradation non formalisée comme agissement constitutif**
La motivation centrale tient à la déqualification fonctionnelle, opérée sans acte formalisé, qui prive le salarié de voies de contestation et modifie la substance de ses responsabilités. La cour tranche sans détour: « Ce déclassement, cette rétrogradation de fait, jamais formalisée, constitue un acte de harcèlement ». Elle souligne la répétition, en relevant que « il ne s’agit pas d’un acte isolé », puisqu’elle a perduré près d’une année, caractérisant la répétition exigée par le texte. La durée identifiée, jointe à la substitution d’une responsable interposée, établit l’atteinte aux conditions de travail et à la dignité professionnelle, conformément au cadre légal. La solution s’inscrit dans une ligne où la rétrogradation non acceptée, même sans baisse de rémunération apparente, peut révéler un harcèlement par déclassement fonctionnel.
**II. Les effets sur la rupture et l’indemnisation**
**A. La nullité du licenciement et l’office du juge**
La nullité de la rupture exige un lien avec les agissements incriminés, que l’office du juge apprécie souverainement. La cour cite utilement que « Un employeur ne peut se prévaloir d’un motif de licenciement qu’il a causé ou auquel il a contribué ». Elle ajoute que « Le lien entre une situation de harcèlement moral et le motif du licenciement est établi souverainement (…) par le juge », qui doit le caractériser pour prononcer la nullité. Or, dès le début de l’année 2019, le salarié n’exerçait plus la direction effective et ne disposait plus du pouvoir d’influer sur les résultats. Les insuffisances invoquées procèdent ainsi d’une situation créée par l’employeur; la nullité est prononcée sur le fondement de l’article L. 1152-3.
**B. L’indemnisation hors barème et le préjudice distinct**
La réparation suit deux axes distincts, que la décision ordonne avec clarté et une rigueur conforme au principe de réparation intégrale. En premier lieu, la cour rappelle que le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse « ne s’applique pas aux faits de harcèlement moral ». Elle fixe l’indemnité à l’équivalent de sept mois de salaire, au vu de l’ancienneté, de l’âge et des éléments de situation produits, jugés insuffisants pour davantage. En second lieu, la décision cite que « L’octroi de dommages et intérêts pour un licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte de dommages et intérêts pour préjudice moral ». Elle précise en outre l’exigence d’une réparation « sans perte ni profit pour la victime », interdisant toute double indemnisation du même préjudice. Faute d’éléments sur un dommage autonome, la demande spécifique est rejetée, sans remettre en cause la réparation allouée au titre de la nullité. L’arrêt consacre ainsi l’efficacité probatoire d’un déclassement durable, non formalisé, et ordonne les suites indemnitaires appropriées, hors barème, en stricte conformité avec le droit positif.