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La Cour d’appel de Bordeaux, 9 septembre 2025, chambre sociale, statue sur un litige relatif à la rémunération, à la période d’essai et au travail dissimulé. Le salarié, engagé à compter du 1er février 2020 comme VRP responsable d’agence, a vu la relation rompue le 23 décembre 2020 pour prétendue fin de période d’essai. Une déclaration préalable d’embauche a été reçue le 21 février 2020, tandis que des versements mensuels importants sont intervenus sans remise régulière de bulletins et sans écrit établissant un prêt.
Le Conseil de prud’hommes de Bordeaux, 30 décembre 2022, a jugé la rupture sans cause réelle et sérieuse, retenu un travail dissimulé et alloué diverses sommes. En appel, le salarié sollicite un salaire de référence rehaussé et l’augmentation corrélative des indemnités. L’employeur conteste toute créance au‑delà d’un bref délai de prévenance, invoque des avances assimilables à un prêt et réclame restitution.
La cour devait déterminer la charge de la preuve du salaire convenu et la qualification des versements, l’opposabilité d’une période d’essai sans contrat signé, et l’existence d’un travail dissimulé malgré une DPAE. Elle fixe un salaire moyen brut de 3 806,68 euros, rejette l’argument du prêt, écarte toute période d’essai, qualifie la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et retient l’infraction sociale. Elle accorde le préavis d’un mois, l’indemnité légale de licenciement, 1 000 euros au titre de l’article L.1235‑3, six mois de salaire pour travail dissimulé, et refuse des dommages‑intérêts autonomes pour exécution déloyale.
I. Charge probatoire et détermination du salaire
A. La règle de preuve rappelée et sa portée
La cour ancre son raisonnement dans l’économie probatoire civile. Elle énonce: « Il en résulte que si le salarié doit apporter des éléments permettant de conforter ses demandes, il appartient à l’employeur d’établir le montant du salaire brut mensuel convenu avec le salarié. » Cette formule reprend l’article 1353 du code civil, mais en précise l’application au litige salarial, où l’employeur, gardien des écritures, supporte la démonstration du quantum convenu.
La solution est cohérente avec la pratique contentieuse sociale. Les relevés bancaires suffisent à faire naître un doute sérieux sur le montant réellement versé, tandis que l’employeur doit lever l’incertitude par ses pièces obligatoires. Or la cour constate, de façon nette: « L’employeur ne démontre : » puis « ni le montant du salaire mensuel exactement convenu avec le salarié, ». Cette carence probatoire justifie de retenir une moyenne à partir des flux bancaires, faute de bulletins cohérents et remis.
En arrière‑plan, la motivation évite d’ériger une présomption irréfragable. Elle répartit la charge avec équilibre, admet des éléments vraisemblables du salarié, et exige de l’employeur la preuve normalement disponible. Cette méthode favorise la sécurité juridique des paiements salariaux et dissuade les pratiques opaques.
B. De l’avance alléguée au salaire: application et conséquences
La thèse de l’avance assimilable à un prêt se heurte à l’exigence d’un écrit et à la traçabilité des régularisations. La cour constate l’absence de toute stipulation ou calendrier de compensation, et souligne encore que « L’employeur ne démontre […] la concordance entre les sommes versées directement sur le compte du salarié et le salaire mensuel augmenté dudit prêt. » Le versement récurrent, d’un montant stable et mensuel, reçoit alors sa qualification salariale.
La fixation d’un salaire moyen brut de 3 806,68 euros procède d’une arithmétique prudente, bâtie sur onze mois d’activité et sur la preuve disponible. Elle emporte deux effets décisifs: elle écarte la demande de remboursement, faute de créance née d’un prêt, et elle sert d’assiette aux indemnités de rupture, y compris au forfait de l’article L.8223‑1. La décision conforte ainsi l’impératif de formalisation des avances et de concordance comptable, au risque inverse d’une requalification salariale.
La clarification probatoire ouvre logiquement sur l’examen de la rupture, centrée sur l’opposabilité d’une période d’essai et sur le respect de la procédure.
II. Rupture sans période d’essai et régime des sanctions
A. Inopposabilité d’une période d’essai non stipulée
La cour retient une inopposabilité stricte, faute de clause écrite signée et antérieure à l’exécution. Elle relève: « L’employeur ne produit aucun contrat de travail, signé par les parties. » De cette absence, elle déduit sans détour: « Il en résulte donc que le salarié n’était soumis à aucune période d’essai. » L’exigence classique d’un écrit non équivoque, préalable et accepté, se trouve rappelée avec force.
La qualification de la rupture s’impose alors. La cour précise: « De ce fait, en visant comme motif de rupture du contrat de travail dans l’attestation ASSEDIC la fin de la période d’essai, l’employeur a mis un terme au contrat de travail » sans respecter la procédure légale et sans énoncer de motif. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. La présence d’une DPAE ne pallie ni l’absence de clause d’essai, ni l’insuffisance de motivation.
Cette grille concorde avec la jurisprudence constante sur la nécessité d’une clause claire d’essai et d’un formalisme de rupture. Elle sécurise la période initiale du contrat et prévient les résiliations discrétionnaires déguisées.
B. Barème, travail dissimulé et non‑cumul du préjudice
L’assiette retenue commande les conséquences. Le salarié, avec dix mois d’ancienneté lors de la rupture, obtient un mois de préavis au visa de l’article L.1234‑1, et l’indemnité légale de licenciement dès lors qu’il atteint huit mois, selon l’article L.1234‑9. Au titre de l’article L.1235‑3, la cour alloue 1 000 euros, appréciant l’âge, l’ancienneté incomplète et l’absence d’éléments sur la situation actuelle. L’application mesurée du barème s’inscrit dans le cadre légal et demeure motivée.
S’agissant du travail dissimulé, la motivation distingue utilement formalités d’embauche et dissimulation salariale. Elle rappelle: « Le travail dissimulé suppose donc une volonté de frauder. » Malgré la DPAE produite, l’office retient l’intention en raison des versements non déclarés et de l’absence de bulletins pour une part des rémunérations; en conséquence: « L’élément intentionnel du travail dissimulé est donc établi. » L’indemnité forfaitaire de six mois s’ensuit, calculée sur l’assiette salariale fixée.
Enfin, la cour évite les doublons indemnitaires. Elle constate: « Ces faits sont fautifs. Cependant, les préjudices résultant de ces faits viennent d’être réparés par l’octroi de l’indemnité pour travail dissimulé. » Le rejet d’un poste autonome pour exécution déloyale reflète une saine logique de réparation intégrale, sans surcompensation.
La portée pratique est nette. Les employeurs doivent documenter toute avance et délivrer des bulletins reflétant l’intégralité des sommes versées, sous peine de requalification et d’une lourde sanction forfaitaire. La solution réaffirme l’inopposabilité de l’essai sans écrit et la vigueur du barème, tout en précisant que la DPAE n’immunise pas un schéma de rémunération dissimulé.