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Cour d’appel de Bourges, chambre sociale, 27 juin 2025. Le litige oppose un salarié pâtissier au cessionnaire d’un fonds de boulangerie, autour de l’ancienneté, de rappels de salaires et frais, puis de la responsabilité contractuelle liée à la protection sociale. Les faits tiennent à deux périodes d’emploi, séparées par une démission, suivies d’une réembauche et d’un transfert en application de l’article L. 1224-1 du code du travail. S’ajoutent des heures effectuées en fin de mois au moment de la cession, des frais conventionnels non réglés, des bulletins et notices remis tardivement, ainsi qu’une déclaration d’accident du travail différée.
La procédure a connu un référé constatant son incompétence sur l’ancienneté et allouant des sommes limitées, puis un jugement prud’homal fixant le point de départ de l’ancienneté à la seconde embauche et déboutant le salarié. L’appel a porté sur l’ancienneté, les rappels et frais, des dommages-intérêts pour retards et pour exécution de mauvaise foi. La question centrale concerne, d’une part, la portée probatoire de la mention d’ancienneté sur les bulletins, d’autre part, les conditions d’un rappel de salaire et de frais après cession, ainsi que le régime d’une indemnisation autonome des retards. La cour retient la présomption de reprise d’ancienneté au vu des bulletins, accorde des rappels limités de salaire et frais, écarte l’indemnisation du retard faute de préjudice distinct, mais retient la mauvaise foi de l’employeur au regard des carences en matière de complémentaire santé et de déclaration d’accident.
I. Reprise d’ancienneté et rappels dus après cession
A. La présomption de reprise d’ancienneté issue des bulletins de paie
La cour énonce que, « En l’absence de stipulation contractuelle à ce titre, la date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire ». Cette formule, conforme à la jurisprudence sociale citée, articule le droit du transfert avec la force probatoire des mentions salariales. La présence, réitérée et cohérente, d’une date d’ancienneté antérieure sur plusieurs bulletins, conjuguée au bénéfice d’une prime conditionnée par une présence d’un an, conduit à faire jouer la présomption.
La preuve contraire alléguée est jugée insuffisante, car fondée sur un simple message évoquant une erreur logicielle non étayée, dépourvu de valeur démonstrative solide. La solution valorise une logique de sécurité juridique en paie et impose, en pratique, une vigilance accrue lors des paramétrages de reprise du personnel à l’occasion d’une cession.
B. Les rappels de salaire et le remboursement des frais professionnels
La cour rappelle le principe probatoire: « En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Celui qui se prétend libéré du paiement, doit rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ». L’analyse des bulletins avant et après la cession établit un reliquat d’heures normales et majorées, ainsi que la majoration dominicale et une part de travail de nuit. La tentative de compensation par la participation salariale à la complémentaire, non justifiée par des pièces probantes, échoue donc.
Pour les frais, la continuité conventionnelle joue, faute d’avantage en nature et au vu des pratiques antérieures constantes. La cour admet un quantum limité, aligné sur les jours effectivement travaillés, ce qui concilie rigueur probatoire et respect des stipulations collectives applicables.
II. Régime des retards et exigence de bonne foi
A. L’autonomie du préjudice de retard et l’encadrement indemnitaire
S’agissant des retards de paiement et de remise de documents, la cour retient que « dans les obligations qui se bornent au paiement de sommes au salarié, l’octroi de dommages-intérêts en plus du paiement des sommes dues est subordonné, en application de l’article 1153 du code civil, à la mauvaise foi du débiteur et à l’existence d’un préjudice distinct du retard ». Faute d’éléments caractérisant un dommage autonome, la demande est écartée.
La solution est classique et cohérente avec l’économie des intérêts moratoires et de la responsabilité contractuelle. Elle incite le salarié à caractériser précisément l’atteinte subie, au-delà de la simple attente de paiement, par exemple une inscription au fichier des incidents ou des frais bancaires avérés, utiles à l’établissement du préjudice distinct.
B. Les manquements à la bonne foi dans la protection sociale et la sécurité
La cour rappelle que « Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ». Elle constate des carences répétées dans la gestion de la complémentaire santé collective, allant jusqu’à des suspensions de garanties imputables à l’absence de règlement, et une déclaration d’accident de travail tardive, alors que l’employeur devait accomplir les formalités dans un bref délai. L’argument tiré d’une désorganisation interne est jugé inopérant au regard des dates et des pièces.
La qualification de mauvaise foi résulte d’une négligence persistante dans des obligations touchant directement la santé et la sécurité, justifiant une indemnisation spécifique. La portée pratique est significative: la décision rappelle la centralité des obligations d’information, de paiement régulier des cotisations et de diligence déclarative, particulièrement sensibles lors d’une reprise d’activité. Elle complète la présomption d’ancienneté par une exigence de conformité continue, de nature à prévenir les ruptures de droits des salariés et leurs conséquences.