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Par un arrêt de la Cour d’appel de Bourges, chambre sociale, du 5 septembre 2025, la juridiction tranche deux questions procédurales déterminantes. L’affaire, née d’un licenciement prononcé après une inaptitude d’origine professionnelle, interroge la recevabilité d’un appel-nullité et la caducité d’une déclaration d’appel.
Un salarié, engagé de longue date et victime d’un accident du travail suivi d’une rechute, a été déclaré inapte à tout poste, puis licencié. Il a saisi le conseil de prud’hommes, contestant la rupture et invoquant un manquement à l’obligation de sécurité, avec demandes indemnitaires au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’un préjudice moral. Le juge prud’homal s’est déclaré incompétent, au profit du pôle social, pour les deux demandes indemnitaires, puis a ordonné la transmission.
L’appelant a formé un appel-nullité, subsidiairement un appel en infirmation sur la compétence, tandis que l’intimée a soulevé la caducité et l’irrecevabilité de la déclaration d’appel. La Cour a sollicité des observations sur l’office de l’appel-nullité et sur la sanction attachée au non-respect du régime des articles 83 et suivants du code de procédure civile. Elle a retenu l’irrecevabilité de l’appel-nullité et prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
La question de droit se concentre sur le caractère subsidiaire de l’appel-nullité face à une voie de recours ouverte, puis sur la rigueur du mécanisme de caducité lié à la saisine du premier président dans les délais légaux. La solution consacre la prééminence de l’appel spécial en matière de compétence et la sanction immédiate du non-respect des formalités d’acheminement.
I. L’irrecevabilité de l’appel-nullité en présence d’une voie d’appel ouverte
A. Le caractère strictement subsidiaire de l’appel-nullité
La Cour rappelle d’abord le cadre conceptuel d’un recours exceptionnel, réservé aux hypothèses d’absence de toute voie ordinaire. Elle énonce que « l’appel-nullité, irrecevable lorsqu’une voie de recours demeure ouverte (2ème Civ., 19 novembre 2009 n° 08-13.976), ne saurait l’être lorsque l’appel de droit commun est ouvert et susceptible de sanctionner le vice invoqué ». En rattachant son analyse à une jurisprudence constante, la Cour réaffirme la finalité de l’appel-nullité, limitée à l’excès de pouvoir incontrôlable par les voies légales.
Ce rappel n’est pas purement théorique. Il vise à prévenir une instrumentalisation du recours d’exception pour éluder les contraintes procédurales attachées aux voies ordinaires. L’économie du système de recours commande que la critique d’une décision sur la compétence emprunte la voie dédiée, précisément calibrée pour un contrôle rapide et prioritaire.
B. L’applicabilité du régime spécial des articles 83 à 85 du code de procédure civile
Ayant ainsi circonscrit l’office de l’appel-nullité, la Cour rattache la décision déférée au régime approprié. Elle souligne que « ainsi, la décision déférée, correctement qualifiée, était susceptible d’appel dans les conditions prévues par le droit commun de la procédure civile, tels que cela résulte des dispositions précitées ». Le point décisif tient à la nature de la décision: le juge du fond s’est prononcé sur la compétence sans statuer au fond, ouvrant la voie de l’appel spécial à bref délai.
La solution éclaire une articulation importante. La qualification de la décision scelle l’itinéraire procédural et exclut, par principe, la tentation d’un appel-nullité. Le justiciable devait recourir à l’appel sur compétence, avec ses exigences propres, lesquelles fixent un cadre temporel et organique précis.
II. La caducité de la déclaration d’appel et le contrôle d’office
A. La saisine du premier président et la sanction automatique de caducité
La Cour détaille ensuite le formalisme inhérent à l’appel sur compétence, notamment la saisine du premier président. Elle rappelle que « l’article 84 du code de procédure civile déjà cité prévoit que lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire ». À cette exigence s’ajoute l’acheminement de l’instance d’appel, car « l’article 922 du même code dispose que la cour est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe. Cette remise doit être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration sera caduque ».
L’argumentation est mécaniquement menée. Constatant l’absence de saisine du premier président dans les formes et délais requis, la Cour déduit la sanction prévue par les textes. Elle statue que « dès lors, compte-tenu de la sanction prévue par les dispositions de l’article 84 précité, il convient de prononcer la caducité de la déclaration d’appel ». La sévérité de la solution procède du caractère accéléré de ce contentieux de compétence, qui ne supporte ni incertitude temporelle ni flottement procédural.
B. Le relevé d’office au visa de l’article 914 et ses incidences pratiques
La Cour assume enfin son office propre dans la conduite de l’instance d’appel, malgré l’intervention préalable du conseiller de la mise en état. Elle précise qu’« [elle] fait usage du pouvoir accordé par l’avant-dernier alinéa de l’article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-89 du 6 mai 2017 applicable, en relevant d’office ces moyens ». L’intervention d’office justifie que soient écartées les critiques tenant à un prétendu excès de pouvoir, dès lors que la répartition des compétences en cours d’instance est respectée.
Cette précision de méthode renforce la sécurité procédurale. Elle verrouille la discussion sur des incidents régis par des textes impératifs, en affermissant la lisibilité des prérogatives juridictionnelles. L’issue financière en découle logiquement: la partie appelante, défaillante dans l’observation des formes, supporte les dépens d’appel, tandis que l’équité conduit à rejeter les frais irrépétibles sollicités par l’intimée.
L’arrêt de la Cour d’appel de Bourges, le 5 septembre 2025, véhicule ainsi une double portée. Il réaffirme la nature subsidiaire de l’appel-nullité, indissociable de l’absence de voie de recours ouverte, et confirme la rigueur de la caducité en matière d’appel sur la compétence. La combinaison des articles 83, 84, 914 et 922 du code de procédure civile reçoit une application nette et pédagogique, qui incite les plaideurs à sécuriser, sans délai, la saisine du premier président et l’acheminement de l’instance.