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Par un arrêt du 5 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour d’appel de Bourges tranche un contentieux de résiliation judiciaire, assorti d’accessoires indemnitaires, né d’importants retards de salaire et de retenues d’indemnités journalières. Les juges du fond avaient prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur et alloué diverses sommes au titre de l’exécution déloyale, des effets de la rupture et des congés payés.
Les faits utiles tiennent à des salaires versés tardivement, dont celui de février réglé mi-avril, puis une absence de paiement persistante, alors même que l’intéressée était en arrêt de travail. L’employeur avait reçu, par subrogation, les indemnités journalières sans les reverser, aggravant une précarité signalée par courriers. Une tentative de conciliation échoua, faute de proposition immédiate et intégrale. La salariée saisit la juridiction prud’homale, puis intervint une inaptitude en cours d’instance d’appel, suivie d’un licenciement pour impossibilité de reclassement.
La procédure révèle deux thèses. L’employeur invoquait des difficultés de trésorerie, la régularisation intervenue avant le jugement, et demandait l’infirmation, y compris quant aux congés payés, prétendument réclamés pour la première fois en appel. La salariée sollicitait la confirmation de la résiliation judiciaire, une majoration des dommages-intérêts pour exécution déloyale, l’indemnité compensatrice de congés payés telle qu’actualisée, ainsi que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La question principale porte sur la qualification des manquements au paiement des salaires et au reversement des indemnités journalières, et sur l’incidence d’une régularisation tardive sur la demande de résiliation judiciaire. S’y ajoutent, d’une part, la détermination de l’indemnité due au titre d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dans une petite entreprise, et, d’autre part, l’indemnité compensatrice de congés payés, à la lumière de la loi du 22 avril 2024 et de ses conditions d’application.
La Cour d’appel confirme la déloyauté dans l’exécution du contrat et la résiliation judiciaire, fixe la date de la rupture au jour du licenciement, ajuste l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 2 500 euros et alloue 3 708,30 euros au titre des congés payés acquis avant l’arrêt de travail. Elle ordonne la remise des documents de fin de contrat, sans astreinte, et écarte la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté des demandes.
I. Les manquements contractuels et la résiliation judiciaire
A. La déloyauté caractérisée par le non-paiement des salaires et la rétention d’indemnités
La justification probatoire repose sur les retards avérés, la privation de ressources, puis la subrogation sollicitée au profit de l’employeur, sans reversement immédiat. La cour retient que l’état de trésorerie n’exonère ni du versement d’acomptes ni d’une diligence minimale, face à une précarité signalée. Elle souligne l’absence d’explication sur la rétention des indemnités journalières alors que les salaires n’étaient plus payés.
La motivation, nette, s’appuie sur la bonne foi d’exécution. La cour énonce: «Ces éléments caractérisent la déloyauté de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail ainsi que l’a exactement dit le conseil de prud’hommes.» La démonstration articule faits matériels et atteinte à une obligation essentielle, avec une stricte prise en compte des relances et de la chronologie des paiements.
B. La portée de la régularisation et l’appréciation de la gravité
La juridiction rappelle la grille d’analyse classique, en citant la référence récente: «Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement (Soc. 2 mars 2022, n° 20-14.099).» Elle précise aussitôt la limite méthodologique: «Il s’agit pour le juge prud’homal d’une simple faculté et la régularisation n’efface pas de facto la gravité des manquements commis.»
L’application au cas d’espèce est rigoureuse. La cour estime que les manquements, prolongés et touchant au paiement du salaire, empêchaient la poursuite de la relation. Elle affirme: «Il résulte de ces éléments que les manquements de l’employeur, dont la mauvaise foi a été ci-avant retenue, ont été d’une gravité telle qu’ils empêchaient la poursuite de la relation de travail.» La solution retenue découle: «La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.» La date de rupture est alignée sur celle du licenciement: «Y ajoutant, le licenciement ayant été notifié à la salariée le 27 février 2025, il convient de dire que la rupture est intervenue à cette date.»
II. Les conséquences indemnitaires et le traitement des congés payés
A. L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en petite entreprise
La cour applique l’article L. 1235-3 dans sa variante propre aux petites entreprises, en retenant l’épure du barème. Elle rectifie l’assiette des minima et maxima pour trois ans d’ancienneté, et écarte une fourchette erronée. Le quantum est fixé au regard de l’âge, des circonstances de la rupture et des pièces relatives à la situation d’emploi.
La motivation s’appuie sur une appréciation concrète du préjudice, tout en restant dans l’orbite de l’office barémisé. L’absence d’éléments sur le parcours post-rupture conduit à un montant de 2 500 euros, situé dans les bornes légales, sans extension spéculative. La démarche confirme que le contrôle de proportion se réalise in concreto, à l’aide d’indicateurs pertinents, mais sans s’émanciper du cadre normatif.
B. L’indemnité compensatrice de congés payés et la loi du 22 avril 2024
La cour commence par les droits acquis avant l’arrêt de travail, établis par les bulletins. Elle retient le solde de jours cumulés et rappelle la règle d’arrondi, en relevant que «Ce nombre n’étant pas entier, il doit être arrondi au nombre entier immédiatement supérieur en application de l’article L. 3141-7 du code du travail». L’indemnité correspondante est allouée à hauteur de 3 708,30 euros.
S’agissant de l’acquisition pendant la maladie non professionnelle, les juges rappellent le cadre légal tel que cité: «Le texte précité prévoit que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé […] 7° Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel.» Ils jugent toutefois le nouveau dispositif inapplicable au litige, la demande ayant été introduite avant la publication de la loi du 22 avril 2024, et ne se fondant que sur celle-ci. La position, prudente, circonscrit la portée temporelle du texte nouveau et borne l’indemnité à la seule fraction antérieurement acquise.
La décision rectifie enfin une qualification erronée opérée en première instance, en rappelant le régime propre des demandes de congés payés et en sanctionnant un grief procédural infondé. Elle note: «C’est cependant avec mauvaise foi qu’elle soulève cette fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d’une prétention en cause d’appel», avant d’infirmer ce chef et de statuer sur le quantum, conformément aux titres et justificatifs.
L’ensemble compose une solution mesurée. D’abord une clarification ferme du régime de la résiliation judiciaire face à des manquements essentiels. Ensuite une mise en ordre des accessoires financiers, entre barème d’indemnisation, jours de congés antérieurement acquis et champ d’application temporel de la réforme.