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La liquidation des indivisions nées d’un pacte civil de solidarité dissous constitue un contentieux récurrent devant les juridictions familiales. La détermination de l’indemnité d’occupation due par l’indivisaire occupant, ainsi que son étendue temporelle, soulèvent des difficultés pratiques auxquelles la cour d’appel de Caen a répondu dans un arrêt du 11 septembre 2025.
Deux personnes avaient conclu un pacte civil de solidarité enregistré le 13 mars 2009, optant pour le régime de l’indivision conventionnelle. Ce pacte fut rompu par déclaration conjointe le 2 décembre 2010. Par jugement du 19 août 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’Argentan avait ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision, désigné un notaire pour y procéder, rejeté la demande de jouissance gratuite formulée par l’occupante et précisé qu’il appartiendrait au notaire de déterminer la valeur de l’indemnité d’occupation due à l’indivision par l’indivisaire occupant seul le bien jusqu’à sa vente. Le 18 février 2021, le notaire commis établit un projet d’état liquidatif que l’ancien partenaire refusa d’approuver. Par acte du 21 juillet 2022, l’occupante assigna son coïndivisaire devant le juge aux affaires familiales d’Alençon aux fins d’homologation de ce projet.
Le magistrat de première instance, statuant le 9 janvier 2024, déclara l’occupante redevable d’une indemnité d’occupation de 208,50 euros mensuels pour la période du 19 août 2016 au 18 février 2021 et homologua pour le surplus le projet d’état liquidatif. Le coïndivisaire interjeta appel le 3 juin 2024, sollicitant le doublement du montant de l’indemnité d’occupation et son extension jusqu’à la vente du bien ou à la liquidation effective de l’indivision.
La cour d’appel de Caen devait déterminer si les demandes formulées pour la première fois en appel par le coïndivisaire étaient recevables, si le principe d’une indemnité d’occupation onéreuse pouvait être remis en cause malgré l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 19 août 2016, quel montant devait être retenu pour cette indemnité et jusqu’à quelle date elle devait courir.
La cour d’appel de Caen a infirmé partiellement le jugement entrepris, déclarant l’occupante redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation de 417 euros mensuels à compter du 19 août 2016 jusqu’à la date la plus proche du partage.
Cet arrêt appelle une analyse en deux temps. La cour précise d’abord les conditions de recevabilité des demandes nouvelles en matière de partage (I), avant de déterminer l’étendue de l’indemnité d’occupation due par l’indivisaire occupant (II).
I. La recevabilité élargie des demandes nouvelles en matière de partage
La cour d’appel de Caen consacre une conception souple de la recevabilité des demandes en matière de partage, en reconnaissant leur caractère défensif (A) et en écartant l’objection tirée du silence gardé lors des opérations notariales (B).
A. La qualification défensive des prétentions relatives au partage
L’intimée soulevait l’irrecevabilité des demandes de l’appelant pour nouveauté en appel, faisant valoir que celui-ci n’avait formulé aucune demande en première instance et que l’effet dévolutif ne pouvait porter que sur les chefs critiqués issus de ses propres demandes. La cour rejette cette fin de non-recevoir en rappelant qu’« en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement du passif et de l’actif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse ».
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui reconnaît la spécificité procédurale du contentieux du partage. La cour relève que les prétentions de l’appelant « tendent à accroître la masse indivise et, corrélativement, à diminuer les droits de [l’intimée] pour augmenter les siens ». Dès lors, ces prétentions « constituent des défenses destinées à faire écarter la demande d’homologation du projet d’état liquidatif formée par [l’intimée] ».
Cette analyse pragmatique permet d’éviter qu’un indivisaire défaillant en première instance se trouve privé de toute possibilité de contester les modalités du partage devant la cour. Elle garantit l’effectivité du droit au recours tout en préservant l’objectif d’un partage équitable entre coïndivisaires.
B. L’inefficacité du silence gardé lors des opérations notariales
L’intimée objectait que l’appelant n’avait jamais fait état d’une indemnité d’occupation lors des réunions avec le notaire et que son refus de signer l’état liquidatif procédait uniquement de son surendettement. La cour écarte cet argument en jugeant que « la circonstance que [l’appelant] n’ait pas expressément contesté ce point dans ses dires repris par le procès-verbal du 18 février 2021 […] ne l’empêche en rien de préciser aujourd’hui devant la cour l’objet et les motifs de son désaccord ».
Cette solution respecte la lettre des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile qui limitent l’irrecevabilité aux seules demandes distinctes de celles relatives aux points de désaccord subsistants évoqués dans le procès-verbal de difficultés. L’indication par l’indivisaire qu’il n’approuvait pas « les termes de l’état liquidatif » suffisait à maintenir ouverte la contestation sur l’ensemble des éléments du projet.
Cette interprétation libérale se justifie par la complexité technique des opérations liquidatives qui peut conduire un indivisaire non assisté à exprimer son désaccord de manière globale sans en détailler les motifs. Elle préserve ainsi le droit de chaque partie à faire valoir l’intégralité de ses arguments devant le juge du partage.
II. La détermination de l’étendue de l’indemnité d’occupation
La cour précise les règles gouvernant l’indemnité d’occupation due par l’indivisaire occupant, tant dans son montant (A) que dans sa durée (B).
A. Le calcul de l’indemnité due à l’indivision et non au coïndivisaire
Le premier juge avait retenu une indemnité mensuelle de 208,50 euros en appliquant une formule usuelle fondée sur 5,5% de la valeur du bien sous déduction d’un abattement de 20% pour précarité. La cour relève cependant que « l’application de cette formule n’aboutit pas au montant mensuel de 208,50 € retenu par le premier juge, ni même d’ailleurs à son double (417 €), mais précisément à la somme de 425,33 € ».
La cour rappelle le principe fondamental selon lequel « l’indemnité d’occupation est due à l’indivision, et non directement au coindivisaire non occupant, et ce même si elle doit ensuite être répartie dans un second temps entre les coindivisaires par le biais du partage ». Elle en déduit que le premier juge avait commis une erreur en fixant l’indemnité à hauteur de la seule quote-part revenant à chaque indivisaire.
Cette distinction entre créance de l’indivision et droits des indivisaires revêt une importance pratique considérable. L’indemnité d’occupation constitue un fruit civil qui accroît à la masse indivise avant d’être répartie lors du partage. La confusion opérée par le premier juge aboutissait à priver l’indivision de la moitié de cette créance au détriment de l’équilibre du partage.
B. L’extension temporelle jusqu’à la date de jouissance divise
Le premier juge avait borné l’indemnité d’occupation au 18 février 2021, date du procès-verbal de difficultés. La cour censure cette limitation en rappelant que « faute de partage à cette date, l’indivision s’est nécessairement poursuivie au-delà ». Elle juge que l’indemnité doit courir « jusqu’à la date de jouissance divise, soit jusqu’à la date la plus proche du partage, conformément à la règle posée par l’article 829 alinéa 2 » du code civil.
La cour écarte successivement les deux dates alternatives proposées par l’intimée. La date du 13 juillet 2013 retenue par le notaire ne pouvait prospérer dès lors que l’appelant s’y opposait et qu’il n’était pas établi que ce choix serait « plus favorable à la réalisation de l’égalité du partage ». La date du 18 février 2021 retenue par le premier juge ne pouvait davantage être maintenue pour les mêmes motifs.
Cette solution articule de manière cohérente les articles 815-9 et 829 du code civil. L’indemnité d’occupation compense l’usage privatif d’un bien indivis par l’un des coïndivisaires. Elle ne peut logiquement s’éteindre qu’avec l’indivision elle-même, soit à la date de jouissance divise qui, sauf circonstances particulières justifiant une date antérieure, doit être fixée au plus proche du partage effectif.