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Par un arrêt du 26 juin 2025, la cour d’appel de Caen s’est prononcée sur le recours personnel exercé par une société de cautionnement contre des emprunteurs défaillants, ainsi que sur l’inopposabilité à cette caution des exceptions tirées des conditions de la déchéance du terme et du calcul du taux effectif global.
Les faits à l’origine du litige sont les suivants. Par acte sous signature privée du 5 janvier 2010, une banque a consenti à deux époux deux prêts immobiliers, l’un d’un montant de 14 250 euros, l’autre de 145 820 euros. Une société de cautionnement avait accepté de garantir le remboursement de ces prêts le 26 novembre 2009. À la suite d’impayés, la banque a mis en demeure les emprunteurs le 17 mai 2016, puis a prononcé la déchéance du terme le 26 mai 2016. Le 14 février 2017, la caution a versé à la banque la somme de 152 226,88 euros.
La caution a assigné les emprunteurs devant le tribunal judiciaire de Caen le 17 novembre 2017 afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement de cette somme. Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal a condamné les époux à verser 143 826,88 euros avec intérêts au taux légal et a rejeté leurs demandes de délais de paiement. Les emprunteurs ont relevé appel, contestant notamment la régularité de la déchéance du terme et invoquant des irrégularités dans le calcul du taux effectif global. La question posée à la cour était de déterminer si les débiteurs principaux peuvent opposer à la caution, agissant sur le fondement de son recours personnel après paiement, les exceptions qu’ils auraient pu faire valoir contre le créancier initial.
La cour d’appel de Caen confirme le jugement entrepris sur ce point et juge que les emprunteurs ne peuvent opposer à la caution les moyens de défense tirés de l’irrégularité de la déchéance du terme et du mode de calcul du taux annuel effectif global. Elle infirme toutefois la décision en ce qu’elle avait rejeté la demande de condamnation au paiement des frais d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire.
L’intérêt de cet arrêt réside dans la clarification du régime du recours personnel de la caution après paiement et dans l’affirmation du principe d’inopposabilité des exceptions non libératoires. Il convient d’examiner successivement le fondement du recours personnel de la caution ayant payé (I), puis le régime des exceptions opposables aux actions en remboursement (II).
I. Le recours personnel de la caution ayant payé : un fondement autonome
La cour d’appel de Caen rappelle le cadre juridique applicable au recours de la caution solvens (A), avant de préciser les conditions de mise en œuvre de ce recours (B).
A. Le cadre juridique du recours après paiement
La cour fonde sa décision sur l’article 2305 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021. Elle rappelle que « la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur ». Ce recours personnel se distingue du recours subrogatoire prévu à l’article 2306 ancien du même code. Le choix du fondement n’est pas neutre. Le recours personnel trouve sa source dans le paiement effectué par la caution et crée une créance propre à son profit. Il ne s’agit pas d’une transmission des droits du créancier initial mais de la naissance d’une obligation nouvelle à la charge du débiteur principal.
La cour précise l’étendue de ce recours en citant le texte applicable. Il « a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ». La caution peut ainsi réclamer l’intégralité des sommes qu’elle a versées au créancier pour le compte du débiteur défaillant.
B. Les conditions de mise en œuvre du recours
En l’espèce, la société de cautionnement avait payé la somme de 152 226,88 euros à la banque le 14 février 2017 en exécution de son engagement. La cour relève que ce paiement est intervenu « après avoir avisé les débiteurs principaux de la demande de paiement effectuée par la banque sans que ceux-ci ne formulent aucune contestation des créances en cause ». Cette circonstance revêt une importance particulière au regard de l’article 2308 ancien du code civil. Ce texte prive la caution de son recours contre le débiteur lorsqu’elle a payé sans être poursuivie et sans avoir averti ce dernier, dans le cas où celui-ci aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.
La notification préalable aux débiteurs principaux permettait à ces derniers de faire valoir d’éventuels moyens d’extinction de leur obligation. Leur silence valait reconnaissance implicite de l’exigibilité de la dette. La caution a ainsi respecté les conditions de mise en œuvre de son recours personnel.
II. L’inopposabilité des exceptions non libératoires au recours personnel
La cour d’appel de Caen consacre le principe d’inopposabilité des exceptions à la caution agissant sur son recours personnel (A), principe dont elle tire les conséquences sur les moyens soulevés par les emprunteurs (B).
A. Le principe d’inopposabilité consacré par la jurisprudence
La cour s’appuie sur deux arrêts récents de la première chambre civile de la Cour de cassation. Elle cite la décision du 14 février 2024 selon laquelle « le débiteur ne peut opposer à la caution, qui exerce son recours personnel, les exceptions qu’il aurait pu opposer au créancier telle une irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n’étant pas une cause d’extinction de ses obligations ». Elle mentionne également l’arrêt du 4 avril 2024 qui énonce que « lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur principal ne peut lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l’égard du créancier ».
Cette jurisprudence opère une distinction fondamentale entre les moyens de défense. Seules les exceptions qui auraient permis de faire « déclarer la dette éteinte » au sens de l’article 2308 ancien peuvent être opposées à la caution. Les autres moyens, qui auraient pu modifier les conditions d’exigibilité ou le montant de la créance sans l’éteindre, demeurent inopposables.
B. L’application aux moyens tirés de la déchéance du terme et du taux effectif global
Les emprunteurs soulevaient deux séries d’arguments. Ils contestaient d’abord la régularité de la déchéance du terme prononcée par la banque. Ils invoquaient ensuite des irrégularités dans le calcul du taux annuel effectif global, notamment l’utilisation d’une année lombarde au lieu de l’année civile.
La cour juge que « les époux ne peuvent opposer à la société de cautionnement les exceptions et moyens de défense tirés de l’irrégularité de la déchéance du terme et du mode de calcul du taux annuel effectif global ». L’irrégularité de la déchéance du terme, à la supposer établie, n’aurait pas éteint l’obligation des emprunteurs. Elle aurait seulement reporté l’exigibilité de la dette. La nullité ou la déchéance du droit aux intérêts conventionnels n’aurait pas davantage fait disparaître l’obligation de remboursement du capital. Ces moyens ne constituent pas des causes d’extinction de la dette au sens de l’article 2308 ancien.
La portée de cet arrêt s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle favorable à la protection de la caution solvens. Elle confirme que le recours personnel confère à la caution une position plus avantageuse que le recours subrogatoire. Le débiteur principal qui n’a pas réagi lors de la notification du paiement ne saurait ensuite paralyser le recours de la caution en invoquant des moyens qu’il a négligé de faire valoir en temps utile.