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Par un arrêt du 26 juin 2025, la Cour d’appel de Cayenne s’est prononcée sur la contestation d’une saisie-attribution formée par une débitrice à l’encontre d’un établissement bancaire. Cette décision illustre les limites des pouvoirs du juge de l’exécution face à un titre exécutoire définitif.
Une personne avait été condamnée par un arrêt de la Cour d’appel de Fort-de-France du 16 février 2016 à payer à un établissement bancaire la somme de 108 344,34 euros, outre intérêts et capitalisation. Le pourvoi formé contre cette décision avait été rejeté par la Cour de cassation le 14 mars 2018. Le 7 juin 2023, la banque procédait à une saisie-attribution à exécution successive entre les mains de l’employeur de la débitrice ainsi qu’à une saisie des droits d’associé. La débitrice assignait alors la banque devant le juge de l’exécution aux fins d’annulation et de mainlevée de ces mesures, invoquant notamment le caractère abusif de la saisie. Par jugement du 13 novembre 2023, le juge de l’exécution rejetait l’ensemble de ses demandes. La débitrice interjetait appel.
Devant la Cour d’appel de Cayenne, l’appelante soutenait que la créance avait été partiellement éteinte par la réalisation d’une garantie hypothécaire et contestait être personnellement tenue d’une dette qui incomberait à une société tierce. Elle sollicitait en outre des dommages-intérêts pour saisie abusive. L’établissement bancaire opposait qu’il avait régulièrement poursuivi l’exécution de sa créance depuis 2016 et que les arguments de la débitrice tendaient en réalité à remettre en cause le titre exécutoire.
La question posée à la Cour était de déterminer si le juge de l’exécution pouvait accueillir une contestation fondée sur des moyens tendant à modifier la portée du titre exécutoire servant de fondement aux poursuites, et si les mesures d’exécution pouvaient être qualifiées d’abusives.
La Cour d’appel de Cayenne confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Elle rappelle que « le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution ». Elle relève que les saisies ont été « diligentées sur le fondement d’un arrêt rendu le 16 février 2016 » et que la débitrice « ne démontre aucune négligence de la part de la banque, tant dans la tentative d’exécution de son recouvrement ».
L’intangibilité du titre exécutoire devant le juge de l’exécution constitue le premier aspect déterminant de cette décision (I), tandis que le rejet de la qualification de saisie abusive en présence de diligences régulières du créancier en forme le second aspect (II).
I. L’intangibilité du titre exécutoire, fondement de l’incompétence du juge de l’exécution pour connaître des contestations de fond
La Cour rappelle avec fermeté les limites des pouvoirs du juge de l’exécution en matière de contestation des titres (A), avant d’écarter les tentatives de remise en cause indirecte du fondement de la créance (B).
A. Le rappel des limites légales des pouvoirs du juge de l’exécution
La Cour d’appel de Cayenne fonde son analyse sur l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution. Elle cite expressément cette disposition selon laquelle « le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution ».
Ce principe constitue une règle cardinale du droit de l’exécution forcée. Le juge de l’exécution est un juge du contrôle de la régularité des mesures d’exécution et non un juge du fond de la créance. Cette limitation fonctionnelle préserve l’autorité de chose jugée attachée aux décisions de justice devenues définitives. En l’espèce, le titre exécutoire résultait d’un arrêt de la Cour d’appel de Fort-de-France confirmé par le rejet du pourvoi en cassation. La débitrice ne pouvait donc plus contester la réalité ou le quantum de sa condamnation.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui veille à ce que les contestations portées devant le juge de l’exécution ne deviennent pas un moyen détourné de remettre en cause des décisions passées en force de chose jugée.
B. Le rejet des arguments tendant à modifier la portée du titre exécutoire
L’appelante soutenait que la dette concernait en réalité une société tierce et qu’une garantie hypothécaire avait partiellement éteint la créance. La Cour observe que ces arguments reviennent à « tenter de remettre en cause l’arrêt du 16 février 2016 ».
Cette qualification revêt une importance particulière. Les moyens invoqués par la débitrice ne portaient pas sur la régularité formelle des actes d’exécution mais sur le fond même de l’obligation constatée par le titre. La Cour relève que les saisies ont été « diligentées sur le fondement d’un arrêt » comportant une condamnation personnelle de la débitrice. Dès lors, contester le principe de l’obligation personnelle revenait à contester le titre lui-même.
La Cour sanctionne ainsi ce que l’intimée qualifiait d’« élucubrations » de la débitrice. Cette formulation, reprise dans les motifs, traduit la sévérité de l’appréciation portée sur une stratégie processuelle consistant à multiplier les recours pour échapper à l’exécution d’une condamnation définitive.
L’affirmation des limites du juge de l’exécution conduit naturellement à examiner le second grief de l’appelante relatif au caractère prétendument abusif des mesures d’exécution.
II. Le rejet de la qualification de saisie abusive face aux diligences régulières du créancier
La Cour écarte le grief de saisie abusive en constatant les efforts de recouvrement du créancier (A), puis en appliquant les principes régissant la responsabilité en matière d’exécution forcée (B).
A. La constatation des diligences persistantes du créancier
La Cour relève que « la BNP Paribas qui a engagé une procédure de saisie sur indemnités de l’année 2016 jusqu’à l’année 2021 ne saurait être considérée comme défaillante dans l’exécution de sa créance ». Cette observation factuelle revêt une portée juridique déterminante.
L’établissement bancaire avait d’abord procédé à une saisie-attribution sur les indemnités perçues par la débitrice auprès du Conseil économique, social et environnemental. Cette mesure, effective à compter du 8 octobre 2018, avait permis de recouvrer une somme totale de 5 762,75 euros. Face à l’insuffisance de ces versements pour éteindre la créance, la banque avait poursuivi ses diligences par les saisies de 2023.
Cette chronologie démontre que le créancier n’était pas resté inactif. Il avait utilisé les voies d’exécution disponibles de manière continue. L’écoulement du temps ne résultait donc pas d’une négligence mais de la modicité des sommes saisissables.
B. L’absence de faute dans l’exercice du droit de saisie
L’article L. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution permet au juge de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. La Cour constate que la débitrice « ne démontre aucune négligence de la part de la banque ».
La charge de la preuve incombait à l’appelante. Elle devait établir soit une intention de nuire, soit une légèreté blâmable dans l’exercice des voies d’exécution. Or, le créancier disposait d’un titre exécutoire définitif et poursuivait légitimement le recouvrement d’une créance demeurée impayée. La multiplicité des mesures d’exécution ne caractérise pas en soi un abus. Elle traduit au contraire l’exercice normal du droit de poursuivre l’exécution sur l’ensemble des biens du débiteur.
La solution retenue par la Cour d’appel de Cayenne s’inscrit dans une conception équilibrée du droit de l’exécution. Elle protège le créancier titulaire d’une décision définitive contre les manœuvres dilatoires tout en rappelant que le juge de l’exécution demeure compétent pour sanctionner les abus véritables. En l’espèce, aucun élément ne permettait de caractériser un tel abus. La confirmation du jugement s’imposait.