Cour d’appel de Cayenne, le 4 août 2025, n°24/00008

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Cour d’appel de Cayenne, 4 août 2025. Le litige oppose une société exerçant une activité de pêche à son expert-comptable, à la suite d’une vérification sur les exercices 2015 à 2017 ayant conduit à une proposition de rectification et à un rehaussement du résultat de 2017, puis à une imposition complémentaire. La société et son gérant recherchaient la responsabilité contractuelle du cabinet pour diverses erreurs alléguées, dont l’omission d’une subvention du FEAMP de 76 676,26 euros et l’imputation de 381 428,65 euros au compte courant d’associé, en sollicitant l’indemnisation du principal fiscal et des intérêts de retard, ainsi qu’un préjudice moral. Le tribunal mixte de commerce a rejeté l’essentiel des demandes. L’appel vise la réformation, tandis que l’intimé conteste l’intérêt à agir et nie toute faute génératrice d’un préjudice réparable.

La cour rappelle d’abord l’exigence d’un intérêt à agir. Elle cite que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention » et ajoute qu’« il est admis que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action ». Dès lors, la société cocontractante, directement concernée par la rectification affectant ses associés, justifie d’un intérêt à agir. Sur le fond, l’arrêt admet une faute de l’expert-comptable quant à l’absence de comptabilisation de la subvention, mais écarte toute faute relative aux écritures de compte courant faute de justificatifs communiqués à l’administration. Sur le préjudice, la cour énonce que « l’imposition due au titre de la rectification fiscale ne constitue pas un préjudice indemnisable, puisque l’imposition telle que recalculée est en réalité celle dont la société aurait dû s’acquitter ». La société, soumise à la translucidité fiscale, ne prouve pas une atteinte patrimoniale propre. Le préjudice moral allégué par le dirigeant n’est pas établi. Le jugement est confirmé, avec ajustement des frais irrépétibles.

I. Le sens de la décision

A. L’intérêt à agir du cocontractant en contexte de translucidité fiscale

La cour précise le cadre processuel en rappelant littéralement que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». Elle en déduit que l’intérêt n’exige pas, au seuil, la démonstration du bien-fondé, ainsi qu’elle le souligne en reprenant que « il est admis que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action ». La qualité de cocontractant, adossée à l’objet du contrat de mission portant sur la tenue et la présentation des comptes et déclarations, confère un intérêt à agir pour contester des manquements imputés au prestataire.

L’arrêt rattache cet intérêt à la structure fiscale de la société, dont les résultats sont imposés entre les mains des associés. Il retient que la rectification litigieuse, bien que juridiquement supportée par les associés, affecte la société quant à la cohérence et la régularité de ses comptes. Ce lien suffit à admettre l’intérêt procédural, sans préjuger du bien-fondé des demandes indemnitaires.

B. La faute comptable caractérisée et l’absence de préjudice indemnisable du principal fiscal

Sur la faute, la cour se réfère au standard de diligence de l’expert-comptable, en visant que « sur ce fondement, il est admis que la responsabilité de l’expert-comptable peut notamment être engagée lorsqu’il s’est abstenu de tenir la comptabilité pendant un laps de temps important (…) ou encore lorsqu’il ne s’est pas assuré que les documents comptables sur la base desquels il travaillait avaient été correctement établis ». L’omission de comptabiliser la subvention, alors que les relevés bancaires étaient disponibles, caractérise un manquement contractuel, distinct de la question des écritures en compte courant, écartée faute de pièces justificatives communiquées à l’administration.

Sur le dommage, la motivation est nette. La cour énonce que « l’imposition due au titre de la rectification fiscale ne constitue pas un préjudice indemnisable, puisque l’imposition telle que recalculée est en réalité celle dont la société aurait dû s’acquitter ». Elle en déduit que le principal rehaussé n’ouvre pas droit à réparation, et que la société, structure translucide, ne prouve aucun préjudice propre. Les intérêts de retard ne sont pas davantage réparables au bénéfice de la société, leur charge effective résultant d’une imposition complémentaire supportée par les associés.

II. Valeur et portée de la solution

A. Conformité aux principes régissant la réparation en matière fiscale et la responsabilité de l’expert-comptable

La solution s’inscrit dans une ligne constante distinguant la faute de la réparation. L’arrêt admet un manquement technique précis, sans confondre ce constat avec l’existence d’un préjudice juridiquement indemnisable. Le rappel selon lequel l’impôt légalement dû n’est jamais un dommage est conforme à une conception stricte du lien de causalité et à la finalité de l’intérêt de retard, qui compense l’avantage temporel de trésorerie.

La décision consolide aussi la méthode probatoire en matière de comptes courants d’associés. En l’absence de justificatifs remis à l’administration, l’inscription comptable litigieuse ne peut être imputée au professionnel à titre fautif. La charge de la preuve du fait générateur et du dommage reste rigoureusement répartie, ce qui préserve l’économie de la responsabilité contractuelle du conseil.

B. Incidences pratiques pour les sociétés translucides et articulation des chefs de préjudice

L’arrêt trace une frontière nette pour les sociétés translucides. Lorsque le rehaussement se répercute exclusivement chez les associés, la société ne peut revendiquer la réparation du principal ni des intérêts de retard, faute de préjudice propre. En pratique, les prétentions indemnitaires devront, le cas échéant, être portées par les associés directement, sous réserve de prouver un lien causal avec une faute du conseil et un chef de dommage autonome.

La motivation laisse toutefois ouverte l’indemnisation d’autres postes, tels que des pénalités spécifiques ou des frais exposés en pure perte, si leur cause réside dans un manquement du professionnel et s’ils pèsent sur le demandeur. Ici, ni une majoration autonome ni un trouble moral démontré ne sont établis. La portée de l’arrêt tient ainsi à la confirmation d’un triptyque exigeant: faute caractérisée, préjudice réparable distinct de l’impôt dû, et imputabilité certaine à la victime procédant. En ce sens, la solution éclaire la rédaction des lettres de mission et la gouvernance probatoire lors des contrôles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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