- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
La cour d’appel de Cayenne, par arrêt du 4 septembre 2025, statue sur un litige opposant un établissement bancaire à un emprunteur défaillant dans le cadre de deux prêts personnels à la consommation. L’affaire soulève la question de la recevabilité de l’action en paiement du prêteur au regard du délai biennal de forclusion prévu par le code de la consommation.
Un particulier avait souscrit deux prêts personnels auprès d’un établissement bancaire, le premier en juillet 2020 pour un montant de 4 000 euros et le second en décembre 2020 pour un montant de 21 000 euros. Face aux impayés, la banque avait adressé une mise en demeure le 27 septembre 2022 puis notifié la déchéance du terme le 2 décembre 2022. Par acte du 8 février 2023, elle avait assigné l’emprunteur devant le juge des contentieux de la protection de Cayenne en paiement des sommes dues.
Par jugement du 1er juin 2023, le juge des contentieux de la protection avait déclaré irrecevables les demandes de la banque au motif que l’absence d’historiques de prêts versés aux débats rendait impossible la vérification du délai de forclusion. La banque a interjeté appel de cette décision le 26 janvier 2024.
Devant la cour, l’appelante sollicitait l’infirmation du jugement et la condamnation de l’emprunteur au paiement des sommes restant dues au titre des deux prêts. L’intimé, régulièrement assigné, ne s’est pas constitué.
La question posée à la cour était de savoir si l’action en paiement engagée par le prêteur était recevable au regard du délai de forclusion biennal, et dans l’affirmative, de déterminer le montant de la créance.
La cour d’appel infirme le jugement entrepris. Elle constate que les historiques de règlement produits en appel permettent d’établir que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu en août 2022 pour le premier prêt et en juin 2022 pour le second. L’action ayant été introduite le 8 février 2023, elle est recevable. Sur le fond, la cour fait droit aux demandes de la banque et condamne l’emprunteur au paiement des sommes dues en principal, intérêts et clause pénale.
L’arrêt présente un intérêt certain quant à l’articulation entre la charge de la preuve et le délai de forclusion en matière de crédit à la consommation (I), ainsi que sur les modalités de liquidation de la créance du prêteur après déchéance du terme (II).
I. La recevabilité de l’action en paiement : charge probatoire et délai de forclusion
L’arrêt précise les contours de l’obligation probatoire pesant sur le prêteur (A) avant d’examiner le point de départ du délai de forclusion (B).
A. L’exigence d’un historique de compte pour apprécier la recevabilité
L’article R. 312-35 du code de la consommation soumet l’action en paiement du prêteur à un délai de forclusion de deux ans courant à compter « de l’événement qui leur a donné naissance ». Le premier juge avait déclaré l’action irrecevable en l’absence d’historiques de prêts au dossier, estimant que cette carence rendait « la vérification du délai de forclusion impossible ».
La cour d’appel rappelle le principe posé par l’article 1315 du code civil selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Elle constate que la banque a versé en appel deux historiques de règlement distincts comportant les échéances depuis l’origine des prêts. La production de ces pièces permet désormais de vérifier le respect du délai légal.
Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant du prêteur qu’il établisse la date du premier incident de paiement non régularisé. Le juge ne peut suppléer d’office cette carence probatoire, mais il ne saurait davantage prononcer l’irrecevabilité sans permettre au demandeur de compléter son dossier en appel. La recevabilité de pièces nouvelles en cause d’appel trouve ici sa pleine justification pratique.
B. La détermination du point de départ du délai biennal
La cour relève que les historiques produits comportent une « anomalie ne laissant pas apparaître les échéances des mois de mai et juin 2022 » pour le premier prêt et « des mois de mars à mai 2022 » pour le second. Elle refuse néanmoins d’en déduire la forclusion de l’action.
Le raisonnement repose sur l’identification précise du premier incident de paiement non régularisé : le 10 août 2022 pour le prêt de 4 000 euros et le 28 juin 2022 pour celui de 20 000 euros. L’assignation du 8 février 2023 intervient donc dans le délai de deux ans pour chacun des prêts.
Cette solution mérite approbation. Le délai de forclusion court non pas de tout incident de paiement, mais du premier incident non régularisé ultérieurement. Une lacune documentaire portant sur des mois antérieurs ne fait pas obstacle à cette détermination dès lors que les échéances litigieuses apparaissent clairement sur les historiques. La cour privilégie ainsi une analyse concrète des documents plutôt qu’un rejet mécanique fondé sur leur imperfection formelle.
II. La liquidation de la créance après déchéance du terme : mécanisme et quantum
La régularité de la déchéance du terme conditionne l’exigibilité anticipée (A), tandis que le calcul de la créance obéit aux règles protectrices du droit de la consommation (B).
A. Les conditions de validité de la déchéance du terme
L’article L. 312-39 du code de la consommation autorise le prêteur, en cas de défaillance de l’emprunteur, à « exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ». La jurisprudence subordonne toutefois cette faculté à la délivrance préalable d’une mise en demeure précisant le délai accordé pour régulariser.
La cour constate que la banque a « régulièrement informé » le débiteur par lettre recommandée du 27 septembre 2022, lui accordant un délai de dix jours pour régulariser. La mise en demeure étant « restée sans effet », la déchéance du terme notifiée le 2 décembre 2022 est déclarée « régulière ».
Cette vérification systématique des conditions de la déchéance traduit le contrôle exercé par les juridictions sur le respect des garanties procédurales dues au consommateur. L’exigence d’une mise en demeure préalable constitue une protection substantielle contre les déchéances abusives. Son absence aurait privé la créance de son caractère exigible.
B. Le calcul des sommes dues et la modération de l’indemnité conventionnelle
La cour procède à une liquidation détaillée de la créance pour chaque prêt. Elle retient les échéances impayées, le capital restant dû à la date de la déchéance et l’indemnité de 8 % prévue par l’article D. 312-16 du code de la consommation. Les sommes allouées s’élèvent à 1 406,31 euros en principal et 74,04 euros de clause pénale pour le premier prêt, 17 860,90 euros en principal et 1 212,86 euros de clause pénale pour le second.
L’arrêt distingue le régime des intérêts selon la nature des sommes : les montants en principal produisent intérêt au taux contractuel à compter de la déchéance du terme, tandis que la clause pénale porte intérêt au taux légal. Cette différenciation respecte la lettre de l’article L. 312-39 qui limite la majoration au « taux égal à celui du prêt » pour les seules « sommes restant dues ».
La cour rejette en revanche la demande relative au solde débiteur du compte courant. Elle relève que le dernier relevé produit indique un solde créditeur de 109,42 euros. Cette rigueur dans l’examen des pièces illustre le contrôle exercé sur la réalité de chaque chef de créance, même en l’absence de contestation du débiteur défaillant.