Cour d’appel de Chambéry, le 3 juillet 2025, n°23/01515

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La Cour d’appel de Chambéry, 3 juillet 2025, n° RG 23/01515, statue sur un litige relatif au temps partiel d’un joueur pluriactif employé par une association sportive évoluant en Fédérale 1. Le contrat à durée déterminée, conclu pour une saison avec option reconduite, prévoyait 75,83 heures mensuelles, la possibilité d’une modulation d’un tiers et l’engagement de transmettre un programme indicatif. Le contrat est allé à son terme, après une longue période d’arrêt de travail, sans renouvellement. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour requalification en temps plein, rappels de salaire, indemnité de congés payés, et restitution de retenues. Le premier juge l’a débouté, en retenant une procédure abusive d’un faible montant, et a rejeté la demande reconventionnelle d’atteinte morale. L’appel interroge à nouveau le formalisme du temps partiel sportif, la preuve du droit aux congés, et la licéité de certaines compensations.

La question de droit centrale concerne la sanction encourue en cas de manquement aux exigences d’information du temps partiel, dans un cadre conventionnel sectoriel aménagé, et les modalités de renversement de la présomption de temps plein. S’y ajoutent une interrogation sur la charge probatoire en matière de congés payés, au regard de l’exigence de diligence de l’employeur, et sur la portée de l’exception légale de compensation sur salaire. La solution confirme le rejet de la requalification, faute de mise à disposition permanente et d’imprévisibilité, refuse l’indemnité de congés payés, mais ordonne la restitution partielle de retenues non justifiées, écarte les dommages et intérêts complémentaires et la procédure abusive.

**I. Temps partiel sportif: formalisme et présomption renversable**

La relation de travail relevait de la convention collective nationale du sport et de l’accord sectoriel Fédérale 1. Le juge d’appel réaffirme d’abord l’exigence de formalisme tirée du Code du travail. Il cite que « Aux termes de l’article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne : ». Le rappel porte, en pratique, sur la durée du travail, sa répartition, les modalités de communication écrite des horaires et les limites des heures complémentaires. Le contrat visé mentionnait la modulation possible et l’engagement de remettre un programme indicatif, mais ne précisait pas la répartition hebdomadaire ni les modalités concrètes de transmission hebdomadaire.

Le contrôle se prolonge par l’articulation avec les textes conventionnels. La Cour retient que « Il résulte de l’analyse des différentes dispositions susvisées que l’employeur est dans l’obligation de communiquer au salarié un planning annuel indicatif avant le premier entrainement collectif au plus tard, un planning de ses des entraînements pour chaque semaine travaillée en respectant un délai de prévenance de 5 jours et que selon le contrat de travail l’employeur s’est engagé à le lui remettre au salarié par écrit. » Elle en déduit une finalité protectrice essentielle du temps partiel sportif, rappelant que « L’objectif des dispositions légales reprises par les conventions collective nationale du sport et l’accord collectif étant de permettre au joueur à temps partiel de pouvoir cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein et que donc il puisse être mis en mesure de prévoir son rythme de travail et ne soit pas à la disposition permanente de l’employeur. » La norme sectorielle ne déroge donc pas à l’exigence d’anticipation, mais l’organise en articulation avec le calendrier sportif.

La Cour constate ensuite que la transmission effective des plannings n’était pas établie en temps utile. Elle relève, toutefois, le régime probatoire propre au temps partiel. Elle juge que « Toutefois, il n’est pas démontré que le planning des matchs et le planning d’entrainement annuel indicatif aient été effectivement transmis au salarié et ce avant le premier entrainement collectif, le contrat de travail étant dès lors présumé à temps plein à charge pour l’employeur d’apporter la preuve contraire d’une part que le salarié réalisait la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition. » La présomption joue donc, mais elle demeure réfragable selon deux axes complémentaires, portant sur la durée effectivement accomplie et la prévisibilité du rythme.

Le renversement de la présomption intervient, en l’espèce, par l’analyse de la prévisibilité concrète. La Cour relève que le salarié occupait parallèlement un emploi à temps complet et avait sollicité une quotité contractuelle lui permettant ce cumul. Les éléments d’organisation sportive, bien que parfois notifiés tardivement, s’inscrivaient dans un calendrier connu et compatible avec l’autre activité déclarée. L’absence de mise à disposition permanente, appréciée au regard de la capacité à prévoir le rythme, justifie le maintien du temps partiel. La requalification est donc écartée, nonobstant les déficiences initiales de transmission, en raison d’une preuve contraire suffisante.

**II. Congés payés et retenues: charge probatoire et limites**

Le contentieux des congés payés appelle un rappel de principe sur les diligences de l’employeur. La Cour retient que « Il résulte de ces textes qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. » Elle constate, au vu des compteurs actualisés et des périodes imposées par la réglementation sportive, que des jours avaient été pris et qu’un reliquat a été soldé. L’indemnité compensatrice supplémentaire est donc refusée, l’exécution du droit au repos résultant des pièces produites et de la présentation rectifiée des bulletins.

Les retenues opérées sur la rémunération doivent ensuite être éprouvées au regard du régime de la compensation salariale. La Cour rappelle que « Selon les articles L. 3251-1 et L. 3251-2 du code du travail, l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature mais par dérogation aux dispositions de l’article L. 3251-1, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l’employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants : ». Elle exige aussi la preuve des paiements effectués, énonçant que « Il incombe à l’employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé et lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire. » Sur cette base, le remboursement échelonné d’une avance est validé, pièces à l’appui. En revanche, les retenues au titre d’une licence et d’une dotation ne sont admises qu’à concurrence des éléments dûment justifiés, entraînant la restitution partielle de 517 euros.

Les demandes accessoires reçoivent un traitement mesuré. La demande de dommages et intérêts pour non-paiement intégral est rejetée, faute de préjudice distinct démontré au-delà des sommes restituées. La demande reconventionnelle pour procédure abusive est également écartée, en l’absence de faute caractérisée et de préjudice établi. La remise des documents de fin de contrat est ordonnée, sans astreinte, et la charge des dépens d’appel est supportée par l’employeur, chaque partie gardant ses frais irrépétibles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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