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Par un arrêt du 04 septembre 2025, la Cour d’appel de Chambéry, chambre sociale, tranche un litige strictement procédural portant sur l’effet dévolutif de l’appel. La juridiction devait dire si une déclaration d’appel dépourvue de l’énumération des chefs expressément critiqués dessaisit la cour d’appel de toute connaissance du fond.
Le litige prend naissance à la suite d’un licenciement pour faute grave, notifié en juin 2022 à un salarié engagé en contrat à durée indéterminée depuis 2018 dans une entreprise de jardinerie. Par jugement du 19 octobre 2023, le Conseil de prud’hommes d’Annecy juge le licenciement fondé et déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes indemnitaires, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appel est interjeté le 21 décembre 2023. L’intimée oppose l’absence d’effet dévolutif, soutenant que la déclaration d’appel ne vise pas les chefs de jugement critiqués. L’appelant réplique qu’il a demandé la réformation du jugement, ce qui satisferait selon lui la finalité de l’appel, et revendique la recevabilité de ses conclusions.
La question posée est claire. Une déclaration d’appel se limitant à solliciter la réformation du jugement, sans désigner les chefs expressément critiqués, produit‑elle l’effet dévolutif exigé par les articles 901 et 562 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la cause, en l’absence de régularisation dans les délais?
La cour rappelle la règle en des termes nets. D’une part, « L’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ». D’autre part, « Il en ressort que la déclaration d’appel doit comporter l’indication des chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité ». Constatant que l’appelant a seulement indiqué « sollicite la réformation du jugement […] estimant que les faits […] ne sont pas démontrés et, qu’en conséquence, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse », puis précisant encore qu’« Il n’est pas possible d’étendre l’objet de l’appel à de nouveaux chefs de jugement dans les premières conclusions », la cour écarte toute régularisation, le « nouvel article 915-2 du code de procédure civile […] n’est pas applicable à l’instance en cours ». La solution s’impose dès lors par une formule décisive : « l’effet dévolutif n’a pas opéré et la cour d’appel n’est pas valablement saisie ».
I. Le sens de la décision
A. L’encadrement légal de la dévolution en appel
Le cœur de l’arrêt tient à la délimitation de l’objet de l’appel par la déclaration introductive. La cour cite le texte cardinal, selon lequel « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément », ce qui neutralise toute approche générale ou allusive. La mention abstraite d’une « réformation » du jugement, si elle rappelle l’article 542, ne dispense pas de lister les chefs entrepris, seuls aptes à cerner la dévolution réelle du litige.
La solution est confirmée par l’exigence autonome de l’article 901, ici mobilisée dans sa rédaction applicable. La cour en extrait la conséquence normative en ces termes : « Il en ressort que la déclaration d’appel doit comporter l’indication des chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité ». L’exigence, à peine d’inefficacité de la saisine, organise la lisibilité du litige, protège l’économie procédurale et borne l’office du juge d’appel.
B. L’application aux données de l’espèce
La déclaration d’appel retenue par la cour se réduit à une formule générale, reproduite fidèlement : l’appelant « sollicite la réformation du jugement […] estimant que les faits […] ne sont pas démontrés et, qu’en conséquence, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ». Cette rédaction, centrée sur l’issue souhaitée, ne désigne aucun chef du jugement prud’homal, ni principal ni accessoire, et échoue à opérer la dévolution.
La juridiction écarte toute correction a posteriori. Elle affirme sans ambiguïté qu’« Il n’est pas possible d’étendre l’objet de l’appel à de nouveaux chefs de jugement dans les premières conclusions », et précise que le mécanisme assouplissant issu du décret de décembre 2023 n’est pas mobilisable dans cette instance. La conclusion logique en découle immédiatement : « l’effet dévolutif n’a pas opéré et la cour d’appel n’est pas valablement saisie ».
II. Valeur et portée de la solution
A. Une rigueur procédurale conforme à la sécurité des débats
La solution manifeste une fidélité stricte au texte et à la finalité de l’appel, qui n’est pas une voie de réexamen global mais un recours circonscrit. L’exigence de « chefs […] expressément critiqués » garantit la prévisibilité du litige d’appel et la maîtrise de l’instance par les parties, tout en évitant une reouverture indéterminée du procès de première instance.
Ce formalisme, souvent qualifié de rigoureux, se justifie par la sécurité juridique et la nécessité d’une saisine claire de la cour. Il ne heurte pas le droit au recours, dès lors que l’appelant dispose de la faculté d’identifier précisément les chefs, puis de régulariser dans les délais lorsque le droit positif le permet. À défaut, la sanction s’attache non à la prétention, mais à la défaillance de la saisine.
B. Des incidences pratiques renforcées par le calendrier procédural
L’arrêt envoie un signal opérationnel aux praticiens. La déclaration d’appel doit être rédigée avec une vigilance accrue, en visant distinctement les chefs du dispositif et, le cas échéant, ceux qui en dépendent. À défaut de régularisation dans le délai utile, l’argumentation au fond devient inopérante, car la cour n’est tout simplement pas saisie.
La référence au mécanisme récent de l’article 915-2, « n’est pas applicable à l’instance en cours », souligne l’importance des régimes transitoires. Les effets attendus d’un assouplissement procédural ne sauraient rétroagir pour sauver une déclaration lacunaire. À l’avenir, l’articulation entre les textes nouveaux et l’économie de l’appel continuera d’exiger une discipline rédactionnelle exemplaire, condition nécessaire d’une dévolution effective.