Cour d’appel de Colmar, le 11 septembre 2025, n°22/04548

Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Colmar tranche un contentieux d’opposition à contrainte en matière de recouvrement social. Une contrainte du 12 décembre 2019 réclamait 35 356,99 euros au titre de cotisations et majorations 2014‑2016, visant un gérant majoritaire affilié aux travailleurs indépendants. L’opposition formée le 30 décembre 2019 a été rejetée par le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg le 16 novembre 2022, qui a validé la contrainte. En appel, le cotisant invoquait la nullité formelle de l’acte pour adresse erronée du greffe, l’insuffisante information sur la nature, la cause et l’étendue de l’obligation, et l’extinction de la créance en raison de la liquidation de la société. L’organisme de recouvrement soutenait le caractère personnel des dettes du gérant, la conformité de l’adresse mentionnée, la régularité de trois mises en demeure, et l’actualisation du quantum. La fin de non‑recevoir opposée aux demandes adverses est écartée faute de moyens précis. La question posée tenait, d’une part, à la nature des cotisations dues par un gérant majoritaire, d’autre part, aux conditions de validité d’une contrainte sociale. La cour confirme la dette personnelle, rejette les moyens de nullité, valide la contrainte, et ramène le montant dû à 27 970,79 euros en tenant compte des versements.

I) L’affirmation du caractère personnel des cotisations du gérant majoritaire

A) Le rattachement au régime des indépendants et la dette personnelle
La cour rappelle le cadre légal, énonçant: « En application des articles D 632-1 et L 311-3 du code de la sécurité sociale, les gérants majoritaires de Sarl relèvent du régime social des travailleurs indépendants ». Elle précise ensuite: « Les cotisations sociales mises à la charge des gérants majoritaires non-salariés constituent une dette personnelle de l’affilié ». Cette qualification, fondée sur l’affiliation du dirigeant à un régime de protection propre, commande une responsabilité personnelle distincte de la personne morale. La solution se situe dans une ligne jurisprudentielle stable qu’éclaire la limitation de l’avis du 8 juillet 2016 au surendettement des particuliers. La cour le souligne expressément en jugeant que cet avis « ne permet pas d’étendre la qualification de dette professionnelle en dehors du champ d’application du Livre IV du code de la consommation ».

B) L’indifférence de la liquidation sociale et l’ancrage jurisprudentiel
L’ouverture d’une procédure collective pour la société, non étendue au dirigeant, demeure sans effet sur les dettes personnelles de cotisations. Le raisonnement, d’ordre fonctionnel, s’appuie sur la finalité de couverture propre au gérant, notamment retraite, indemnités journalières et prestations familiales. La cour formule l’argument décisif: « Il ne peut être contesté que ces prestations sont attachées à la personne du gérant, seul bénéficiaire, et non à la société ». L’articulation avec la jurisprudence de la deuxième chambre civile du 9 juillet 2020 conforte l’étanchéité entre la dette sociale personnelle et la procédure concernant l’entreprise. La portée est nette: les organismes n’ont pas à déclarer, au passif de la personne morale, les créances nées de l’affiliation personnelle du dirigeant. Cette clarification sécurise les circuits de recouvrement sans méconnaître l’autonomie patrimoniale des personnes morales.

II) La consolidation de la validité formelle et matérielle de la contrainte

A) L’exigence de l’article R.133‑3 et l’absence de grief
La nullité formelle était recherchée en raison d’une prétendue erreur d’adresse du greffe. Le contrôle s’effectue au regard de l’article R.133‑3 du code de la sécurité sociale, dont la cour rappelle la prescription centrale: « A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine ». La juridiction constate que l’adresse renvoyait aux locaux du greffe compétent. Elle ajoute, s’agissant d’un vice de forme, que « la demande de nullité ne peut prospérer, s’agissant d’un vice de forme, que sous réserve de la démonstration d’un grief ». L’opposition régulièrement formée prive ici la nullité de toute utilité. La solution s’inscrit dans une logique de sanction mesurée, subordonnant l’annulation à l’atteinte concrète aux droits de la défense.

B) La motivation par référence et la charge probatoire de l’opposant
La motivation de la contrainte par renvoi à des mises en demeure régulières suffit, sous réserve de mentions claires quant à la période, à la nature, et au montant. La cour rappelle ainsi: « Il est constant que la contrainte doit préciser à peine de nullité la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ». Trois mises en demeure, notifiées antérieurement, figuraient en référence, et la contrainte détaillait les périodes, les assiettes par branches et le total réclamé. L’annulation est dès lors écartée, conformément à l’orientation selon laquelle la référence aux mises en demeure régulièrement notifiées permet de connaître la nature, la cause et l’étendue de l’obligation. La cour rappelle enfin le principe gouvernant le contentieux de l’opposition: « Il incombe à l’opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé des cotisations qui lui sont réclamées ». Faute de contestations chiffrées sur assiettes ou calculs, la contrainte est validée, son quantum seulement actualisé à 27 970,79 euros pour tenir compte des paiements. L’équilibre est assuré entre rigueur formelle, efficacité du recouvrement, et exigence probatoire pesant sur le cotisant.

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Hassan KOHEN
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