Cour d’appel de Colmar, le 11 septembre 2025, n°23/00005

Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Colmar a tranché un contentieux d’opposition à contrainte en matière de recouvrement d’indu. Le litige naît d’anomalies de facturation de transports sanitaires relevées entre 2013 et 2017, suivies de deux mises en demeure successives.

Une première mise en demeure, notifiée en février 2017, a été contestée devant la commission de recours amiable, qui a rejeté la réclamation en juin 2017. Une seconde mise en demeure, notifiée en mai 2018 pour un montant ajusté, n’a pas été déférée à la commission. Une contrainte visant cette seconde mise en demeure a été décernée en novembre 2019, puis frappée d’opposition.

Par jugement du 16 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a déclaré l’opposition recevable, rejeté le fond de la contestation, validé la contrainte et prononcé diverses condamnations. L’appelante a sollicité l’annulation de la contrainte et la communication intégrale des pièces. L’intimée a demandé la confirmation, le paiement de l’indu et des majorations, ainsi que l’application de l’article 700.

La question posée tenait à la recevabilité d’une opposition à contrainte lorsque, pour une même dette, la première mise en demeure a été contestée devant la commission, sans saisine ultérieure du juge, tandis que la seconde ne l’a pas été. La Cour retient l’irrecevabilité de l’opposition, confirme la validation de la contrainte et exclut toute condamnation autonome au paiement, au motif qu’elle créerait « un second titre exécutoire alors qu’elle dispose déjà de celui que constitue la contrainte validée ».

I. Le sens de la décision: la recevabilité filtrée de l’opposition à contrainte
A. Le cadre normatif et les revirements successifs
Le régime applicable articule les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui imposent une saisine préalable de la commission avant tout recours juridictionnel. Après un premier infléchissement en 2019 (Civ. 2e, 4 avril 2019, n° 18-12.014), la jurisprudence a reconnu en 2022 une exception protectrice. Ainsi, « la cour de Cassation en a déduit que le cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l’appui de l’opposition à la contrainte […] contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte » (Civ. 2e, 22 septembre 2022, n° 21-11.862).

Cette ouverture vise le droit à un recours effectif lorsque la phase préalable n’a pas été activée, et que l’opposition constitue alors l’unique voie d’accès au juge. Elle ne remet pas en cause le principe de la saisine préalable lorsque le débiteur a choisi d’emprunter la voie de la commission, puis a omis de saisir la juridiction compétente dans les délais.

B. L’articulation en présence de mises en demeure successives
La Cour d’appel de Colmar retient que le débiteur ayant contesté la première mise en demeure devant la commission disposait du recours juridictionnel, même s’il s’est abstenu de l’exercer. Dès lors, l’exception de 2022 n’est pas mobilisable pour une seconde mise en demeure portant sur la même dette. En conséquence, « L’opposition est donc irrecevable », la contestation ne pouvant contourner, par le détour d’une nouvelle mise en demeure, la discipline des voies de recours déjà ouvertes.

La ratio decidendi tient à la garantie déjà offerte d’un accès au juge, ce qui neutralise l’argument tiré du droit à un recours effectif. La Cour le souligne encore en rappelant qu’« il ne serait pas justifié en l’espèce de faire exception […] puisque elle a déjà bénéficié de ce droit ».

II. La valeur et la portée: cohérence procédurale et économie des titres
A. Une solution de cohérence, au service de la sécurité juridique
La solution ferme la voie aux contestations opportunistes suscitées par des mises en demeure successives ajustant le quantum d’une même dette. Elle confirme que l’exception dégagée en 2022 protège l’accès au juge lorsque l’étape préalable n’a pas eu lieu, non lorsqu’elle a été activée puis abandonnée. L’équilibre entre effectivité du recours et autorité des délais est ainsi préservé, sans rigidité excessive.

Cette lecture renforce la lisibilité du contentieux social: un seul filtre préalable par dette, une seule fenêtre juridictionnelle ensuite, et aucune duplication des voies par reformatage de l’assiette réclamée. Elle harmonise la pratique des organismes et la stratégie contentieuse des débiteurs, en privilégiant la diligence procédurale.

B. Des conséquences pratiques nettes: office du juge et unicité du titre
L’irrecevabilité de l’opposition interdit toute incursion dans le fond et rend la communication de pièces « sans objet ». La Cour en déduit, dans la droite ligne de l’article L. 244-9, l’impossibilité de cumuler une condamnation autonome avec la contrainte validée, afin d’éviter « un second titre exécutoire alors qu’elle dispose déjà de celui que constitue la contrainte validée ».

La précision portée sur l’« irrecevable pour défaut d’intérêt à agir » clarifie l’office du juge et sécurise l’exécution. Elle rappelle que la contrainte validée suffit à poursuivre le recouvrement, sans qu’il soit besoin d’un jugement additionnel, ce qui concourt à la bonne administration de la justice et à la prévisibilité des voies d’exécution.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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