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Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Colmar, chambre sociale, statue sur la contestation, par une affiliée auto‑entrepreneur, des points figurant à son relevé de situation individuelle. La décision tranche successivement la question de la recevabilité du recours puis celle de la méthode de calcul des droits en régime micro‑social.
Une affiliée, auto‑entrepreneur depuis 2009, a obtenu le 25 avril 2022 un relevé mentionnant, selon elle, des points incomplets pour la retraite de base et complémentaire. Après un recours amiable infructueux, le tribunal judiciaire de Mulhouse, le 2 mai 2023, a déclaré la demande irrecevable, faute de décision préalable régulièrement notifiée.
En appel, l’affiliée sollicite la rectification de ses droits pour 2009 à 2021, l’actualisation de son relevé, et des dommages‑intérêts. L’organisme conclut à l’irrecevabilité, subsidiairement à une attribution chiffrée moindre.
La Cour doit dire, d’abord, si le relevé peut fonder un recours amiable et contentieux sans notification préalable. Ensuite, elle précise la méthode de calcul applicable aux auto‑entrepreneurs. Elle infirme le jugement, déclare le recours recevable, ordonne les rectifications sur la base du chiffre d’affaires, et rejette les demandes indemnitaires.
I. Recevabilité du recours fondé sur le relevé
A. Support contestable et base textuelle
La Cour rappelle le cadre procédural de la contestation préalable. Elle énonce d’abord que « Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisie de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l’intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois. » La solution se place ensuite sur le terrain de la nature du relevé de situation.
L’arrêt s’aligne sur la jurisprudence admettant la contestabilité du relevé, qui agrège des décisions individuelles. Il cite précisément que « Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux affiliés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l’affiliée est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé (2e Civ, 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956). » L’affirmation du caractère décisoire des mentions autorise le recours préalable.
B. Conséquences procédurales et renversement du jugement
La Cour tire alors la conséquence logique du support contestable, malgré l’absence de notification. Elle précise que « cependant dès lors que les mentions figurant sur le relevé de situation individuelle procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un affilié social, nonobstant le fait que le document émane du groupement d’intérêt public créé à cet effet, l’affiliée est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions figurant sur ce relevé, l’absence de notification n’ayant que pour seule conséquence de ne faire courir aucun des délais de forclusion prévus par les textes susmentionnés. » L’irrecevabilité prononcée en première instance se heurte ainsi au régime applicable, ce qui justifie l’infirmation.
La recevabilité retenue ferme la parenthèse procédurale ouverte par le premier juge. La Cour peut donc aborder le fond du litige, centré sur la mécanique de calcul des points en régime micro‑social et la portée des arguments tirés de la compensation étatique, de l’égalité et de la valeur d’achat du point.
II. Calcul des points des auto‑entrepreneurs
A. Retraite complémentaire: forfait et classes de cotisation
La Cour dégage une ligne claire, fidèle aux textes et à la jurisprudence antérieure. Elle retient que « Il en découle que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affiliée, déterminée en fonction de son revenu d’activité (2e Civ., 23 janvier 2020, n° 18-15.542), étant précisé que la cotisation s’exprime sous la forme d’un montant fixe (et non d’un pourcentage) dû par l’affiliée dont le revenu, déterminé selon les règles d’assiette appropriées, est compris entre les bornes de la classe de cotisation dont celui-ci le fait relever. » Le mécanisme de compensation financière entre l’État et les régimes est déclaré étranger à la détermination des droits individuels.
L’arrêt écarte également la substitution du bénéfice non commercial au chiffre d’affaires, incompatibile avec le forfait légal qui conditionne la classe. Il balaie l’argument d’égalité en jugeant que « Le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents est sans portée dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d’entreprises par la mise en place, notamment, d’un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d’opter pour le régime micro-social. » Puis, au vu des chiffres non discutés, la Cour tranche nettement: « La formule de calcul présentée par l’affiliée, expurgée de toute référence au forfait social, étant seule conforme aux textes applicables, et le chiffre d’affaires à retenir n’étant pas discuté, la demande de l’affiliée apparaît fondée. » Les rectifications chiffrées sont dès lors ordonnées.
B. Retraite de base, effets statutaires limités et portée de la solution
Pour le régime de base, la Cour confirme la même logique d’articulation entre chiffre d’affaires, taux forfaitaire et classes. Elle souligne que « L’option en faveur du statut de l’auto-entrepreneur conduit toujours, en effet, à l’application d’un forfait déterminé par l’application au montant du chiffre d’affaires ou des recettes effectivement réalisés par l’intéressé d’un taux global fixé par décret selon les catégories d’activité, en vertu des dispositions de l’article L. 133-6-8, I, du code de la sécurité sociale (devenu l’article L. 613-7), dans leurs rédactions successivement applicables aux années considérées. » Les relations financières État‑régimes, comme les réductions statutaires non sollicitées, demeurent sans incidence sur l’ouverture des droits individuels.
Cette solution présente une valeur normative solide en cohérence avec les textes et la jurisprudence citée. Elle renforce la sécurité juridique des affiliés en consacrant le relevé comme vecteur de contrôle et en neutralisant des arguments extrinsèques aux droits. Sa portée pratique est notable pour les auto‑entrepreneurs, qui voient confirmée l’indexation de leurs points sur le chiffre d’affaires déclaré et le forfait légal, avec une possible augmentation des demandes de rectification anciennes, non frappées de forclusion en l’absence de notification. Enfin, la Cour refuse d’ériger le différend en faute civile, motif pris de l’ambiguïté des textes, ce qui évite de judiciariser excessivement les désaccords techniques sur le calcul des droits.