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La question de la représentation des parties en cause d’appel dans les procédures sans représentation obligatoire soulève des difficultés pratiques importantes. La Cour d’appel de Colmar, dans un arrêt du 11 septembre 2025, se prononce sur les conséquences de la non-comparution de l’appelant à l’audience.
Un particulier a formé opposition à une contrainte émise par une caisse de retraite. Par jugement du 26 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg l’a débouté de son opposition et condamné au paiement de la somme de 6 525,92 euros outre frais et dépens. L’intéressé a interjeté appel de cette décision.
Devant la cour d’appel, l’appelant, bien que régulièrement convoqué par message RPVA adressé à son conseil le 7 juin 2024, n’a pas comparu à l’audience du 15 mai 2025. L’intimée ne s’est pas davantage présentée.
La Cour d’appel de Colmar devait déterminer si l’absence de l’appelant à l’audience, dans une procédure sans représentation obligatoire, permettait à la juridiction de statuer au fond ou si cette absence devait entraîner des conséquences particulières.
La cour confirme le jugement de première instance. Elle retient que « si l’appelant ne comparaît pas, son appel doit être considéré comme non soutenu, même s’il a adressé à la juridiction des conclusions écrites ou une demande écrite de renvoi de l’affaire ». Elle ajoute que « dès lors qu’elle n’est saisie d’aucun moyen d’appel, la cour ne peut que confirmer le jugement ».
Cette décision illustre la rigueur procédurale applicable aux procédures orales (I), tout en soulevant la question de l’équilibre entre formalisme et accès effectif au juge (II).
I. La sanction de la non-comparution de l’appelant dans les procédures orales
La cour rappelle une règle fondamentale des procédures sans représentation obligatoire (A), dont l’application conduit mécaniquement à la confirmation du jugement entrepris (B).
A. L’exigence de comparution personnelle dans les procédures orales
L’arrêt commenté s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation. La chambre commerciale, dans un arrêt du 3 mai 2016, avait posé le principe selon lequel l’appel non soutenu par la comparution de l’appelant ne peut prospérer, et ce même en présence de conclusions écrites. La cour d’appel reprend cette solution en la citant expressément.
Cette règle trouve son fondement dans la nature même des procédures orales. L’article 946 du Code de procédure civile dispose que les parties présentent oralement leurs prétentions et moyens à l’audience. Les conclusions écrites ne constituent qu’un support destiné à faciliter les débats, non à s’y substituer. La comparution n’est pas une simple formalité mais la condition même de la saisine effective de la juridiction d’appel.
La solution retenue s’explique également par le caractère contradictoire de la procédure. Le juge ne peut statuer que sur ce qui lui est soumis à l’audience. En l’absence de l’appelant, aucune prétention n’est valablement formulée devant lui.
B. La confirmation automatique du jugement faute de moyens d’appel
La conséquence de l’appel non soutenu est clairement énoncée par la cour. Elle se réfère à un arrêt de la chambre sociale du 8 novembre 1994 pour affirmer que, « dès lors qu’elle n’est saisie d’aucun moyen d’appel, la cour ne peut que confirmer le jugement ».
Cette formulation mérite attention. La cour ne prononce pas la caducité de l’appel ni ne déclare celui-ci irrecevable. Elle statue au fond et confirme la décision de première instance. Ce choix procédural s’explique par l’effet dévolutif de l’appel, qui a bien opéré par la déclaration d’appel. La cour est saisie du litige mais ne dispose d’aucun élément pour réformer le jugement.
La solution présente l’avantage de la simplicité. Elle évite les incertitudes liées à d’autres qualifications procédurales. La confirmation du jugement rend l’appel définitivement sans effet sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure incidente de caducité.
II. Les questions soulevées par cette rigueur procédurale
L’automaticité de la sanction peut susciter des interrogations quant à la protection du justiciable (A), sans toutefois remettre en cause la légitimité du dispositif (B).
A. Les risques d’une application mécanique
La décision commentée ne laisse transparaître aucune circonstance particulière expliquant l’absence de l’appelant. La cour se borne à constater que celui-ci « n’a pas comparu, malgré convocation de son conseil par message RPVA ». Cette formulation suggère que le conseil était destinataire de la convocation mais que ni lui ni son client ne se sont présentés.
Cette situation pose la question de l’information effective du justiciable. Dans les procédures sans représentation obligatoire, la partie peut se faire assister ou représenter par un avocat sans que celui-ci soit constitué au sens procédural. La convocation adressée au conseil n’équivaut pas nécessairement à une information directe de la partie elle-même.
L’arrêt de la chambre commerciale de 2016 précisait que les conclusions écrites ne suppléent pas l’absence de comparution. Cette règle, juridiquement fondée, peut heurter l’attente légitime du justiciable qui estime avoir fait valoir ses arguments par écrit.
B. La cohérence d’ensemble du dispositif procédural
La rigueur de la solution ne doit pas masquer sa cohérence. Les procédures orales reposent sur un équilibre entre simplicité d’accès et exigence de participation. L’oralité dispense le justiciable des contraintes formelles de la procédure écrite mais impose en contrepartie sa présence aux débats.
Cette exigence garantit le respect du contradictoire. L’intimé qui comparaît doit pouvoir répondre aux arguments de l’appelant. Le juge doit pouvoir interroger les parties et s’assurer de leur compréhension des enjeux. Ces objectifs ne peuvent être atteints en l’absence de l’une des parties.
La solution retenue incite les parties à prendre au sérieux la procédure d’appel. Elle évite l’encombrement des rôles par des appels dilatoires formés sans intention réelle de les soutenir. Elle responsabilise l’appelant qui, en exerçant cette voie de recours, s’engage à défendre ses prétentions devant la juridiction.
L’arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 11 septembre 2025 s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle établie. Il rappelle aux praticiens et aux justiciables que l’accès au juge d’appel dans les procédures orales suppose une participation effective aux débats. La confirmation du jugement de première instance constitue la réponse procédurale adaptée à l’absence de l’appelant, préservant tant la cohérence du système que les droits de l’intimé.