- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Colmar, chambre sociale, statue sur l’opposabilité à l’employeur des soins et arrêts consécutifs à un accident du travail. Le litige naît d’une chute sur verglas lors d’une descente de camion, avec un certificat initial mentionnant une contracture lombaire droite et un arrêt immédiat.
Les arrêts ont été prolongés sans interruption jusqu’au 3 avril 2022, la consolidation étant fixée au 28 février 2022. Saisie d’un recours contre l’imputation de nombreux jours d’arrêt, la juridiction de première instance, par jugement du 4 octobre 2023, a limité l’imputabilité au seul intervalle du 18 janvier au 1er mars 2019, sur le fondement d’une expertise sur pièces, et a déclaré le surplus inopposable à l’employeur.
L’organisme de sécurité sociale a relevé appel, invoquant la présomption d’imputabilité de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, l’existence d’arrêts ininterrompus et l’aggravation d’un état antérieur. L’employeur sollicitait la confirmation du jugement ou une nouvelle mesure d’instruction, soutenant que la lésion initiale ne pouvait justifier des arrêts prolongés.
La question posée tient à l’étendue de la présomption d’imputabilité au regard d’arrêts continus jusqu’à la consolidation, en présence d’un état antérieur décompensé, et à la charge probatoire pesant sur l’employeur. La Cour d’appel infirme le jugement, retient l’application du principe jusqu’à la consolidation, juge l’expertise hypothétique sur la cause étrangère, et déclare pleinement opposables tous les arrêts et soins jusqu’au 28 février 2022.
I. Le principe d’imputabilité jusqu’à la consolidation
A. La portée normative de l’article L. 411-1
L’arrêt rappelle en des termes précis l’économie du texte. Il énonce que, « En application de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur, dans ses rapports avec la caisse, dès lors que le caractère professionnel de l’accident est établi de prouver que les lésions invoquées / les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail. »
La Cour précise la temporalité et le champ des lésions couvertes. Elle retient que « La lésion corporelle englobe non seulement celle subie immédiatement ou dans un temps voisin, mais également ses complications ultérieures (c’est-à-dire les nouvelles lésions apparues avant la consolidation ou la guérison). » La continuité des arrêts, dûment justifiée, commande l’extension du bénéfice de la présomption.
B. L’extension aux aggravations d’un état antérieur
Le raisonnement intègre la situation des pathologies préexistantes aggravées par l’accident. L’arrêt affirme que « La présomption d’imputabilité trouve aussi à s’appliquer si l’accident du travail vient aggraver un état pathologique préexistant ou favorise l’expression d’un état latent c’est-à-dire asymptomatique. » La donnée médicale d’un état antérieur ne renverse pas, par elle seule, le mécanisme probatoire prévu par le texte.
L’espèce offrait des arrêts continus jusqu’à la consolidation et des lésions décrites de manière conforme dans les certificats successifs. La Cour se fonde sur ces éléments objectifs pour maintenir l’arc présomptif jusqu’au 28 février 2022. Elle contrôle la cohérence des tableaux lésionnels et l’absence d’interruption dans la séquence d’incapacité.
II. Le contrôle probatoire et la portée de la solution
A. La charge de la preuve et l’insuffisance du doute médical
La charge de la preuve d’une cause totalement étrangère incombe à l’employeur, ainsi que l’arrêt le rappelle explicitement. Les éléments médicaux invoqués, s’ils établissent une antériorité discale, ne démontrent pas une étiologie autonome rompant le lien causal pendant la période critiquée.
L’expertise sur pièces retenue par les premiers juges comportait une hypothèse non étayée. La Cour cite la conclusion selon laquelle, « Après le 1er mars 2019, les arrêts de travail et les soins étaient vraisemblablement liés à une cause étrangère à l’accident qui évoluait pour son propre compte ». Le caractère « vraisemblablement » conjectural ne renverse pas une présomption légale robuste, adossée à des arrêts ininterrompus et à une consolidation ultérieurement fixée.
L’arrêt refuse d’ériger en certitude une simple vraisemblance, et n’ordonne pas de nouvelle expertise. Il juge, sans excès de pouvoir, que l’état du dossier permet de trancher, la preuve contraire n’étant pas rapportée avec le degré d’exigence requis par l’article L. 411-1.
B. Les conséquences pratiques pour l’opposabilité des dépenses
La solution consacre une ligne claire pour le contentieux AT/MP. En présence d’arrêts continus jusqu’à la consolidation, l’opposabilité s’impose sauf démonstration d’une cause totalement étrangère, établie par des éléments positifs et convergents, non par de simples doutes.
Les organismes gestionnaires sont confortés dans la prise en charge d’une décompensation d’état antérieur, lorsque l’accident joue un rôle déclencheur ou aggravant. Les employeurs doivent, pour contester, produire une démonstration médico-légale précise, datée et étayée, propre à établir une évolution autonome rompant le lien causal présumé.
L’arrêt renforce la sécurité juridique des séquences de soins et d’arrêts jusqu’à la consolidation. Il rappelle enfin que la perception d’une disproportion entre lésion initiale et durée d’arrêt ne suffit pas, en soi, à écarter la présomption d’imputabilité légalement instituée.